Chapter one

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J'accélère.
Ce matin est mon 4e jour de travail dans cette entreprise. Je ne peux pas arriver en retard la première semaine. C'est vrai, je ne peux pas me le permettre. J'arrive devant le bâtiment de mon travail. Je ne pensais pas, mais finalement on s'habitue aux grands buildings de New York. Je n'aime pas vraiment, mais c'est ici que je fais ce qu'il me plait, alors... j'y reste. Je me contente de ça et de mon petit appart'. Tant que je suis journaliste débutante puis progresser, ça me convient ! Surtout que, au travail, je peux oublier...
Un frisson, puis je rentre dans cette haute tour.
—Oria ! me hèle une femme que je ne connais même pas.
Elle est à l'accueil. Je viens vers elle en tirant un peu sur ma jupe inconfortable, ou alors elle me fait me sentir inconfortable. C'est moi ou les gens me fixent ? J'ai chaud. Heureusement que j'ai mis la dose de déo ce matin.
—Rien de particulier aujourd'hui, fait la blonde en ignorant mon état sans s'inquiéter, en faisant genre qu'elle ne m'a pas vue. Tu peux aller faire la paperasse à ton bureau.
—M-merci.
Je baisse la tête et me dirige vers l'ascenseur. Imbécile ! Toi qui déteste la foule et les gens, tu veux prendre l'ascenseur.
Prenant mon courage à deux mains, je monte les marches avec mes talons. Allez, encore un effort jusqu'au quatrième.
Fouuuuh... fatiguant.
Je retrouve le bureau que l'on m'a attribué il y a moins d'une semaine, face à une fenêtre. Plutôt cool. Je m'installe et commence à signer et rédiger des mails pour mon patron. Je fais ça depuis le début de la semaine ; j'ai hâte de commencer à interviewer. Bientôt, je l'espère. Soudain, je pense à lui ; merde. Je vais encore sûrement devoir l'éviter ce soir. Je serre mes poings moites. J'ai peur...
Mademoiselle Stiles ?
Je sursaute et me lève trop vite, ce qui renverse un peu de café en faisant bouger ma table.
—Oui... c'est moi.
Oh, c'est un gars qui travaille ici, il me dit quelque chose.
—On fait un concours.
—Un concours ?
—Oui. C'est pour gagner une interview.
Mes yeux s'illuminent.
—Une interview ? Génial.
Mon cœur bat à tout rompre.
—Oui. Tu peux participer, si tu veux. Par contre... je doute que tu aies une chance.
Quoi ? Encore quelqu'un qui me critique ?
—Pas personnellement, se justifie-t-il. Mais... toutes les filles de l'agence ont postulé.
—Ah bon ? Nous devons interviewer qui, au juste ?
Il regarde sur une fiche.
—Un certain Jake Gyllenhaal. Les filles de l'agence sont fans de lui. Il est plutôt beau gosse.
Son nom me dit quelque chose.
—Ok, euh... cool.
—C'était pour te prévenir, les inscriptions finissent ce soir. Demain matin, tirage au sort, demain après-midi, interview.
—D'accord, merci...
Mon rêve est de de travailler avec un grand magazine, et avoir mon propre article. Il ne faut pas que je m'égare, mais ce serait sympa ! Ma première interview.
Je me rassois puis croise et décroise les bras.
—Je ne peux pas rater cette occasion... on verra bien.

...

La journée passe plutôt vite, malgré qu'elle soit ennuyeuse. Le moment de sortir est arrivé. Je passe dans le hall tandis que les gens sortent. Une affiche retient mon attention. Tiens, c'est le concours.
Un homme remarque que je la regarde.
—Dernières minutes pour s'inscrire, après c'est fini.
—Oh, d'accord.
J'inspire.
—Je m'inscris, on verra bien.
—Super, je vais vous donner le formulaire.
Malgré le fait qu'il ait dit « super », je vois bien qu'il a hâte de rentrer chez lui.
Il me tend un papier que je remplis. Il pue la cigarette.
—Vous savez, si vous décrochez cette interview et que vous la passez sans encombre, vous pourrez en faire de plus en plus, et devenir une journaliste renommée.
—D'accord.
Je ne savais pas trop quoi répondre... Je voudrais lui dire que je suis ici pour me rapprocher de mon rêve, mais je n'aime pas parler de moi aux gens, alors merde.
Je pose le stylo.
—Voilà, c'est fait.
—Merci, je l'enregistre. Bonne fin de journée.
—Euh, vous aussi...
J'ai super chaud. Je tourne les talons. Est-ce qu'il me regarde encore ?
Je me hâte de sortir de l'immeuble, tandis que le soleil descend doucement à travers les buildings. Les ombres s'allongent progressivement. Les passants rentrent chez eux, les rues se vident doucement. J'avale ma salive. Mon appartement se trouve à deux pas, dans cette ruelle, pourvu que je ne le croise p...
—Tiens, mais c'est mademoiselle Oria ! s'exclame une voix avec ironie.
Bordel... David. J'en étais sûre.
—Euh, il faut que je rentre chez moi, fais-je sans même me retourner.
—Je m'en fous.
Une grosse main me prend par le poignet et me tire violemment. Je laisse échapper un gémissement de douleur. Quand je lève la tête, j'aperçois 3 hommes, plus David.
—Je...
—Ta gueule. On va s'amuser un peu avec toi, pas vrai les gars ?
Ses potes approuvent comme des bêtes. Dégueulasse. Je le regarde une dernière fois ; de mon âge à peu près, les vêtements un peu sales et un visage déformé par l'envie et la cruauté. Ses cheveux plutôt longs s'emmêlent. Je ferme les yeux le plus fort que je puisse et me recroqueville sur moi-même. Il commence à me tripoter partout, brusquement. Sans aucun sentiment apart une envie animale.
—Allez, laisse toi faire.
Je me raidis comme je peux.
Allez, lève-toi Oria ! me crie une petite voix. Non...
Je commence avec un élan de courage :
—Écoute, David, on est pas ensemble et j'en ai... j'en ai marre que tu...
—Je m'en fous de ton avis, sale chienne !
C'était sûr. C'était sûr que ça allait dégénérer. Je n'aurais pas du parler.
Il me prend par le même poignet et, d'un coup dans ma cage thoracique, me propulse vers des poubelles ; je me heurte contre l'une d'elles. Des déchets me tombent dessus. Ses complices ricanent.
J'aurais du me taire...
—Tu aurais du te taire, salope. De toute façon, je m'en fous de ton minable avis ! Je me suis bien amusé, mais je reviendrais une prochaine fois, le bar va ouvrir.
Je tente de me relever, mais d'un coup, il me balance son pied dans les côtes. Je me recouche immédiatement, sous l'effet de la douleur. Je ne vois plus que ses chaussures, et les passants témoins mais qui s'empressent de déguerpir.
La vie... je déteste la vie.
—Allez, rentre bien chez toi, ricane-t-il.
Deux de ses amis me font des doigts et des bras d'honneur. Que je me sens honorée...
Des larmes roulent le long de mes joues. Je ne peux plus les arrêter. Je pleure en silence, en tentant de me relever du mieux que je peux. Mes côtes m'élancent et mon poignet me brûle. Il est rouge écarlate.
Après un effort infini, je déverrouille la porte de mon immeuble et monte les marches unes à unes, en me tenant les côtes. Enfin devant ma porte, je l'ouvre puis entre et la ferme à clé. Exténuée, je laisse tomber mon sac à main, mon manteau, et m'écroule sur mon canapé. Ça y est. Je sanglote. Encore.
J'essaie en vain d'oublier ses grosses mains sales me toucher sous mes vêtements, les regards de ses amis, mon corps qui me fait mal de partout. Mon appartement pue le renfermé, mais je n'ai pas la force de me lever ouvrir les fenêtres.
Mon dieu... qu'ai-je fait pour mériter ça ?
Mes larmes coulent de plus belle. Je suis sûre que mes voisins m'entendent. C'est ça la société ; tout le monde voit, mais ils prétendent être aveugles. Je déteste ça.
Mes paupières se ferment, mes sourcils se dé-fronçent. Mes sanglots se font plus rares, puis le noir complet et le silence angoissant du sommeil.

𝒜𝓅𝒶𝒾𝓈𝑒𝑒. [𝒥.𝒢]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant