0.2. Simplement compliqué

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Monaco, ma terre d'enfance, cette principauté qui me répugne, qui me donne envie de vomir mes tripes à chaque fois que je colle les lettres côte-à-côte pour en former le nom. 

Monaco, cet Etat si beau et antithétiquement si laid. 

J'ai fui cet endroit, au gong de mes 18 ans, pour rejoindre la capitale française. 

On m'a cherché ? Sûrement. On m'a trouvé ? Sûrement pas. 

A Paname, je n'avais aucune connaissance, mis à part le cousin d'une de mes proches amies d'enfance partie étudier en Australie, Mohamed Khemissa. En arrivant, je lui avais demandé de m'aider à trouver un appartement, mais comme mes comptes bancaires avaient été vidés, je n'avais aucun moyen de le payer. Alors, je suis allée dans une pension, ou dans un logement social, je ne sais même pas si c'est possible de différencier les deux tant ils sont similaires. 

C'était étouffant, rebutant, mais je n'avais que ça, j'ai dû faire un job à la con pour pouvoir payer ce toit qui ne ressemblait à rien de convenable. 

J'ai fait une coloration brune aussi, qui ne contrastait pas trop avec mon teint de blonde, pour enfoncer davantage ma vraie identité dans les catacombes. 

On se voyait peu avec Moha, ou Sneazzy comme il aimait être appelé, mais on entretenait une relation conviviale, agréable, c'était toujours plaisant d'avoir une conversation avec lui. 

Je me suis inscrite à la Fac, en licence de Langues et Lettres anciennes, parce que j'avais toujours aimé ça, comme si le Grec et le Latin menaient à un monde qui se trouvait hors du temps et qui me permettait de respirer, pour une fois, à poumons ouverts. 

Même si lui avait arrêté ses études, Moha m'avait encouragé dans ma démarche, ça pouvait être une bonne chose pour m'intégrer correctement à Paris, me disait-il. 

Ca aurait effectivement pu se passer de cette manière. 

Seulement, ça a été la décadence. 

J'ai doublé, triplé ma deuxième année, je me suis laissée accabler par les notes et j'ai balancé mes dossiers. 

Ridicule, bonne à rien, incapable de prendre ma vie en main, j'ai coupé les ponts avec celui que je disais être mon ami. Comme ça, du jour au lendemain. Je sais qu'il m'en veut, il m'a envoyé des centaines de messages, il est venu plusieurs fois à la pension, mais j'ai toujours demandé à la réceptionniste de lui dire que j'étais définitivement partie.

Je voulais tout effacer, tout. Sombre conne.

Un jour, en voyant une annonce devant une boîte de nuits, j'ai postulé pour faire des représentations le soir, j'avais besoin d'argent et plus rien de concret pour me retenir ou me forcer à me poser quelconque question.

Aujourd'hui, 5 ans après mon évasion du petit état indépendant incrusté au territoire français,  je continue mes shows. Mes collègues sont sympas, je vis la nuit, je joue un personnage, je me créé une nouvelle moi, personne ne sait qui je suis réellement, ça me convient. 

Parfois, je fais des apparitions dans des clips vidéos, parce que la maison de disque à côté de la boîte a souvent besoin de danseurs, et n'en trouve jamais assez. J'ai fait la connaissance de plusieurs artistes grâce à cette initiative, et c'est plutôt kiffant, je dois dire. 

En fait, c'est la démesure, qui est kiffante. 

Ouais, la démesure.

Apothéose inversée - KSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant