La fille au bout du couloir

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Tout a véritablement commencé le deuxième jour de mon hospitalisation, enfin non, le lendemain de mon réveil, parce que je ne pouvais pas faire grand-chose quand j'étais dans le coma. Ce jour là, j'ai décidé que je voulais sortir, que j'avais assez vu ces 4 murs, et que j'avais non pas envie, mais besoin de voir autre chose. Je devais m'imprégner des lieux, voir où j'étais, enfin, bouger tout simplement.

Effectivement, ma voix était vite revenue, après quelques heures de sommeil, quelques repas, et un peu de temps. Je n'étais pas encore vraiment au top de ma forme, j'étais encore épuisé, mais je commençais tout de même à reprendre des forces, petit à petit.

J'ai donc demandé à une infirmière, Carla, si elle pouvait m'emmener faire un tour dans les couloirs. Elle accepta, m'aida à me mettre dans mon fauteuil et me fit sortir de cette cellule toute blanche, vide, et si triste. C'est vrai, je ne sais pas si les gens qui créent les hôpitaux psychiatriques se rendent compte que des dépressifs viennent dans ces chambres, alors ils pourraient faire un effort pour qu'on est envie de s'y sentir bien nan ? Bref, là tu te dis, « ce mec aurait pu mourir, mais il a survécu, et pourtant, il trouve encore le moyen de se plaindre. », et bien tu apprendras que je suis comme ça, je n'ai jamais été une personne très optimiste, alors pourquoi ça aurait dû changer à ce moment là ? Est-ce que j'ai demandé à être sauvé ? Est-ce que j'ai demandé à ce qu'on fasse un choix pour moi ? Je ne crois pas, et à cette époque je ne voyais donc pas l'intérêt de remercier qui que se soit.

J'en voulais à mon entourage, qui se comportait comme si c'était un miracle, au personnel soignant, qui faisait semblant de ne pas comprendre que je ne voulais pas de leur aide. Mais je m'en voulais surtout à moi, d'avoir échoué lamentablement. J'étais toujours dans cette optique, dans ma période sombre, où je ne croyais plus en rien, et je ne voulais donc pas faire de faux espoirs aux personnes qui croyaient en moi, et qui m'aimaient. C'est pour ça que je me disais qu'avoir échoué était la pire chose que je puisse faire, puisque ça leur aurait causé double peine, en croyant me perdre une première fois, en se réjouissant ensuite de m'avoir sauvé, pour finalement me perdre.

Maintenant, tout a changé, je ne vois plus les choses comme ça, je te le promets, je te promets également je continuerai de me battre, jusqu'au bout, à jamais, mes souffrances, je les surmonterai. Qu'est-ce qui m'a fait changer d'avis ? Que nous vaut un tel retournement de situation ? Une rencontre. Une rencontre qui a tout changé, et qui est la seule chose qui m'a maintenu en vie.

Cette rencontre a eu lieu lors de la fameuse sortie, ma première sortie d'après coma. Enfin par  « sortie », j'entends sortie hors de ma chambre, car il n'était pas question de me laisser quitter le bâtiment, pas même pour une visite en famille, selon eux c'était trop tôt, et peut-être avaient-ils raison finalement.

Carla m'a donc escorté pour une petite visite guidée de magnifique établissement (très ironique bien sûr) qu'est l'hôpital. Elle me demandait constamment comment j'allais, si je n'étais pas trop fatigué, dans le cas contraire, ça ne la dérangeait pas de me ramener à ma chambre. Mais je n'avais aucune envie d'y retourner, parce que je ne savais pas quand je pourrai en ressortir.

Je voulais profiter un maximum de la moindre petite activité que j'étais en mesure de faire, parce que rester dans ma chambre m'ennuyait profondément. Et non, les quelques visites que l'on me rendait n'arrangeait rien. C'était encore pire quand des amis ou de la famille venaient. Je devais faire face à des questions du genre « Mais pourquoi t'as fait ça ? », « Promets moi que tu ne recommenceras pas », « Tu sais que tu peux me parler quand ça ne va pas ? », « Tu te sens mieux maintenant ? ». Oui c'est vrai, qui n'irait pas mieux après avoir été enfermé dans une pièce glauque, encore plus angoissante que mes angoisses elles-mêmes. Après avoir été privé de sa liberté, et presque isolé des gens que l'on aime ? J'étais résigné, et mon nouvel environnement n'aidait pas du tout.

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