La Guerre de la Terre Noire

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En 1967, j'étais dans l'actuelle Ukraine. A Donetsk plus particulièrement. En décembre, il faisait déjà froid, nous n'avions plus de quoi nous chauffer mis à part quelques planches de bois des isbas aux alentours que nous faisions brûler. Donetsk était dans un piteux état. Que des ruines, à perte de vue, picotées par des obus Ukrainiens et Russes qui ravageaient la ville. Je pensais que ces guerres en Europe ne finirait jamais. Après l'entrée au pouvoir de Staline en URSS, c'est en 1929 que un état sous influence Russe s'était créé afin de pouvoir gérer de loin une partie du pays. Cet état, Astrazkhan, découpa l'Ukraine en deux et s'étendait jusqu'à l'Adyguée et l'Oblast de Rostov. Une guerre civile avait fait rage, ce qui résulta d'une dictature encore plus ferme que l'URSS à l'époque. Des conflits avait eu lieu pendant dix ans, étant petit, j'avais connu les bombes, les mitrailleuses dans les rues. Quelques années plus tard, les Allemands avancèrent leur lignes jusqu'à dominer tout l'état en entier. Après la libération, l'état renaissait de ses cendres, Astrazkhan était un état dur comme fer avec sa politique propagandiste et répressive. Le peuple souffrait terriblement. Puis, se détachant de l'URSS, une guerre surprise éclata, les forces Russes et Ukrainiennes envahirent le pays pour retrouver ses terres. Le dirigeant, Baleïvski, un piètre diplomate à mon goût a fait ce que tout bon dirigeant d'un état totalitaire aurait fait: envoyer tout les soldats au front, mourir pour la patrie. Nous nous faisions écraser.

Pour ma part, j'avais fait mon entrée dans les hauts grades de MAD, un organisation de cohésion des troupes militaires, j'étais basé à Naporijia. J'étais heureux, l'état me mettait de la poudre aux yeux, et je vivait en bon militaire intellectuel, sans m soucier de ce qu'il pouvait arriver. Évidemment, dès l'attaque soviétique, le front Ukrainien était tombé, des soldats mourraient toutes les dix secondes, nous ne pouvions pas faire face. A Grayavstok, la capitale, tout le monde pensait que Astrazkhan allait triompher, du moins les plus naïfs. Si ils savaient ce que j'avais vu, ces fosses pleines de soldats et de sang.

Je lisais dans des anciens bureaux délabrés lorsque des alarmes stridentes retentirent. Un soldat vint me prévenir d'évacuer la zone de toute urgence en Arstakhe, qui était en réalité un patois Russe mêlé à quelques subtilités d'hébreux. Je m'avançais dans la rue, et des bombes frappaient le bitume, soulevant des tonnes de terre noire dans les airs. Le soldat qui m'avait prévenu s'était volatilisé devant moi, propulsé par la détonation. Je rejoint une jeep dans la rue, en laissant tomber mon livre, entre quelques obus qui explosait non loin de là. Des coups de feux retentirent derrière moi, la jeep démarra et parti du côté opposé du front laissant derrière elle les soldats qui se battaient encore, sans conviction. Dans la jeep, sonné par les explosions, je perçut une sphère métallique dans les airs qui s'approchait de la voiture. Je sauta hors du véhicule, qui explosa juste après en mille morceaux. Des troupes affluaient les rues et se faisait descendre quelques mètres plus loin. J'étais perdu dans ce champ de bataille qui il y a dix minutes était si calme. Je me mis à courir au hasard dans les rues, j'entendais des cris, des pleurs, que j'entendrais toute ma vie retentir dans ma mémoire. Une balle de sniper ma frôla, j'entendis le sifflement et son ricochet sur le sol. Je trébucha, et ma poitrine s'engourdit. Mon corps me picota, toute douleur se tût, et soudain, je me trouva dans un train. J'étais assis à une banquette, le train avançait dans une nuit noire dont on ne pouvait dinstinguer que quelques flocons dehors. Un homme lisait son journal près de moi dans ce compartiment.

"Ne sauriez-vous pas où se train nous dirige?"

Il ricana un instant. Et se tût. Je l'avais reconnu, c'était le soldat Voks, que j'avais vu partir en vrille par une bombe il y a quelques minutes de cela. Je me leva, et me balada dans les couloir de ce train. Je voyait beaucoup de monde: des caporales, le général Keïl qui était tombé sur le front de l'Ukraine alors que tout le monde comptait sur lui après ses exploits à Berlin lors de la libération. Il était accompagné sur une table avec plusieurs soldats. Puis, dans un wagon bar, je découvrit Kiriessel, un soldat avec qui je sympathisait au front. Il était d'une philosophie qui ne m'arrivait pas à la cheville, quelqu'un sur de ses idées sur qui on pouvait compter. Il avait marché sur une mine lors d'une offensive qui avait échouée. Je l'accosta:

"Kiriessel? Vous êtes ici? - Il me répondit avec évidence

- Évidemment, vous aussi. Nous sommes tous là. Tous ceux qui ont crû à Astrazkhan et qui sont mort pour cette patrie.

- Mais tu ne m'avais pas dit que cet état te donnait le gerbe?"

En effet, Kiriessel détestait le pouvoir en place et souhait retrouver son oblast sans guerre, et en paix. Dans la population, personne n'avait le droit de critiquer le gouvernement, et les pensées étaient très fermées. Dans l'armée et dans l'élite, c'était la liberté, c'est ce pourquoi beaucoup y étaient, on pouvait discuter de tout, sans grande contrainte, à condition de ne pas trop insister.

"Si, mais je suis ici à présent. Je n'ai plus rien à penser de tout cela. Après tout, je savait que j'allais mourir. Pire ; je souhaitais mourir, depuis mon écartement avec ma famille, ce pays qui m'empêchait de vivre ma vie comme je l'entendais.

- Remarque en URSS c'est pas la liberté pure non plus.

- C'est toujours mieux qu'ici."

Le train s'arrêta brusquement me faisant valser. Mon ami me releva, et je me dirigea vers la porte du train, comme beaucoup d'autre, voir à l'extérieur ce qu'il se passait. Dehors, il neigeait. Tout était plat. Je ne voyait pas à deux mètre, il faisait affreusement sombre, comme si la lumière était aspirée. Je me retourna, et le train avait disparu. Sur ce désert de neige, je m'agenouillai, et commença à respirer fort. Une douleur me prit la poitrine, et enfin j'ouvris les yeux. Un gémissement d'agonie me prit. Un médecin appuyait sur une seringue qui était plantée dans mon bras.

"Où suis-je?

- A l'hôpital de Grayavstok. Vous vous souvenez?

- Non. Je... Je ne me souviens plus de rien depuis un moment.

- Pourtant vous aviez l'air conscient ces derniers jours. Vous me parliez assez vaguement. Enfin, je vais vous expliquer pour la cinquième fois en éspérant que vous allez vous en souvenir une bonne fois pour toutes. Vous avez été fusillé au poumon droit par un sniper en Ukraine à... Je ne me souviens plus du nom de cette ville. Des soldats vous on repêché une minute plus tard. Vous avez eu de la chance: ils ont failli vous enterrer. Mais comme votre coeur battait toujours sous assistance, on vous a transféré ici par avion."

Il retira la seringue et quitta la pièce sans que je puisse lui répondre. Je passai une semaine à fixer ce mur lugubre de cet hôpital lui même lugubre. Ma poitrine me faisait extrêmement mal, j'en était réduit à gémir tout seul de douleur ce qui étrangement me soulageait. La morphine m'aidait aussi. Un beau jour, nous étions en janvier je crois bien, le général d'état me fit une visite avec d'autres hommes. Sacha Kosel. Un gars petit à moustache (il copiait ouvertement l'apparence de Staline) et me félicita pour ma soi disant bravoure. Il me dit que j'avais été promu, qu'il était fier de moi. Je ne pouvais pas répondre, le simple fait de parler m'engourdissait de douleur, et il partit me laissant une médaille en argent du corbeau de marbre, une insigne propre à notre état. Il m'avait dit aussi que la situation militaire allait mieux. Nos soldat apparemment repoussait l'ennemi, et selon lui, Astrazkhan triomphait. J'avais envie de rire cyniquement. Cet homme en vérité m'exaspérait, je savait que nous perdions cette guerre, et j'aurais aimé le voir au front. Les jours passaient dans cet hôpital, sans visite, sans aucune attention particulière. C'est au milieu que je commençais à entendre des détonations au loin. Au bout de quelques jours, les détonations se firent de plus en plus fortes, l'unique infirmier qi s'occupait de moi paraissait nerveux. Puis j'entendis l'horreur des combats, des cris, des bombes, des obus. Une après midi de janvier alors que j'avais repris quelques capacités à respirer, une bombe éclata presque à cinq mètre de la chambre dans laquelle je me trouvait. Je ne pouvais voir ce qu'il se passait, la fenêtre était dans mon dos, je ne pouvais que fixer ce mur. Puis, la chambre parut se désintégrer, me propulsant hors de mon lit, je chuta avec les gravats.

Dans le train, je recroisa Kiriessel. Il me salua de nouveau. Le train était bien plus bondé qu'avant, je croisait du monde que je connaissait ou que j'avais déjà vu, qui ne me saluaient pas. Je ne savait plus où marcher.

"J'ai bien cru que tu ne reviendrais jamais. Malheureusement pour toi, la mort est rancunière."

Kiriessel commanda deux whisky, et je finit par me détendre, en me disant que de toute façon, ce train était bien plus vivable que la vie que j'avais auparavant.

Sensations et émotions (Expérimental)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant