Chapitre 11

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"Fin de la connexion"

Mon portable affiche ce message depuis près de 2 minutes, mais je n'arrive pas à en détourner les yeux. J'essaie de me convaincre que ce qui vient de se passer n'est pas une invention de mon esprit. Je n'y comprends rien. Pourquoi me rappeler alors que nous ne nous connaissons pas ? Mais la question se pose aussi à moi même, pourquoi l'avoir appelé en premier ? je ne saurais pas y répondre. Peut être qu'il y a chez ce garçon quelque chose qui m'intrigue, comme un secret que je devrais percer.

Je me décide enfin à quitter l'application. Mon regard se perd au loin à travers ma fenêtre. Les rayons du soleil de juillet commencent à se faire de plus en plus chauds et la température dans l'appartement commence à grimper. Je replis de moitié des volets pour minimiser la montée de la chaleur et me dirige vers mon lit. Je ferme un instant les yeux, et les images de notre conversation reviennent. Ses yeux foncés, ses cheveux noirs corbeau... Mais ce qui revient en boucle, c'est le ton de sa voix, amicale et bienveillante, comme si nous étions des amis de longue date.

Enfin... ce qui s'est passé s'est bel et bien passé, bien que je n'y comprenne rien.

Peu importe, un appel ne veux rien dire et j'ai encore des tonnes de choses à faire, en commençant par les courses. Le frigo est un désert sans nom et Rémi semble se contenter de plats tout prêts. Mais il est hors de question que je me nourrisse de pizzas et de pastabox tout le temps. Avec mes parents, nous partageons le goût de la cuisine, et de la cuisine bien faite. Cela fait bien trop longtemps que je n'ai pas concocté un bon petit plat. Peu m'importe si Rémi daigne être là pour le goûter !

J'ouvre bien grand les porte de la penderie à la recherche de quelque chose à me mettre sur le dos. Je sors à la hâte un short en jeans sur lequel sont cousues de petites fleurs jaunes et un t-shirt simple blanc. En quelques secondes, le tout est enfilé. D'une main j'attrape mon sac et de l'autre mes clés avant de me tourner vers la porte d'entrée. Celle ci claque derrière moi alors que je m'engage dans les escaliers.

Une fois en dehors de l'immeuble, la chaleur de l'été me frappe de plein fouet. Un coup d'oeil sur le trottoir d'en face m'indique qu'il est à l'ombre. Je m'y réfugie rapidement. Il faut dire que je ne supporte pas très bien ni le soleil, ni la chaleur. C'est pour cette raison que je suis restée cloîtrée chez moi pendant près d'une semaine.

Après quelques minutes de marche dans les rues du 8ème arrondissement, j'arrive devant les portes du petit supermarché. J'avais mes habitudes dans celui là avant de partir pour Londres.

Je rentre et la climatisation m'accueille comme une vieille amie. Ici non plus, rien n'a changé. Les rayons sont toujours les mêmes, garnies des mêmes produits, aux même endroits. Ça sera plus facile pour moi de trouver ce que je cherche. Il me faut pleins de choses: des oeufs, de la farine, des légumes, du fromage, du lait et j'en passe. J'ai l'impression que le frigo n'a pas été remplis depuis mon départ. En fait, ça ne serait même pas étonnant puisque Rémi a dû passer tout son temps à l'hôpital. Il est temps que les choses reprennent leur cours normal, et cela passe par une bonne alimentation.

Aux rayon fruits et légumes, je suis aux anges. La cuisine que nous pratiquions avec mes parents était le plus souvent basée sur le mélange et la mise en avant des saveurs végétales. Je met dans mon sac de quoi satisfaire mes envies de légumes, récupère dans les autres rayons ce dont j'ai besoin et me dirige vers la caisse.

Bon, la note a été quelque peu salée. Mais j'avais tellement de choses à prendre que ce n'est pas vraiment une surprise. Et puis, comme le dit toujours ma mère, la bonne cuisine n'a pas de prix. C'est bien en théorie, mais en pratique.... c'est une autre affaire. Je me dépêche de regagner l'appartement car la chaleur dans la rue est étouffante.

Après avoir ouvert la porte, je me dirige tout droit sur le frigo pour le remplir de toutes les choses que je lui ramène. Je laisse sur la table la farine, les oeufs, le beurre, le sucre, la levure et le chocolat. Tous les ingrédients pour réaliser un fondant au chocolat, premier gâteau que j'ai fait à Rémi quand nous nous sommes installé ici. D'ailleurs, je devrais lui envoyer un message.

De: Moi

" Coucou mon coeur, pour ce soir c'est moi qui prépare le repas, pas besoin de commander quelque chose, à moins que tu ne préfère manger à l'hôpital ?"

Sa réponse ne s'est pas faite attendre et me décroche un sourire.

De: Rémi

" Tu me vends du rêve là ! Je te promet de ne pas rentrer tard. Bisous"

Aller, j'ai pas mal de pain sur la planche ! Mais avant tout, il me faut de la musique. J'hésitais entre une playliste de l'incontournable Rihanna ou de Queen Beyoncé quand un éclair de génie me traverse ! Je ne connais même pas l'album de Conan. Enfin j'en ai entendu des extraits à cause de ma soeur, mais je n'ai jamais pris le temps de l'écouler à tête reposée.

Je le cherche sur Youtube. Bien sur, l'album intitulé "Kid Krow" y est en entier. Je lance la première musique, "Comfort Crowd" et me tourne vers mon plan de travail.

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L'album est une tuerie, mélange de mélancolie et de folie, de vérité et de douleur. Je ne pensais pas que de la musique pouvait transmettre tout cela à la fois. C'est fascinant l'aisance qu'il a à mettre des mots sur une émotion ou un sentiment pour nous le partager. J'ai l'impression de me reconnaître dans chacune des paroles, comme si nous les avions écrites ensemble. Je crois que ma soeur m'avait parlé de ça, du fait que ses textes rassemblent tout le monde parce qu'ils sont universels. Conan écrit sur les choses qui nous arrivent à tous, sur des sujets qui nous touchent tous à un moment ou à un autre.

En cherchant un peu, je trouve d'autres chansons, rassemblés sous le terme d'un "EP" intitulé "Sunset Season". Il regroupe moins de son que l'album "Kid Krow" mais les textes sont tout autant frappant par leur véracité et leurs sentiments. Conan Gray doit être une sorte de précurseur, un génie musical que le monde ne connaît pas encore...

J'ai envie d'en apprendre plus sur lui. Bien sûr, il serait plus facile d'attendre un nouvel appel pour lui poser des questions, mais s'il ne rappelait jamais ? Non, j'ai envie d'en savoir plus, maintenant. Et trouver des informations sur une personne connue, ça ne doit pas être difficile à faire.

Alors que sa musique résonne encore dans l'appartement, j'entre son nom dans le moteur de recherche. Les résultats ne tardent pas à arriver. Je choisi dans un premier temps de me pencher sur ce qui est dit de lui sur Wikipédia. Les premières informations sont les plus basiques: Conan Lee Gray, né le 5 décembre 1998 en Californie d'une mère Japonaise et d'un père Irlandais. Activité principale: auteur; compositeur; interprète; personnalité internet (youtubeur).

Mais plus je continue ma lecture, moins je me sens à l'aise. J'ai l'impression de lire quelque chose de personnel, qui ne m'est pas destiné, comme si j'espionnais quelqu'un à son insu. Mon coeur se serre comme lorsque je sais que je fais quelque chose de mal. L'idée que je sois en train de trahir sa confiance me fait vite passer l'envie de fouiner sur le web. Si j'ai des choses à apprendre sur lui, je préfère que ce soit de sa bouche. J'éteins mon portable et le pose sur le lit.

SunsetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant