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Elle répétait qu'elle m'aimait et jusqu'à son dernier souffle, elle dit l'amour qu'elle me vouait...

Le ciel bordait la terre de mystères. La nuit mûrissait, sombre,sobre, triste.
Le vent hurlait, faisait frémir les arbres et quelques vêtements désuets sur les cours des concessions; qu'on a voulu faire sécher et qui avec la demeurée pluie d'une saison avancée, ne pouvait jouir d'un soleil brûlant à repasser, à rimer sur le dos nègre.

D'un moment à l'autre, elle menaçait de s'abattre sur nos toit de chaumes (...)
Elle n'assaillait pas. Elle se faisait sentir par roulement de grondements, tonnerres, incendies d'éclairs à vous glacer le sang, à demeurer dans votre gorge comme une boulée de béton.

Toute la journée durant, elle avait pris un village entier sur les fait.
Après ce triste événement, qui à en prendre la portée, ne l'était pas exagérément,je pouvais aller faire ma promenade.

La nature s'éveillait, s'affichait en vert un peu moins clair;en une virée de grenouille odieuse dans les coins et recoins de la grande concession; quelques autres bestioles fulminant sous les lampes et dans la rue, sous les grands lampadaires.

Quand je suis sortie de ma profonde léthargie, le soleil se couchait laissant des lueurs orangées sur mon petit visage fin.
J'avais à peine fait douze saisons de ma vie et des émotions recélées me prenait à bien trop d'occasion.
La tragédie!
Ce mot rime sur ma vie plus qu'aucun autre.
Parfois j'aimerais juste que cette vie ne sois qu'une vision macabre, un rêve. Au réveil, je verrai ma mère donner le sein à Médoune, mon petit frère et sourire blanche à mon père comme s'ils se disaient des secrets entre deux fous rires.
Me manque t'elle ?
Je sais juste que je souffre atrocement de son absence et deux ans depuis sa mort, ma vie a pris différente tournures et l'oiseau malheureux que je suis devenus a été victime d'une grande opression.
Avant, j'étais juste orpheline de mère et aujourd'hui, j'ai perdu ma famille de vue.
Papa et Médoune ont pris un navire sur les larges du fleuve et sont partis au nord du Sénégal, en Mouritanie.
En repensant à cette période de ma vie, je ne peux m'enpêcher d'être malheureuse.
Avant de partir, j'ai embrassé mon petit frère comme si ma vie en dépendait car je savais que je n'allais plus jamais le revoir...lui et son petit sourire mesquin ; ses yeux me rappelèront toujours Maman. Papa quand à lui, je ne l'ai pas tellement pleuré car il m'était devenu étranger.
Tous m'ont abandonné et se sont enfouis derrière la brume matinale d'un mois de Janvier.
Je suis resté près de Ken beugul; l'endouillée; l'aveugle; celle qui ne dira plus rien à la vie.
Son royaume à elle était sinistre. Elle s'enfermait dans ses songes, écoutait les battements réguliers de mon coeur quand on se couchait et comprenait les fins misérables de certaines âmes.
Elle n'était alors ni trop belle et pas du tout bavarde, l'aïeule.
Soupirant, regrettant, deux grosses larmes prenaient coutume à se jeter sur ses joues amincis. Parfois, elle parlait dans notre langue maternelle et aussitôt se remettait à cogiter. Alors, je comprenais qu'elle voyait maman partout mais que jamais elle n'allait m'en parler.

Le jour s'en est allé. Le temps s'éffaçait et je restais dans l'antre malheureux du jour où on n'avait perdu maman. On n'a jamais su la cause de sa mort si soudaine. Elle n'avait que vingt cinq ans. Elle était belle et pleine de vitalité. On m'a souvent dit, d'un air méchant que dans notre famille, on ne survivait pas. Grande mère se faisait appelle Ken beugul, celle que personne n'aimait; ma mère, Farmata se faisait appeler Duffi yendo. Tradition sénégalaise pour chasser certains mauvais sorts sur notre enfant qui a survécu après les précédents.

Je restais dans l'antre du souvenir des longues, interminables et belles journées ensoleillées à Saint Louis, ville symbole de raffinement et d'élégance; ville où la Téranga était érigée en art de vie.
Aussi modeste que fut notre demeure dans une de ses rues, mes parents avaient eu de la visite tous les jours; ma vie n'a pas toujours été calme et ennuyeuse. Là bas, on buvait son thé en s'occupant de notre poupée près des grandes personnes qui discutaient sur les sujets importants de la ville. Là bas, c'était le point de départ idéal; une citée idéale, une citée magique pour tout recommencer et vivre pleinement.

Passion dévastatriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant