En fin de journée, les mots de Bastien résonnaient toujours en moi.
L'océan n'était pas un adversaire qui cherchait à gagner la partie – à prendre ma vie. Au fond de moi, je savais qu'il n'était pas ce serpent venimeux prêt à mordre une deuxième fois.
Sans compter que lui et moi étions des amis de longue date. Pourquoi remettre en question cette amitié pour ce qui n'avait été qu'un accident ?
Ce n'était pas juste pour lui non plus. Il ne devait pas comprendre pourquoi je lui avais tourné le dos sans un regard en arrière.
À un moment ou à un autre, il me faudrait mettre les choses à plat avec cet ami afin de repartir sur de bonnes bases. C'est ainsi que fonctionne toute relation.
Et je voulais une relation avec l'océan.
Mes pas m'avaient conduit à Sumner Beach. Je marquai un temps d'hésitation face à l'étendue bleue et infinie.
Colère, frustration, peur.
L'idée d'y mettre un seul pied me faisait frissonner et je restai à distance. L'océan me défiait autant que je le narguais.
Je longeai la plage sans le quitter des yeux. Les vagues venaient et se retiraient avec le même rythme ensorcelant. Combien avait-il vu d'hommes et de femmes entrer et sortir de son territoire depuis des millions d'années ? Combien en verrait-il d'autres ? Je n'étais qu'un grain de sable. Je n'étais rien pour lui, notre relation avait toujours été à sens unique.
Je m'arrêtai à proximité de Cave Rock, une formation volcanique que les Maoris appelaient Tuawera et qui représenterait la carcasse d'une baleine légendaire échouée sur la plage. Je poussai le vice jusqu'à escalader les rochers, laissant le vent balayer mes cheveux.
Les plus beaux levers de soleil du monde avaient lieu ici, face au Pacifique.
De quoi avais-je vraiment peur ?
Que ça se reproduise ?
De perdre le contrôle face à une force aussi monumentale, face à la vie même ?
De ne jamais tenir la promesse faite à ma mère ?
Mes pieds restèrent au sec, des vaguelettes venant s'écraser autour des roches, à quelques centimètres de moi.
Nous sommes des enfants de l'océan. Dès l'enfance, nous sommes tous capables de nager et de retenir notre respiration ; plus longtemps que de nombreux adultes. Une capacité qui se perdait dès que nous commencions à marcher.
J'inspirai, j'expirai.
Dauphins, baleines, phoques et autres mammifères marins étaient capables d'atteindre des profondeurs phénoménales, et certaines espèces retenaient leur respiration jusqu'à une heure trente.
Je suis un mammifère, un enfant de l'océan.
J'inspirai, j'expirai.
Je bloquai ma respiration, comme si je m'apprêtais à plonger, imaginant mon corps relâché, mon rythme cardiaque ralenti, dans une sensation de quiétude.
Puis doucement, j'inspirai à nouveau.
Il était trop tôt pour que je retourne me baigner, ça le serait sans doute encore le lendemain, mais je serai patiente.
Alors que j'étais sur le point de faire demi-tour, j'entendis des éclaboussures répétées.
Plage déserte, personne à l'eau, ce ne pouvait pas être un nageur. Je déposai mon sac à dos et m'avançai sur les rochers, en scrutant les vagues. Les splash n'étaient pas le fruit de mon imagination. Peut-être y avait-il un dauphin qui jouait à proximité.
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Le Sirénien
FantasyLes siréniens n'existent que dans les légendes maories. Depuis qu'elle a miraculeusement survécu à la noyade, Carly tente de surmonter sa peur de l'eau. Passionnée de biologie marine, elle s'est fixée pour mission de trouver la plante aquatique capa...