Chapitre VI

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Aeron mastiquait machinalement le bout de pain sec qui constituait son repas. Cela faisait maintenant deux jours qu'il avait quitté Berthold et sa famille. Il repensait avec envie au ragoût fumant que lui avait offert ces braves gens tout en fixant sa maigre miche. Il la lança en soupirant à sa jument qui hennit de contentement avant d'avaler le croûton.

Muet, Aeron balaya l'horizon du regard. Il se trouvait dans un clairière envahie de hautes herbes et entourée d'une forêt. Peut-être trouverait-il là-bas quelques fruits à se mettre sous la dent et qui sait, s'il avait de la chance il réussirait peut-être à tuer un furet ou un écureuil. Après avoir vérifié que sa jument était bien attachée, il se dirigea vers l'orée du bois son arc à la main. Bien vite il remarqua que le bois en question était principalement constitué de sapins et de chênes. Mieux valait abandonner la recherche de fruits et se concentrer sur l'option carnivore.

Souvent durant son entraînement militaire, il s'était retrouvé seul dans la nature pendant plusieurs jours. Tandis que ses camarades elfes se nourrissaient allégrement de baies et de gros gibier, il avait survécu en chassant toute sorte de petits rongeurs. Il haussa les épaules en repensant ces exercices. Il avait été la risée de toute la caserne lorsqu'il avait été surpris en train de cuire une gerbille au feu de bois mais il avait survécu et c'était l'essentiel.

Il aperçut à ses pieds de petites crottes rondes presque noires. Aujourd'hui au menu ce ne serait pas gerbille mais lièvre. Après avoir minutieusement suivi les traces fraîches, il déboucha aux abords d'un immense chêne vert. A ses racines un lièvre grignotait tranquillement un buisson de trèfles. Aeron se rapprocha silencieusement en prenant grand soin de ne pas marcher sur un brindille ou un bout de bois. Avec une infinie précaution il banda son arc. Au son de la corde tendue, le lièvre releva brièvement la tête mais il était trop tard. La flèche mortelle qui allait lui transperçait l'abdomen était déjà partie. Aeron se leva pour aller chercher son butin. L'animal, à l'agonie, couinait encore de douleur. Le chevalier s'empressa de lui trancher la gorge et de mettre fin à ses souffrances.

En relevant la tête il aperçut aux pieds du chêne une brique d'argile couverte de mousse. Il fronça les sourcils. Il n'y avait pourtant aucun village dans un rayon de plusieurs milles. Interloqué il fit le tour de l'arbre et remarqua une bâtisse couverte de végétaux quelques mètres plus loin. Les mousses et les fougères avaient envahi ses murs et son intérieur mais la forme du petit bâtiment restait discernable. Aeron ressentit un étrange sentiment de déjà vu qui le poussa à pénétrer à l'intérieur. De la taille d'une maisonnette, la bâtisse était complètement vide à l'exception d'un autel sur lequel siégeait une statuette couverte de mousse. C'était donc cela, il s'agissait d'un temple comme celui dans lequel il s'était réfugié quelques jours plus tôt. Il s'approcha pour examiner la statuette. On pouvait encore discerner les traits d'une femme vêtue d'une robe longue et fine et dont les cheveux ondulés tombaient jusqu'aux reins. Son visage parfait était lisse et inexpressif et son bras droit, cassé au niveau du coude semblait brandir jadis quelque chose. Une inscription était gravée en langage elfique sur le socle de la statue : « La mort puisse-t-elle vous protéger ». Aeron avait déjà entendu parler de cultes païens d'un ancien temps qui rendaient hommage aux fantômes. Cette chapelle devait dater de cette époque. Il repensa alors à l'édifice en parfait état dans lequel il avait trouvé refuge quelques jours plus tôt. Apparemment, les gens semblaient encore vénérer les fantômes même s'ils avaient coupé contact depuis plusieurs siècles déjà. Jusqu'à maintenant...

Aeron saisit la statuette et décida de l'emmener avec lui. Au moment de la retirer de l'autel, il ressentit un petit frisson et inspecta tout autour de lui pour être sûr que ce blasphème n'avait pas attisé la colère d'un quelconque esprit. A son grand soulagement, rien ne se produisit. Son ventre émit un grondement bruyant. Il avait presque oublié qu'un vrai repas l'attendait. Il sortit de la chapelle et retourna vers la clairière.La nuit était en train de tomber. Il se dépêcha d'allumer un feu de camps et de déguster sa prise. Bientôt le chant régulier du hiboux, la chaleur des flammes crépitantes et la fatigue du voyage eurent raison de lui et le plongèrent dans un profond sommeil.

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⏰ Dernière mise à jour : May 23, 2020 ⏰

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