Chapitre 1

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"Mme Duval, arrêtez-vous et ne bougez plus. Vous allez être redirigée en enfers."

Même si la voix n'en avait pas donné l'ordre, Hélia aurait été bien incapable de bouger le moindre muscle. Elle se sentait comme prisonnière d'un bloc de glace qui lui enserrait les jambes, immobilisant dans le froid le plus sibérien les derniers muscles fonctionnels de son corps. 
Elle détestait cette sensation d'impuissance.

Perdue dans le noir le plus complet, démunie et seule, elle ne pouvait qu'attendre qu'une chose inconnue l'emmène vers les enfers.

Evidemment, pensa la femme avec amertume. Comment aurais-je pu y échapper ?

De longue minutes passèrent durant lesquelles la morte ne put faire autre chose que de réfléchir à ce qu'il allait arriver, son corps ne répondant toujours pas à ses ordres. Au fond d'elle, elle avait toujours été persuadée de finir au plus profond des abîmes du monde, brûlée vive ou écharpée pour l'éternité. C'était après tout ce qu'on réservait aux gens de son espèce mais, elle n'avait pas pu imaginer que cela arriverait aussi tôt. Bien que ses dix sept années passées sur terre n'avaient pas été les plus agréables, elle aurait préféré rester en vie.

Avec un soupir -sa tête étant une des seules choses qu'elle contrôlait encore- elle tenta d'observer ce qu'il se passait autour d'elle pour oublier ses pensées morbides mais, elle ne pouvait rien distinguer. Ce n'était pas comme pour une personne aveugle, la jeune femme pouvait voir l'obscurité mais, elle n'en tirait rien. Tout semblait invisible ou englouti par la noirceur.

Les ténèbres se mouvaient au loin, tordant l'obscurité à l'approche d'une créature. Un boule de feu de taille humaine fonçait à toute allure vers Hélia mais, au lieu d'être effrayée par l'imminence de l'impact, ses yeux scintillaient. On aurait pu y découvrir des centaines de feux d'artifices, lâchés dans ses prunelles froides, enfermés dans une prison de verre.

La forme arriva à sa hauteur, stoppant sa course folle à quelques centimètres seulement d'Hélia qui ne bougea pas - elle en était de toute manière incapable - et observa la créature.
La harpie qui volait à côté d'elle était la chose la plus hideuse qu'elle ai eu l'occasion de voir de sa courte existence. Un corps minuscule, ridé et rapiécé côtoyait d'immenses ailes ressemblant plus à des vieilles feuilles de laitues brûlées qu'à autre chose. Elle avait aussi de longues pattes de rapace aux serres acérées. C'était sûrement la chose la plus drôle que la morte avait rencontré depuis longtemps.

- Vous êtes qui en fait ? demanda Hélia de but en blanc.

La face de la créature se tordit d'une grimace.

- Tâchez de ne pas vous adresser de la sorte aux Supérieurs. Je ne suis qu'une intendante mais eux vous feront arracher la langue pour leur avoir parlé avec un tel ton.

- Miséricorde ! se lamenta la brune. Je risque d'être brutalisée en enfers ? Et moi qui pensait qu'on allait s'amuser en chevauchant des licornes et en prenant le thé.

Hélia adressa un sourire moqueur à la harpie. Celle-ci soupira et découvrit de longues dents rouillées qui firent jurer la jeune femme par tous les dieux qu'elle connaissait. La morte ne sentais pas de peur face à cette vision, elle ne ressentais qu'un petit mal-être à peine perceptible. Ce n'était pas une vieille créature à l'hygiène dentaire douteuse qui allait la traumatiser.

- Voyons, Hélia... Nous prenons bien le thé ici mais, la plupart du temps il sert à ébouillanter les victimes. Si vous tenez tant à... y goûter, je peux faire passer le message à un de nos princes...

Avalant sa salive de travers, l'humaine ne dit plus un mot mais envoya un regard de défi au monstre face à elle. De toute façon, se disait elle, il n'est pas question que ces créatures me touchent.

Pécheresse - Les douze travauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant