Chapitre 4

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De retour à table, les autres filles peuvent ressentir cette tension interne qui me gagne. Anaë s'inquiète et me demande ce qui se passe.

- Que se passe-t-il Sophia ?

- Cette grognasse d'Elina ! Elle m'a humilié par plaisir.

Je fais un geste de la main en direction d'Elina pour montrer de qui je parle. Puis je prends le temps d'expliquer aux filles ce qui est arrivée sans oublier le moindre détail.

- QUOI ? Elle n'a pas osé ? s'énerve Anaë

Elle commence à se lever pour aller à sa rencontre, quand je finis par lui prendre le bras pour l'en dissuader.

- Non, s'il te plaît, ça ne sert à rien de discuter avec ce genre de personne. Je t'assure, elle n'en vaut vraiment pas la peine. Laisse tomber.

Anaë me regarde avec compassion et finit par se rassoir à côté de moi en me souriant. Audrey termine sa bouchée avant de prendre la parole pour détendre l'atmosphère.

- Sans déconner, elle ferait mieux de ne pas se précipiter pour manger celle-là. Sinon elle ne rentrera plus dans ses jupes en cuir !

Il y a eu un fou rire général à notre table. On ne s'attendait pas à une telle remarque venant d'elle. Un visage d'ange qui cache bien son jeu. Ses yeux bleus me fixent en terminant par un clin d'oeil.

Les autres filles ont terminé de manger que je commence à peine. L'appétit n'est plus au rendez-vous, mais si je veux tenir pour le reste de la journée, il faut bien manger. Ma mère a prit soin de me cuisiner un cordon bleu garni de semoule et de ratatouille. Un vrai délice pour mes papilles.

***

Nous retrouvons une fois de plus Mme Souave pour notre prochain cours : la pharmacologie. Avec Anaë nous nous retrouvons dans les premiers rangs, pas loin des autres filles. Je suis impatiente de découvrir cette matière. Les médicaments et leurs mécanismes d'interaction. Pouvoir évaluer leur efficacité comme leurs effets indésirables. Les associés aux différentes pathologies... Je trouve ça tellement intéressant !

Cet été, quand j'ai su que j'allais entrer en école d'infirmière, je me suis tout de suite passionnée pour les divers cours qu'on allait suivre. J'ai acheté des livres sur les UE et je les ai dévorés. En occurrence, celui de la pharmacologie.

Je concentre mon attention sur Madame Souave, qui commence à expliquer le dérouler de son cours.

Petite pause avant d'enchainer avec le dernier cours de la journée. Je prends mon téléphone et décide de faire un tour sur les réseaux sociaux. J'aperçois une photo de Simon avec un ami à lui. Je ressens un petit pincement au coeur. A vrai dire, il me manque. Je n'ai pas pu encore le voir pour lui faire le détail de ma rentrée et savoir comment la sienne c'est déroulée. Dans mon for intérieur, j'entends cette petite voix qui me dit "faut l'appeler ce soir Sophia". Je continue mon petit tour comme d'habitude, quand soudain je reçois trois notifications. Trois demandes en amis. Pour commencer, celle de Cat puis Lulu et pour finir celle d'Audrey. Je souris en direction d'Anaë quand je vois qu'elle a aussi reçu les mêmes invitations. Ni une, ni deux, nous acceptons en même temps.

Soudain, je reçois un violent coup de coude de la part d'Anaë. Qui me fait signe de la tête en direction de la porte. Mon coeur rate un battement lorsque je vois Monsieur Benet rentrer dans la pièce. Je ne peux m'empêcher de le suivre du regard. J'entends ma meilleure amie glousser à cote de moi. Mais à ce moment-là, je suis incapable de riposter. J'analyse ses moindres faits et gestes. Je le vois poser avec délicatesse sa sacoche sur le bureau, y sortir son ordinateur portable. L'écran éclaire davantage son visage. Je peux voir de ma place, ses yeux verts émeraudes légèrement allongés malgré ses quelques mèches rebelles brunes qui lui retombent sur son joli minois. D'un geste simple, il passe sa main dans ses cheveux pour les glisser en arrière. Ce qui provoque en moi une vague de frissons. Je finis par me ressaisir avec difficulté. "Qu'est-ce qu'il m'arrive ?"

Il se redresse enfin pour débuter son programme.

- Bonjour à tous, aller un peu de concentration pour la dernière heure de cours s'il vous plaît. Comme annoncé lors de la dernière fois, je m'occupe de l'UE 2.6 la psychologie. En effet, la psychiatrie n'est pas une spécialité facile. On y retrouve des patients en détresse physique mais plus particulièrement en détresse morale. La psychiatrie est fascinante. Je vous accompagnerai lors de ses trois années. Nous aurons l'occasion de pouvoir approfondir les différentes pathologies.

Le formateur marque un temps d'arrêt pour allumer son diaporama qui s'intitule "Névroses et Psychoses".

- Vous devez certainement vous dire : que veut dire ce charabia ? C'est très simple, commençons par la psychose, cela correspond à un trouble mental, la personne qui en souffre n'arrive pas à différencier ce qui est réelle ou ce qui ne l'est pas. Elle va donc penser que ses hallucinations sont belles et bien authentiques. 

Au même moment où le formateur termine d'expliquer la définition de la psychose, son regard croise le mien. Je sens son emprise sur moi, la chaleur qu'il provoque dans mon corps. Gênée par la situation, qui semble pour moi être une éternité. Je fixe mon ordinateur afin de rompre le contact. Je ne peux m'empêcher de sourire.

La feuille d'émargement arrive jusqu'à moi pour que je puisse à mon tour la signer. À ce même instant, je sens Mr Benet se rapprocher de ma table tout en continuant son cours.

- La névrose est différente, au contraire la personne atteinte à totalement conscience de ses troubles. Ils sont souvent liés à un traumatisme qui a affecté l'état psychologique de cette dernière.

Je termine à peine d'émarger la feuille, que Mr Benet regarde par-dessus mon épaule. À ce moment-là, j'arrive à distinguer l'odeur de son parfum. Une bouffée de chaleur m'envahit et je sens le rouge me monter aux joues. J'affronte le regard de mon formateur. Sa mâchoire relâchée laisse place à un sourire. J'aperçois le détail de ses lèvres pulpeuses qui me laisse pas indifférente. Le rose de sa bouche rieuse attire mon attention et je n'arrive pas à m'en défaire. J'ai qu'une envie de me lever pour apporter ses lèvres contre les miennes.

Mais ça va pas non ? C'est quoi mon problème ?

Ma conscience me gifle en pleine figure et me remet face à la réalité. Le souffle coupé. On peut dire que je suis tombée dans la psychose en une fraction de seconde.

Je le vois s'éloigner de ma table à mon grand regret pour retourner face à son diaporama et poursuivre son cours.

Le cours terminé je me précipite à l'extérieur pour pouvoir reprendre mon souffle. Je prends l'air à pleins poumons en prenant le temps d'expirer tranquillement.

- Tout va bien Mademoiselle ?

Je sursaute reconnaissant cette voix. À la fois rassurante et angoissante. Je me retourne et tombe face à face avec Monsieur Benet. Hésitante, je réponds après un petit moment.

- Ou... euh... Oui ça va merci. J'avais besoin de prendre l'air.

- Je peux comprendre, l'air dans la classe peut être étouffant. D'autant plus qu'il y fait très chaud.

C'est certain, ça oui, il fait même très très chaud...

Je n'ai même pas le temps de répondre qu'il me fait un clin d'oeil avant de me tourner le dos. J'observe sa silhouette séduisante s'éloigner un peu plus.

Anaë me rejoint enfin et nous prenons la route. Exténuée par ma journée, et surtout les émotions ressenties je peine à parler sur le chemin du retour. Je pose ma tête sur la vitre de la voiture et me laisse guider par mon amie.

En quête de son avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant