Chapitre 3

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   L'odeur des égouts lui arrache un haut-le-cœur qu'il maîtrise tant bien que mal. Son regard hautain se pose sur les différentes prisons de l'endroit. Il sait où il doit aller, ce n'est pas la première fois qu'il s'y rend. Pourtant, le locataire de la cellule 5 ne lui aspire toujours pas confiance malgré ses nombreux passages courtois. Ils se connaissent depuis près de douze ans, seulement toute sympathie entre eux avait disparu depuis le jour où l'ami était devenu l'ennemi.

-Tu viens me voir à nouveau ? Je vais finir par croire que tu tiens encore à moi.
-Ne prends pas tes rêves pour une réalité sombre idiot.

  Le rire strident du prisonnier le fit frissonner. Jamais il n'aurait pas pensé devoir pactiser avec un monstre. Seulement, celui-ci est précieux pour ses intérêts au contraire des trois autres qui croupissent dans les cellules voisines.

-Approche-toi, lui susurre son interlocuteur.

L'homme encapuchonné soupire à nouveau. Au diable les protocoles, pensa-t-il, si ce type peut l'aider il se donne à cœur joie de regarder sa misérable face.
La silhouette s'approche de la porte en ferraille, ses yeux scrutent l'intérieur à la recherche de celui qu'il est venu voir.

-Montre-toi, j'ai à te parler, gronde-t-il.

Quelques secondes passent avant que le prisonnier daigne montrer son visage. Le visiteur ne sursaute pas lorsque le détenu passa une main dans le petit cadran pour toucher son visage. Néanmoins, malgré la douceur du geste, l'homme qu'il avait jadis tendrement aimé n'est désormais plus qu'un souvenir amer à ses yeux. La mesquinerie déforme à présent le visage de son ancien amant mais ce n'est pas tout. En lui, presque toute trace d'humanité a disparu. Sa peau qui fut autrefois aussi douce qu'une pêche, est recouverte d'écailles aussi tranchantes que le couteau qu'il garde sous sa toge en cas d'attaque. Les yeux ambres le scrutent avec minuties. Il était tombé amoureux de ses yeux couleurs whisky. C'était une époque rempli d'insouciance où leur seule préoccupation se résumait à ne pas être vus par leur parents et à attendre impatiemment leur Oergong.

-À quoi penses-tu mon vieil ami ? chuchote le détenu en accentuant les S.
-À ce qu'aurai été ma vie sans toi, c'est-à-dire beaucoup plus saine que maintenant.

À dire vrai, il n'en pense pas un traître mot. Certes, il l'avait haï pour tout ce que ce-dernier avait fait sauf que l'homme l'aime de tout son être.

-Que viens-tu faire ici, si ce n'est que pour m'offrir une vue agréable. Si tu pouvais conseiller à sa majesté de m'octroyer des gardes à mon goût, je serai toujours croupi ici mais au moins je pourrai me rincer l'œil.

Quelques rires fusent des autres cellules. L'hôte lève les yeux au ciel avant de dire tout bas :

-J'ai fait ce qu'il fallait pour la fille, j'espère pour toi que tes prédictions sont vraies.

   Le détenu se montre soudain plus intéressé par les propos du visiteur.

-Comment t'y es-tu pris ?
-Peu importe, c'est fait.
-Pourquoi me crois-tu ?

La question le prît de court. Lorsque son ancien amant lui avait parlé de ses idées révolutionnaires, c'est il s'était senti trahi. Certes, il l'aimait de tout son être au point de lui rendre visite une fois par semaine en prétextant le punir mais renverser la couronne et par la même occasion le Roi ne faisait pas parti de ses projets. Il pourrait être exécuté si l'on apprenait que ce-dernier prends part à une quelconque rébellion. Pourtant, les idées de son coéquipier ne sont pas mauvaises et lui plaisent.
Il se rapproche délicatement des petits barreaux pour mieux plonger ses yeux dans ceux de l'autre. Rien à faire, se dit-il, je suis toujours fou amoureux de toi et peu importe ce que tu me diras je le ferai.

-Depuis que je te connais, tu affirmes que Koepel te guide. Donc, j'obéis à mon dieu.
-Et si j'étais une réincarnation de Koepel ?
-Tu es un Gefaar qui n'a aucune moral, je ne sais toujours pas pourquoi notre dieu t'a choisi pour être son messager.

Ils s'étudient quelques secondes avant que l'homme aux écailles retourne au fond de sa cellule. Un coup d'œil vers le garde qui se trouve un peu plus loin indique au visiteur qu'il ne lui reste plus beaucoup de temps.

-Écoute, si ce que tu affirmes est vrai...
-Ça l'est.
-... alors on sortira bientôt de cet enfer. Nertas est souffrant, ces jeux ne sont qu'une diversion pour échapper à la souffrance qui le ronge un peu plus chaque jour.
- Jo wenne, jo wûnen, murmure le prisonnier.
-Ne dis pas ça, gronde l'homme libre.

Il met à nouveau sa capuche en place avant de conclure :

-Je reviendrai te voir bientôt pour te mettre au courant des avancées de la jeune fille.

L'homme encapuchonné se détourne mais alors qu'il commence à partir, la voix du prisonnier le stoppe.

-Pourquoi me détestes-tu ?

Un léger tremblement s'entend dans ses paroles. Il n'est pas sûr de vouloir connaître la réponse pourtant cette question le taraude depuis plus de dix ans.

-Tu as fait des choses impardonnables, mon ami.
-Tu sais bien pourquoi.
-Si tu les avais seulement tuer j'aurai pu t'accorder ma clémence seulement tu as fait bien pire.

Un léger sourire tord les lèvres du mi-humain mi-reptile face aux souvenirs de cette nuit-là. Il ne regrettait pas d'avoir assassiner sa famille. Il ne regrettait pas de les avoir manger. Pendant qu'il léchait un par un les os de ses parents, son amant l'avait trouvé. Il se souvenait du cri d'horreur que celui-ci avait poussé. Son seul remord était de ne pas avoir pu finir son repas. Dommage, les yeux avaient l'air succulents.

-Quand ce sera fait, viendra-tu me chercher ? Ou me laissera-tu croupir dans ces égouts infects ?
-Je réfléchis encore à la question. Mais sache que tes actes ne jouent pas en ta faveur malgré mes sentiments à ton égard, Modder, chuchote l'invité avant de s'en aller dignement.

La créature rumine et hurle jusqu'à l'épuisement. Qu'importe si son amour ne l'aiderai pas, il trouverai un moyen de sortir d'ici. Par la force ou la persuasion. Il sait que son exécution est proche, c'est pour cela qu'il a donné l'idée de ce jeu à son ami, pour qu'il puisse repousser le supplice, pour qu'il puisse s'en sortir. Cet idiot de Roi n'a même pas eu une hésitation. Tout est en train de s'arranger, se rassure-t-il.
La voix de Koepel, s'immisce à nouveau dans son être jusqu'à broyer son âme. Ce prénom, il l'a si souvent entendu qu'il en deviendrai fou.
Lysis.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 08, 2020 ⏰

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