Partie une

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Montmartre était à l'époque, dans les années 1800, un des points le plus haut de Paris. Ce n'est qu'en 1860 que ce quartier a officiellement été ajouté à la ville afin d'élargir les arrondissements. Aujourd'hui, il faisait partie des endroits les plus visités de la capitale, célèbre notamment pour ses spots de photographie incroyables. Globalement, ce quartier était plutôt ce qu'on pourrait qualifier d'artistique. Tous les individus qualifiés dans une activité venaient ici pour mettre en œuvre leurs talents ou les expérimenter davantage. Peintres, dessinateurs, danseurs, chanteurs, auteurs...tous les profils passaient chaque jour sur l'esplanade du Sacré Cœur où se dressait une vue panoramique de Paris. D'ici, chaque toit d'immeubles parisiens en tuiles grises se voyait et ce jusqu'à plusieurs kilomètres au loin. Lors des jours pluvieux et assombris par la mare de nuages gris dans le ciel, il était, pour certaines personnes, agréable de venir s'accouder à la rembarre et observer les gouttes engloutir l'horizon sous un rideau d'eau.

On pouvait dire qu'Harry avait désormais pris l'habitude de regarder discrètement les différentes personnes qu'il croisait tous les jours. Les après-midis entiers qu'il avait passés ici lui avaient appris à développer son sens de l'observation et de déduction aussi, un petit peu. Il lui arrivait donc parfois de lever les yeux du livre qu'il était en train de lire pour guetter pendant quelques secondes à peine les passants. La plupart du temps, rien ni personne ne captait son attention, alors il se replongea dans sa lecture. Puis il recommença plus tard, après avoir perdu la notion du temps au fil des pages qui défilaient sous son regard concentré. Rares étaient les personnes qu'Harry trouvait intéressantes, selon lui. Il était en quelque sorte devenu blasé et son attention émoussée en voyant le même type d'individus défiler par milliers tous les jours. C'était toujours la même chose. Comme une boucle sans fin face à laquelle Harry était le spectateur. Les mêmes téléphones perchés en l'air, les mêmes sourires plaqués sur le visage, les mêmes bronzages blêmes et les mêmes langues parlées. Sans arrêt. Même en périodes creuses et peu estivales. Harry crû que cela ne s'arrêterait jamais. Mais en même temps, c'est lui-même qui décidait de se poser sur l'étendue d'herbe, se trouvant entre les deux grands escaliers massifs qui menaient à la première esplanade. Harry montait rarement là-haut, à l'endroit où l'on voyait réellement la vue à couper le souffle, tout simplement parce qu'il l'a connaissait par cœur.

Il n'avait pas besoin de monter plus haut encore. La vue que tous les touristes admiraient, Harry la voyait depuis la fenêtre de son appartement. Le studio étudiant se trouvait à quelques rues plus loin, dans un vieil immeuble un peu abîmé que personne ne voulait visiblement retaper. Au lieu de passer ses journées enfermé dans une seule pièce, le jeune garçon préférait venir ici et s'asseoir dans la pelouse pour lire sa lecture du jour qu'il avait choisi au préalable avant d'aller se coucher. C'était, globalement, ce à quoi se résumaient ses journées. Et cela lui convenait. Il était heureux d'avoir la chance d'être aussi passionné par la littérature. La plupart des élèves avec qui il était allé au lycée n'avaient pas eu cette occasion. Lui, il trouvait ça intéressant d'étudier la façon dont les différentes classes sociales vivaient tout du long des époques que nous connaissions. De pouvoir être capable d'expliquer précisément l'évolution de la société, de la condition humaine et des mentalités à travers ce que les auteurs retranscrivaient dans leurs ouvrages. Et en même temps, cerner les écrivains eux-mêmes sur leur façon de voir les choses. En comparant plusieurs artistes de la même époque, Harry réussissait à voir les avis et les perceptions varier en fonction de ces derniers.

Il aurait pu continuer à la feuilleter encore longtemps avant que le train-train quotidien et répétitif dans lequel il baignait depuis des semaines soit bouleversé. Évidemment.

Ce jour là, il faisait chaud. L'été était à son apogée et le soleil rayonnait sur toute la ville. Paris fut recouverte de rayons fiévreux et les températures âpres firent transpirer les gens. Pourtant, le nombre de touristes présents au sommet de Montmartre semblait avoir doublé. C'était à croire que la pire saison de l'année les incitait à tous sortir pour rôtir comme des morceaux de viandes sous le cagnard. Harry aurait aimé penser qu'ils étaient stupides de sortir alors qu'une aussi large vague de chaleur pesait à faible altitude, mais il ne valait pas mieux qu'eux. Lui aussi était venu. Après midi, il était venu. Sa couverture sous un bras, un nouveau livre sous l'autre, et des lunettes de soleil sur le nez. L'immeuble où il habitait avait une très mauvaise isolation, ce qui faisait que les appartements devenaient chauds à la moindre hausse. Il allait définitivement être mieux ici, à un endroit où il avait au moins une infime chance d'intercepter une rafale de vent.

De là-haut [larry]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant