Anna et le Quidditch

939 58 24
                                    

 Ça fait des années que je m'entraîne pour ça. C'est mon rêve, ça a toujours été mon rêve, et je pense que j'ai enfin ma chance. Je suis en quatrième année, à Griffondor, et le poste d'attrapeur vient de se libérer. Je serais la toute première attrapeuse de l'équipe, si je suis prise lors des sélections. Et je serais prise, c'est sûr, parce que personne n'est aussi rapide et habile sur un balai que moi. Tous les soirs, sans aucune exception, je me rends sur le terrain de quidditch et je m'entraîne à attraper des mouches ou d'autres petits animaux volants – les vifs d'or sont chers, trop chers pour qu'on en prête à quelqu'un qui n'est même pas encore membre de l'équipe. Mais je serais membre de l'équipe, bientôt, parce que je le mérite. Je ne dis pas ça par vantardise, j'ai observé les joueurs des autres équipes et même l'attrapeur que nous avions jusque-là, et je suis factuellement meilleure. Si je peux attraper une libellule en trois fois moins de temps qu'en met le meilleur des attrapeurs pour chopper un vif d'or, je suis sûre que je pourrais battre n'importe qui sur le terrain. Je vais l'avoir, cette place, je dois l'avoir, parce que c'est la seule chose qui m'importe. Je n'ai jamais été particulièrement bonne en classe, je n'ai pas vraiment d'intérêt pour l'école de façon générale. Je suis une sportive, ça a toujours été le cas, et devenir attrapeuse professionnelle est tout ce que j'ai toujours voulu. Et je sais très bien que je n'ai que peu de chances de le devenir si je ne fais pas mes preuves d'abord dans une des équipes de Poudlard. Mes parents ont eu du mal au début, ils auraient préféré que je me concentre sur les cours, mais ils savent combien je suis déterminée et ont fini par se rallier à ma cause. Il m'ont même offert un nouveau balai, un bon modèle, en vue des sélections. Je sais qu'ils se sont ruinés pour me l'acheter, et même si leur confiance m'honore je sais que leur déception n'en sera que plus grande si j'échoue. Mais je ne vais pas échouer. C'est sûr.

En me rendant aux sélections, j'ai le coeur qui bat à toute vitesse. Je sais qu'il n'y a aucune chance que quelqu'un soit aussi bien entraîné que moi, aussi rapide, agile et déterminé que moi, mais j'angoisse quand même. C'est terrifiant de se dire que ce à quoi je me suis préparée pendant quatre ans va se jouer là, maintenant, en quelques minutes. J'arrive sur le terrain et je vois Olivier, le capitaine, et un petit attroupement de candidats autour de lui. Il m'interpelle en me voyant arriver :

« Salut, tu viens pour quel poste ? »

« Attrapeuse », je réponds, fièrement.

Son visage s'assombrit. Ce n'est pas bon signe, pas bon signe du tout. Est-ce que c'est parce que je suis une fille ? Est-ce qu'on m'a donné la mauvaise heure, est-ce que les sélections sont déjà finies ? Je reste silencieuse, suspendue à ses lèvres, tandis qu'une boule commence à se former dans ma gorge.

« On ne t'a pas dit ? » finit-il par dire, l'air un peu penaud. « Il n'y a pas de sélection, pour les attrapeurs. Le poste est déjà pris. »

Je me mords l'intérieur de la bouche très fort pour retenir mes larmes. Je ne comprends pas ce qui se passe. J'arrive à bredouiller « à qui ? », d'une voix tremblotante qui laisse transparaître ma déception. Je m'en veux d'être si faible face au capitaine de l'équipe, mais je suppose que ça n'a plus vraiment d'importance de toute façon. Et ses mots tombent, comme un couperet.

« Harry Potter. »

« Le.. le mec avec la cicatrice ? » je murmure avec peine, la voix obstruée par les sanglots. « Mais c'est un première année... »

Olivier semble avoir de la peine pour moi. En fait, quand je regarde les candidats aux sélections autour de moi, tout le monde semble avoir de la peine pour moi. Mais peu importe la peine qu'ils ressentent, il n'y a aucune chance qu'elle soit comparable à celle qui a submergé mon corps tout entier, me laissant pantoise, comme en état de choc. Un gamin sorti de nul part, qui a du monter sur un balais trois fois dans sa vie, vient de me piquer ma place sans même passer par les sélections. Le capitaine hausse les épaules, et je comprends que lui non plus n'y peut pas grand-chose.

« Je suppose qu'il est juste trop fort. Il a rattrapé une boule, quelque chose comme ça, alors McGonagall me l'a envoyé. »

Il a rattrapé une boule. Si ce n'était pas aussi triste, je pourrais presque rire. À croire qu'il suffit d'avoir vaincu le seigneur des ténèbres une fois pour avoir un passe-droit pour tout. Je sens que je ne pourrais pas retenir mes larmes beaucoup plus longtemps et je ne pense pas que me mettre à pleurer devant toute l'équipe ferra revenir Olivier sur sa décision – d'autant que, de ce que j'ai compris, ce n'est pas vraiment sa décision – alors je tourne les talons et je m'éloigne le plus vite possible. Je marche d'abord puis je me mets à courir, sans vraiment savoir où je vais, parce que j'ai l'impression que peu importe où je vais plus rien ne m'attendra là-bas. Plus rien ne m'attendra plus jamais. Je n'avais qu'un rêve, il l'a pris, et je ne sais pas si j'arriverais un jour à nouveau à ressentir autre chose que du désespoir et de la colère. Je cours toujours, peut-être que je ne m'arrêterais plus jamais, et peu à peu les pensées qui tournoient dans ma tête s'en vont jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une : va bien te faire foutre, Harry Potter.  

NIQUE HARRY POTTEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant