La nuit portant conseil, les enfants avaient eu l’occasion de réfléchir aux évènements de la veille concernant Madame Pommesec. Aussi, elles avaient estimées que son accident n’était qu’une malheureuse coïncidence. Elles ne pouvaient être tenues pour responsables de sa chute dans les escaliers. La gouvernante avait dû manquer une marche tout simplement…
- Bon, les enfants, comme vous n’allez pas voir madame Pommesec durant les prochains jours, il va falloir que vous trouviez une occupation. Nous avons suffisamment d’hectares pour vous défouler. Et par pitié, pas de bêtise !
- Oui, Papa ! promirent les deux fillettes en hochant la tête avec énergie.
A peine Monsieur Voss avait quitté la pièce, qu’elles sortirent le fameux livre magique de sa cachette, argumentant pour décider qui serait le prochain à faire un vœu. Martine, la femme de ménage entra dans la chambre, surprenant les enfants en plein débat. Constatant que la propriété grouillait de personnel et qu’elles risquaient de se faire prendre la main dans le sac à tout moment, elles décidèrent de poursuivre leur conversation dans le jardin, là où personne ne pourrait les entendre.
- C’est à mon tour ! annonça Eline en s’en emparant.
- Okay, vas-y… Mais, réfléchis bien à ce que tu vas demander !
Assise sur le gazon Eline se prépara à écrire. Elle se frotta les mains, savourant d’avance ce qu’elle allait obtenir d’ici quelques secondes.
- Je veux le nouveau vélo Elec3000.
Un magnifique vélo violet apparut sous le regard ahuri de Julia et l’exaltation d'Eline.
- Quoi ! Un vélo ! Tu as demandé un vélo ! s’égosilla Julia.
- Pas n’importe quel vélo ! C’est un Elec3000… le meilleur vélo électrique de tous les temps.
- Tu es complètement idiote ou bien tu le fais exprès ? Tu as déjà un vélo !
- Oui, mais ce n’est pas un Elec3000 !
- Mais Papa aurait pu te le payer ! Tu as gâché un vœu pour rien. Ce que tu peux être bête, s’énerva Julia qui n’en revenait pas de la stupidité de sa soeur.
Ne supportant plus sa présence, Julia se leva et parti marcher un moment en bougonnant et en répétant « un vélo, un vélo… » d’un ton sarcastique.
- Je fais ce que je veux ! cria Eline.
Shootant dans un caillou, Julia était en colère contre sa sœur. Elle venait de gaspiller un souhait bêtement. Ne se rendait-elle pas compte de la chance qu’elle avait ? Julia était la plus intelligente des deux, et le manque de jugeote d'Eline lui tapait sur le système.
Après deux heures, séparées l’une de l’autre, à s’ennuyer chacune de leur côté, Eline finit par faire le premier pas vers Julia. Les deux sœurs firent la paix aussi vite qu’elles s'étaient disputées et passèrent l’après-midi ensemble à chercher quels souhaits elles pourraient bien faire. Le problème quand on est riche, c’est que l’on n’a besoin de rien, et c’est bien la constatation que firent les enfants…
- Bah je ne sais pas… On a déjà de l’argent, on n’a pas encore besoin de travailler, et moi je ne veux ni me marier, ni d’enfants comme Papa, c’est encore beaucoup trop tôt !
- C’est sûrement pour ça que les voeux d'héritage se transmettent pour nos vingt ans…
- Que ce soit aujourd’hui, ou plus tard, ça ne changera pas grand-chose. On a tout, dans dix ans on aura toujours tout, alors autant en profiter maintenant, tu ne penses pas ?
Julia réfléchit aux paroles de sa sœur. Pour une fois, qu’elle disait quelque chose de sensé. C’est vrai qu’elles seraient toujours riches dans dix ans… Grâce au vœu de leur père, ils ne manqueront jamais de rien. Alors, oui, pourquoi ne pas en profiter.
- Oh ! Tu sais quoi ? dit Eline. Je viens d’avoir une idée !
Son sœur adorait quand Eline avait des idées. Bien souvent, c’était de mauvaises idées et c’était bien celles-là qui étaient les plus amusantes.
Elles s’étaient réfugiée dans la grange, un endroit où d’ordinaire, elles se cachaient pour échapper à la supervision de Madame Pommesec. Allongées sur le dos dans le foin, les yeux tournés vers le plafond, Eline saisi le livre et réclama son deuxième souhait.
- Je veux un feu d’artifice digne du quatorze juillet.
Les mots étaient définitivement posés et une lumière les traversa.
Des couleurs crépitaient dans les airs sous le regard émerveillé des enfants. Des rosaces flamboyantes illuminaient la grange, lui donnant un petit côté festif. Les pétards résonnaient et claquaient au rythme des scintillements. Les enfants adoraient les feux d’artifices. La joie marquait les traits de leurs petits visages d’anges. Eline ne pensait pas à mal quand il avait demandé un feu d’artifice et jamais, ni elle ni Julia n’auraient imaginé qu’une catastrophe pourrait en découler. Malheureusement pour elles, il semblerait que cet objet magique ne soit pas synonyme de chance, bien au contraire. Un des pétards ne suivit pas la même direction que les autres et alla s’écraser dans une botte de foin qui ne tarda pas à prendre feu et à enflammer les autres bottes autour d’elle. En l’espace de quelques secondes, toute la grange était ravagée par les flammes. Les enfants eurent à peine le temps de récupérer la boite avant de sortir que le toit s’écroula.
Sous le choc, les deux sœurs s’échangèrent un regard effrayé, mais elles étaient soulagés de s’en être sorties indemnes.
Les pompiers arrivèrent sur les lieux de l’incendie et passèrent plusieurs heures à l’éteindre totalement. Pendant ce temps, Monsieur et Madame Voss passèrent un savon à leurs enfants. Ils avaient été tellement inquiets à l’idée de perdre leurs filles en découvrant les décombres, qu’ils voulaient marquer le coup. Ils ne supporteraient pas qu’il leur arrive malheur, alors il fallait qu’elles comprennent qu’elles ne devaient plus faire de bêtises.
- Quelle idée vous avez eu là, faire exploser des pétards dans la grange ! Vous savez pourtant bien que la paille prend feu très facilement… Vous m’avez extrêmement déçu ! On devrait vous punir.
- Oui, je pense qu’on devrait.
- Bien, alors c’est décidé. Vous ne sortirez plus de la maison pendant deux semaines. Le jardin c’est fini ! Allez vous coucher maintenant !
Sur ces remontrances, les filles montèrent dans leur chambre en pestant. Elles ne comprenaient pas que leurs parents se soient fait du souci pour elles. Non, les jeune filles ne voyaient qu’une chose, elles venaient de se faire disputer et c’était injuste, car ce n’était pas de leur faute si la grange avait pris feu.
Julia était en colère pour la deuxième fois de la journée.
- C’est nul… Les parents je te jure… Pff, ils ne comprennent rien. On n’a pas besoin d’eux, râla Eline.
Hochant la tête, Julia trouva du sens dans ce que disait sa sœur. Elle s’empara de l'encrier et s’allongea dans son lit. A son tour, elle écrivit son souhait.
- J’aimerais qu’on n’ait pas de parents.
Comme pour le dernier vœux les mots s'illuminèrent avant que les enfants ne ferment les yeux et s’endorment.
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DES VŒUX EN HÉRITAGE [Terminé]
Short StoryEline et Julia sont les deux héritières de la famille Voss. La tradition veut que pour leur vingtième anniversaire, elles héritent d'un livre magique leur permettant d'exaucer trois vœux chacune. Mais les deux jeunes sœurs n'ont aucunement l'intenti...