Le Purgatoire

Solitude pesante

"Dans le divertissement l'être humain oublie son propre néant."
Nataniel ruminait cette phrase des heures entière, si accrochant comme un naufragé à son radeau, tant elle lui paraissait prendre tout son sens dans ces heures sombres de solitude. Il avait toujours été d'une nature solitaire, ne vous méprenez pas, mais il y a une nette différence entre la solitude choisie de son plein gré et la solitude subie. Celle qu'il vivait depuis maintenant de longues semaines appartenaient à la deuxième catégorie.

Ayant été dépouillé de ses souvenirs, il avait tout le loisir d'imaginer à quoi avait bien pu ressembler sa vie. Il l'imaginait volontiers horrible, emplie de vices, pour que lui soit infligé autant de souffrances morales. Il avait dû être sacrément vilain.

La nature luxuriante, qui ravissait ses prunelles, ne lui offrait qu'une beauté altérée. L'absence d'animaux, qui s'était fait silencieux depuis peu, lui semblait être un reflet de sa propre personnalité. Comme si la jungle était son paysage intérieur, et les animaux ses souvenirs qu'ils sentaient s'évanouir au fur et à mesure.

Car oui, si au début ils avaient refait surface, les souvenirs lui étaient dorénavant retirés, étant donné qu'il refusait de coopérer avec la Voix, si ce n'était pas celle qu'il avait nommé Marceline qui daignait lui parler. Il n'avait pas tellement envie de se souvenir.

A maintes reprises il avait demandé s'il pouvait sortir, sans récupérer ses souvenirs.
Les administrateurs, si bavards lorsqu'il s'agissait de leurs tests à la noix, plongeaient curieusement dans un mutisme abyssal dès lors qu'il évoquait cette possibilité.
Par leur silence, ils semblaient lui dire "tu crois que tu vas pouvoir repartir à zéro? Certainement pas !"

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Une femme, que l'angoisse maternelle avait ridé en avance, se tenait face aux administrateurs de l'expérience.

"Votre fils réagit plutôt mal. Alors que l'expérience devrait l'aider à prendre conscience de ses actes et à les accepter, il préfère ne pas se souvenir. Que souhaitez-vous que nous fassions?

Le regard dur, la mère de Nataniel regardait passivement devant elle.

-Ce garçon ne mérite pas d'oublier. Injectez-lui ses souvenirs une bonne fois pour toute, et voyons ce qu'il se passera.

La cruauté de la proposition, principalement provenant de la mère du sujet, était sans précédent.

-Mais madame...il risque de disjoncter, si vous me permettez d'employer un tel vocabulaire. Il vaut mieux y aller par étapes !

-Ecoutez, il s'agit de votre expérience, faites comme bon vous semble mais rendez-moi un garçon qui se souvienne de sa mère et qui soit lavé de ces nombreux vices !

-Votre garçon n'est pas si mauvais, vous oubliez l'influence néfaste de son père...

Sans aucun doute la dernière phrase avait été prononcée par Marceline.