L'Envol du papillon de @seulementsamuel

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Une nouvelle de seulementsamuel :

« Laureen retourne à Doolin treize ans après le drame. Elle retourne dans une ville pleine de souvenirs pour affronter l'image d'un garçon qu'elle a perdu. »

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Je venais d'arriver à Doolin, bien loin de mon New York habituel bruyant et tout le temps en mouvement. Ici tout était calme, bien plus calme que dans mes souvenirs. Le tourisme n'avait pas encore repris et les habitants me fixaient du regard. Depuis le confinement, ils avaient dû voir peu d'étrangers venir ici, mais je n'étais pas une étrangère.

J'avais décidé de faire ce voyage pendant les semaines enfermée chez moi.L'épidémie avait atteint les USA et chaque entreprise avait pris ses dispositions. Pour ma part, je travaillais dans un laboratoire de biologie, mon chef m'avait appelée en me disant que les expériences que je menais n'étaient pas prioritaires alors pour le moment il valait mieux que je reste chez moi à lire des publications et écrire des papiers, mais le temps restait long.J'étais souvent pensive, je regardais la photographie accrochée au-dessus de mon lit, prise près des falaises du Moher, des papillons volant dans le ciel. C'était presque la seule décoration qui ornait chez moi. Quand je l'avais mis ma mère m'avait dit « pourquoi tu t'infliges ça ? ». Je voyais ce tableau comme un travail de mémoire : C'était des événements que je devais me rappeler pour avancer. Mes parents voyaient plutôt ça comme une punition que je m'infligeais. Je les appelais de temps en temps pour leur demander des nouvelles et savoir comment se passer le confinement à Londres. Ça faisait longtemps que je ne les avais pas vus, mon travail prenait beaucoup de places dans ma vie et je téléphonais rarement à mes parents même si je les aimais. La période étant plus calme j'en avais profité et je m'étais rendu compte à quel point ils me manquaient. Puis un jour à 20 heures, pendant que les gens aux fenêtres applaudissaient le personnel médical, j'avais vu passer des papillons près de mon immeuble. Ils étaient de toutes les couleurs au milieu d'eux je vis un tout vert qui dépareillé avec les autres. J'étais convaincue que c'était un signe qu'il était temps que je retourne à Doolin.

La vie avait repris peu à peu son cours et j'étais retournée au travail. Avec toutes les mesures qui étaient imposées, nous ne pouvions pas utiliser toutes les machines et nous ne pouvions pas être dans la même salle à plusieurs alors il fallait s'organiser et tout prenait plus de temps. Mon patron voulait que je finisse les papiers et les manips en cours avec le confinement alors je n'avais pas pu retourner à Doolin de suite. Au final je m'étais dit que c'était pour le mieux car je pouvais choisir une date qui marquerait plus : le 20 avril. C'était le jour où nous avions quittés la petite ville côtière d'Irlande pour ne jamais y retourner. Si la période de confinement était passée lentement, les mois suivants avaient défilé à une vitesse folle et le mois d'avril arriva vite. J'avais prévu de passer voir mes parents avant alors j'étais arrivée le 10 avril à Londres.

C'était la ville de mon enfance. Ma mère était née à Londres et avant de rencontrer mon père elle n'en était jamais partie. Mon père était né en France, mais il se disait lui-même « citoyen du monde » (en français dans le texte). Jeune il avait beaucoup voyagé avec ses amis et puis il était devenu militaire et avait continué à aller aux quatre coins du monde. Il avait fini par se poser à Londres, surtout parce qu'il avait rencontré ma mère.Un jour il nous avait annoncé que l'on allait devoir vivre quelques mois en Irlande à Doolin car il avait une mission. Nous n'avons jamais su vraiment ce que faisait mon père, il travaillait sûrement pour les renseignements, sauf qu'il ne nous l'avait jamais dit. Au début ma mère, dans l'énervement lui avait dit de partir tout seul, mais il lui répondit qu'il ne pouvait pas, un homme qui vient vivre loin de sa famille quelques mois ça pouvait avoir l'air louche. Louche pourquoi ? Il ne donna jamais la réponse à ma mère. Après des jours à s'engueuler ma mère accepta et pris un congé dans l'université où elle travaillait en tant que professeur d'anglais. On partit fin août pendant huit mois dans cette ville que personne ne connaissait. C'était il y a13 ans et je n'étais plus qu'à quelques kilomètres d'y retourner.

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