Empreinte Vicieuse

1. Elle s'appelle Liv

— Hé saleté de petite ! Descend manger, la nourriture va refroidir. Si tu n'es pas là dans les minutes qui suivent, poubelle, tu te coucheras le ventre vide !

Saleté de petite, une injure de plus  à la longue liste qui lui est destiné. Étant habituée, elle n'y fait pas attention se hatant de rejoindre sa mère. Depuis maintenant un an, Liv s'est faite attrapée par cette femme qu'elle croyait gentille au premier abord, puis le vrai visage s'est enfin déclaré. Ôtant toute gaieté à Liv qui s'en voulait amèrement de s'être faite avoir.

Chez La Musette, il n'y a que des enfants. Tous n'excédant pas la maturité. Liv est la plus grande. Elle a seize ans, dans quelques mois, elle en aura dix-sept. Au vue de son intelligence peu commune, c'est elle qui aide La Musette dans ses calculs ménagers, participe aux corvées de la maison, sort faire les courses. C'est encore elle qui enseigne ses amis orphelins à lire et compter. Contrairement à eux, Liv a rencontré une autre petite fille abandonnée par sa famille et qui était loin d'être analphabète. C'est à ses côtés qu'elle a tout appris. Leur chemin furent séparés quand cette dernière voulu retrouver ses parents.

Liv a grandit dans la rue. Au début recueillie par un jeune couple, elle a fugué à l'âge de neuf ans car l'homme souhaitait lui faire des attouchements. Plus jamais elle n'a souhaité retourner dans ce lieu dangereux. Livrée à son sort, ça a été difficile pour elle de survivre. Difficile de se trouver un toit, de se faire une place dans ce monde. Elle a fouillé dans les poubelles, volant parfois de la nourriture pour ne serait ce se mettre quelque chose sous la dent. Liv sait que c'est mal. Elle n'avait juste pas d'autres solutions. Quand la faim la torturait, réfléchir était la dernière des choses qu'elle ferait. Liv n'a hélas jamais connue ses parents, sa famille. Parfois elle s'interroge sur la raison d'un tel abandon. Elle aurait tant aimé être avec eux. Tant aimé que son existence leur fasse du bien. Ce manque d'affection la peine naturellement.

— J'arrive maman, répond-t-elle une fois les marches descendue.

— Ce n'est pas trop tôt ! Fait La Musette en la voyant entrer dans la cuisine, tiens ton repas, et mange assez vite toi et Tria je dois vous emmener quelque part.

Liv récupère l'assiette tout en étant sceptique.

— Quelque part ? Je peux savoir où précisément ?

— Non ! Maintenant dégage de là ! Lui ordonne sa soi-disant mère en la poussant violemment jusqu'à la porte. La jeune fille manque de tomber, heureusement elle a pu maintenir son équilibre. Parce que si la nourriture avait été à terre, elle n'aurait rien eu à manger. La Musette aurait formellement refusé de le lui en resservir même sachant que l'accident était de sa faute.

Cette femme, Liv la déteste au plus haut point. Elle maudit le jour où elle a croisé son chemin, où elle a pensé que ce bout de méchanceté pourrait couvrir une toute petite once de bonté. Il est clair que non. Une fois arrivée à la petite terrasse, elle remarque les autres assis en train de manger. Ils sont au nombre de six y compris elle. Il y'a juste à l'extrémité de la table, Yann et Enzo, les deux petites frappes. Les amis de La Musette pour tout vous dire. Eux seuls arrivent à la comprendre, eux seuls sont favorisés. Ils font tout ce qu'elles leur demande. Et rapporte toujours à temps ce dont elle a besoin pour soit faire le dîner, soit alimenter sa boutique de verreries.

Puis, tout juste à côté se trouve Erika, la seule blonde de la meute, elle est du genre timide voire nettement effacée. Très fleur bleue, elle a par contre un don inné pour la cuisine. La Musette se sert d'elle pour la cuisine locale mais également pour servir d'autres personnes. Et juste en début de table nous rencontrons Tria et Michel, les faux jumeaux. Ils ne sont quasi jamais ensemble. Alors Liv s'interroge sur leur récente proximité. À coup sûr ils doivent tramer un truc. Évidemment eux aussi ils ont un rôle ici. Michel gère la boutique, Tria quant à elle s'occupe de la maison. Ménage à volonté, chaque jour. Même quand il n'y a rien à nettoyer, La Musette créé toujours quelque chose pour que ce soit le contraire. C'est une vraie peste. Tout le monde la hait. Enfin tous sauf les deux larbins cités plus haut.

Chacun veut quitter cet enfer dans lequel cette bonne femme les a mit. Ils ne peuvent pas parce qu'ils ne savent où aller. Ils n'ont pas de familles tout comme Liv. Ces enfants sont seuls au monde. Resté chez La Musette, est ce qu'il y'a de censé, de judicieux. La seule condition qu'ils aient de restés avec elle c'est : Travailler gratuitement. La seule paye c'est la nourriture, et un toit pour dormir. Pour eux c'est amplement suffisant.  Quitte à supporter toutes les atrocités de leur locataire.

— Bonsoir les amis, lance-t-elle prenant place près d'Erika.

Tous la salue brièvement, continuant ensuite à manger où à papoter.

— Je déteste les dinosaures !

— Ils existent plus de toutes façons.

— Peu importe même s'ils l'étaient je les détesterai quand même ! Ajoute Yann en rigolant.

Liv écoute à moitié leur conversation qu'elle juge stupide. Tout est silencieux ici. Ce ne sont que les bruits émis par les petites frappes qui pompent l'air. Elle aurait aimé leur demander de baisser la voix mais un reproche perçu par La Musette et ça en serait fini d'elle ! Alors elle préfère se taire comme les autres et manger tranquillement le bouillon de poulet.

— Chapeau Eri ! Il est divin celui-là.

Cette dernière sort de ses pensées, souriant par la suite au commentaire affectif de Liv.

— Merci, la prochaine fois je pourrais te montrer la recette.

— Oui si c'est possible.

De par là Liv entend le fait que prendre des cours de cuisine pourrait fortement déplaire à La Musette. Déjà qu'elle l'a déteste. Il vaut mieux ne pas compliqué les choses.

— Au faite, Tria, Musmoche veut nous conduire quelque part cette nuit. Tu as une idée de l'endroit ?

Elle avait savamment chuchoté ses mots, de sorte à ce que le surnom utilisé pour dénigrer La Musette ne soit entendu par les petites frappes.
Sinon rapport et bastonnade. Oui oui, La Musette n'hésitait pas une seule seconde à les battre lorsque cela lui chantait encore quand selon elle, une bêtise était faite. Actuellement Liv possède assez de marques sur son dos. Moins visibles au fil du temps, néanmoins elle ne souhaite guère en rajouter. Évidemment ces bleus sont nuls doute le fruit d'une révolte lorsque Enzo a tenté d'accuser Erika de vol. Liv certaine de l'innocence de son amie, a décidé de prendre sa défense. Elle fut soutenue par les faux jumeaux. Mais hélas, leur paroles n'allèrent pas bien loin. La Musette avait préféré croire ses deux serviteurs, ruant ainsi de coups Liv qui s'était interposé pour protéger Erika. À chaque fois qu'elle repense à cette scène, elle a des envies de meurtres. Liv hait La Musette. Si elle pouvait quitter sa maison encore la dénoncer en justice ça aurait été super. Seulement, elle est impuissante. Juste subir, voilà ce qu'il lui reste.

— Euh, non. Non je ne sais pas. Quoi, tu t'inquiètes ? Reprend Tria à voix basse.

— Oui énormément. Je suis curieuse. Tout cela n'annonce rien de bon.

— T'en fais pas. Elle a trop besoin de nous pour nous vouloir du mal.

— Sur ce point, tu as raison.

— Arrêtez vos messes basse pauvres sottes ! Toi Tria tu ferais bien de te tenir à carreaux. Cette saleté est une source de problème. Tu n'as pas envie de recevoir des coups toi aussi n'est-ce pas ? Intervient la voix de La Musette derrière Liv.

Tria se confond en excuses tout en niant avoir parler à Liv. Elle ne se cache pas pour s'excuser du regard auprès de cette dernière. Liv comprend très bien sa peur. Elle ne lui en veut pas. Son devoir ici, c'est de protéger ses amis de cette garce de bonne femme.

— Hop, hop, hop, levez-vous, nous devons y aller ! Pas de temps à perdre.

Les filles se dépêchent donc de monter dans le taxi. À une heure pareille, où peut-elle les emmener ? Surtout pour y faire quoi. Liv appréhende cette sortie. Elle a un mauvais pressentiment.