Océan Blanc

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Là-haut, loin du tumulte chaotique des bêtes et des hommes, loin des soucis de la vie des choses au sol, existe un pays qui n'en soupçonne pas la plus petite once. 

Son accès est défendu d'une loi impitoyable qui soumet la totalité des choses vivantes, puisque toute âme qui ne possède point de plumes est condamnée à jamais à la lutte face au monde qui le maintient systématiquement à lui. Les animaux cavalent si vite, sautent si haut, nagent avec tant d'aisance... Mais si peu décollent et glissent sous les nuages ! Même dans cette poignée d'élus, aucun ne vole plus haut qu'eux, eux gigantesques, doux, majestueux.

Ces géants des cieux sont si lents, mais constamment insaisissables. Aucune gêne, aucune inquiétude peuplant les têtes ici-bas ne s'élève à ce point. Au dessus d'eux, il n'y a que silence, calme, à l'infini.

Quiconque sème le vent moissonne la tempête, à moins qu'il ne s'élève loin, au-delà même de cette fabuleuse foule de moutons célestes.

D'ici, en levant la tête, il voit un ciel d'une teinte plus foncée, signe qui annonce la contiguïté du vide spatial absolu, dans toute son imposante et glaciale hostilité.

Mais, en la baissant, le somptueux spectacle du ballet des nuages éveille en lui une quiétude inégalable, comme si la paix qu'ils dégageaient était contagieuse. Chacun d'eux nait, se développe, voyage dans les cieux de chaque continent et chaque étendue d'eau, puis vieillit et décède.

Cependant, ce vaste océan blanc est indissoluble. S'il fut conçu, il le fut comme une délimitation immuable du monde, le voile masquant le temple de la sagesse, chef-lieu du pays des anges et des âmes limpides.

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