010 : Jeux d'humains, jeux de vilains

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Le processus de retrouver Archibald fut presque plus complexe que celui d'interroger neuf suspects de vol qui mentaient comme ils respiraient. Lorsque deux serviteurs envoyés le chercher rentrèrent bredouille, le trio d'enquêteurs comprit qu'il allait falloir se remonter les manches et faire les choses eux mêmes. Ophélie visita tous les miroirs de la Tour, maudissant un peu plus Archibald à chaque pièce où il ne se trouvait pas. Ce ne fut qu'après être rentrée les mains vides au Clairdelune et s'être servie la première tasse de café d'une longue série que l'animiste vit enfin son incapable d'ami au haut-de-forme montrer le bout de son nez. C'était Thorn qui l'avait trouvé, accoudé au comptoir d'un bar obscure de la ville basse, en train de faire son numéro habituel de séduction à une barmaid désabusée. Cette dernière n'avait apparemment pas bronché en voyant l'intendant attraper son client par le dos de sa veste et le traîner dehors.

- D'accord, d'accord ! Capitula Archibald une fois que Thorn l'eut amené au quartier général. Est ce que quelqu'un aurait l'extrême amabilité de m'expliquer ce qu'il se passe ? Il a bien essayé de me briefer mais j'avoue n'avoir pas écouté.

- Vous voyez c'est exactement pour ça que je ne voulais pas qu'il vienne, soupira Thorn.

- Est ce que vous êtes sobre ? Interrogea Ophélie sans prêter attention à leurs paroles.

- Je crois que la petite randonnée forcée à travers la ville basse m'a pas mal aidé à dessaouler. Qu'est ce que je peux faire pour vous ?

- Fournir cette équipe en compétence concernant les relations humaines.

Le visage d'Archibald se fendit d'un large sourire et il s'assit en face d'Ophélie avec son meilleur air de conspirateur.

- Il ne m'en faut pas plus, j'en suis, dit-il. Dites moi tout.

- Je risque d'avoir de gros problèmes si je vous dis « tout », justement, mais en résumé un vol a été commis, et il s'agit de faire parler les suspects jusqu'à ce qu'une piste se dessine.

- Dans ce cas vous avez frappé à la bonne porte ! Qui sont-ils ces fieffés coquins ?

- Dites moi que je rêve et qu'il n'a pas vraiment dit ça, siffla Thorn entre ses dents.

- Non, il l'a vraiment dit, fit Ophélie d'un air vaguement désespéré.

- Oh croyez en mon expérience, là il se retient, intervint Patience.

- Est ce que vous voulez mon aide ou non ?!

Les trois enquêteurs mirent alors Archibald au courant de ce qu'ils savaient sur les neuf suspects. Par chance, il connaissait de nom et de réputation chacun d'entre eux, exception faite évidemment des domestiques. Sa première suggestion fut de laisser les deux factions à l'écart l'une de l'autre. « S'ils ont l'occasion de s'accuser les uns les autres nous n'avancerons jamais », justifia-t-il. Sa deuxième suggestion, bien évidemment, fut d'intégrer de l'alcool à la situation, pour mettre tout le monde à l'aise et faire tomber quelque peu les inhibitions. Selon lui, il fallait que chacun des suspects cesse de se sentir dans un interrogatoire.

Durant tout son discours, Ophélie et Thorn s'échangèrent des regards de plus en plus anxieux. Si habituellement la timidité ou l'indifférence faisaient des masques assez convaincants pour leur permettre de garder le silence et de rester à l'écart, là rien ne viendrait les sauver. Ils allaient devoir interagir activement avec beaucoup de monde, et pire encore, ils étaient supposés le faire correctement. Avec aisance. Et récolter des informations au passage. C'était beaucoup trop demander à deux inadaptés comme eux, il allait forcément y avoir des problèmes.

Les Cryptides de la Cour - Arc 1 (Fanfiction La Passe-Miroir)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant