Chapitre 2

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Lorsque la lumière disparut autour de Thalia, le monde autour d'elle lui parut premièrement flou. Tout ce qu'elle voyait, c'était un défilé de couleurs, flamboyantes, brillantes, presque irréelles. Plissant les yeux pour faire disparaître les derniers dégâts provoqués par la lueur du Portail qui lui avait brûlé les rétines, elle fit quelques pas en avant, cherchant à se rapprocher des différents éléments se trouvant autour d'elle pour les voir de plus près. Elle semblait se trouver au milieu d'une forêt, aux arbres verdoyants. L'herbe sous ses pieds ne semblait pas être taillée bien souvent, et pourtant, elle n'était pas trop haute. La forêt dégageait quelque chose d'apaisant et de mystérieux, une envie irrépressible d'aller y faire un tour prit aussitôt Thalia aux tripes. Toutes les couleurs, les nuances de vert, semblaient se mélanger l'une l'autre, créant toujours plus de nuances, une harmonie absolue dans ce paysage idyllique.

Et soudain, elle sentit dans son dos quelque chose d'anormal, une présence qui ne devrait pas être là, ou du moins dont elle n'avait l'habitude. Se retournant, elle ne distingua rien du tout. Aurait-elle rêvé ? Non, la présence se trouvait, désormais, à nouveau derrière elle. Elle tourna alors la tête le plus possible, pour essayer d'apercevoir ce qui avait pu se glisser sous ses omoplates. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle distingua une fine membrane dorée, brillante et lisse. Poussant un petit cri, elle tourna la tête de l'autre côté. Il y avait exactement la même chose. Des ailes lui avaient poussé dans le dos.

Un bruit étrange se fit alors entendre derrière elle. Fiouuu. Thalia se retourna.

Dans la lueur blanchâtre, la silhouette d'Erwan apparut, dans sa main, il tenait le sac de la jeune fille, et il ne semblait pas aussi impressionné qu'elle par le paysage qui se trouvait autour de lui, c'était simplement comme s'il arrivait devant le supermarché du coin. Il jeta presque le sac devant Thalia, et cette dernière ne sut même pas par quelle question commencer. Pointant du pouce les membranes qui étaient apparues dans son dos, c'est la colère qui l'envahissait désormais. Elle se transformait en étrange créature ailée, et lui semblait trouver ça tout à fait logique ! Ah mais oui, il venait de lui faire passer un portail magique, c'est vrai, pourquoi n'y avait-elle pas songé plus tôt ?!

- Qu'est-ce que c'est, ça ?!
- Tes ailes, pourquoi ?
- Mes... ?! Tu te fous de moi ?
- Est-ce que tu peux arrêter de crier et de poser des questions deux secondes ?
- Des ailes sont apparues dans mon dos ?!
- Estime-toi heureuse qu'elles n'aient pas poussé, ça t'aurait fait un mal de chien.
- Pardon ?!
- Laisse-moi le temps d'en placer une, tu veux ?

D'un bref regard autour d'eux, Erwan sembla scruter attentivement les environs.

- On ferait bien d'y aller. On n'est pas en avance.
- Oh, excusez-moi d'être réticente à l'idée de partir avec un inconnu passer dans un portail magique, monsieur Mystère !

Erwan n'attendit pas plus que cela pour commencer à marcher. Thalia ramassa son sac, non sans maugréer quelques jurons, et elle lui emboîta le pas. Si elle voulait des réponses à ses nombreuses questions, il fallait bien qu'elle brosse un peu Erwan dans le sens du poil en faisant, au moins, ce qu'il voulait.

- Dans ce monde, tu n'es pas une humaine, Thalia. Tu es une Fée.
- Ben voyons...
- Tu as une meilleure explication, peut-être ?

La brune se tut. Bien sûr qu'elle n'en avait pas, mais ça n'en était pas moins surréaliste pour autant.

- Tes ailes ne sont qu'une partie de ta nature de Fée. Lorsque nous arriverons à l'Ecole, tu apprendras à contrôler tes pouvoirs.
- Mes... ?
- - Toutesles créatures ici sont dotées de pouvoirs magiques que tu apprendras àcontrôler lorsque tu seras à l'Ecole.
- Rien que ça...
- C'est naturel, ici. Ca te viendra tout seul. Il n'y a aucun humain dans ce monde.
- Et où est-ce qu'on est, au juste ?

Erwan eut un sourire en coin. Mince, mais perceptible.

- Nous sommes dans le monde d'Eskens. Un endroit bien différent de la Terre, de bien des manières, tu verras. Mais si tu veux plus de précision, nous nous trouvons au Royaume des Eléments.
- Il y en a plusieurs ?
- Oui, chacun a ses spécificités. Mais le Directeur t'expliquera cela mieux que moi, j'en ai bien peur. D'ailleurs, nous y sommes presque.

Thalia releva la tête, vers un immense bâtiment. Des tours s'en élevaient, il semblait en pierre, presque comme un château, mais en même temps pas vraiment, l'architecture était différente. Mais il en avait la taille. Il n'y avait cependant pas de douves, ou de pont-levis.

- C'est une école, ça ?
- Elles ne sont pas comme ça sur Terre ?
- ... Pas vraiment...

Erwan haussa les sourcils, puis les épaules, et il se dirigea vers la grande porte. Il l'ouvrit en grand, et se positionna sur le côté pour laisser passer la jeune Fée, qui observait partout autour d'elle comme si elle voulait en mémoriser chaque détail. Le sol était en marbre blanc, et la pierre des murs se ressentait autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ce bâtiment avait probablement un certain âge, il n'avait pas l'air d'avoir été construit hier, et pourtant, il était en bon état. Les larges vitres étaient impeccables, la porte en bois avait grincé lorsqu'elle s'était refermée derrière eux.

- C'est par là.

Cet endroit, prestigieux, imposant, en étant presque écrasant, si bien que Thalia en avait perdu toute envie de poser des questions à Erwan, ce que ce dernier devait sans doute apprécier. Elle suivit l'homme dans les différents couloirs, jusqu'à une porte. Sur un petit écriteau accroché contre le bois, on pouvait distinguer les mots : Directeur McOrwell.

Erwan toqua à la porte, et il l'ouvrit presque aussitôt. Sa rapidité étonna Thalia, n'attendait-il pas qu'on l'ait invité à entrer ? Le brun semblait plutôt pressé de rentrer dans le bureau. Sans trop savoir quoi faire, Thalia resta de l'autre côté de la porte ouverte.

- Monsieur Skolder, vous revenez seul, demanda une voix à l'intérieur. Cette voix, rauque, semblait avoir déjà vécu tant de choses, que Thalia jurerait qu'il était quelqu'un de plus important qu'un simple directeur d'école. Elle comprit alors qu'elle était supposée entrée à la suite de son compagnon de voyage, et elle fit un pas discret à l'intérieur.

- Non, monsieur... Je suis là.

Le visage de l'homme se fendit en un sourire. Ses cheveux bruns, assez longs, et sa barbe de trois jours lui donnait un certain attrait, il devait avoir la quarantaine, elle qui se serait presque attendu à avoir un vieux grand-père comme dans beaucoup d'histoires fantaisistes de la Terre.

- Bien... Nous sommes ravis de vous accueillir dans notre école, mademoiselle.

Marmonnant un remerciement poli, Thalia chercha auprès d'Erwan ce qu'elle était supposée dire ou faire, mais ce dernier fixait sans bouger monsieur McOrwell.

- Je suis sûr que vous avez beaucoup de question, mademoiselle. Monsieur Skolder va vous conduire à votre chambre, afin de le libérer de ses obligations. Vous trouverez dans vos appartements votre programme scolaire ainsi que vos livres de cours qui ont déjà été préparés. Si vous avez une quelconque question, n'hésitez pas à venir me voir, je me ferais une joie de répondre à vos questions. 

Thalia se contenta de hocher la tête, et elle suivit Erwan dans le couloir. Cet aller-retour express chez le directeur lui avait semblé presque superflu, l'homme qu'elle se coltinait depuis plusieurs heures maintenant aurait pu l'amener tout de suite à sa chambre ! Mais bon, elle supposa qu'il devait s'agir de lui montrer l'endroit où elle pourrait poser des réclamations ou des questions. Ca ne pouvait après tout être que cela. Elle suivit alors Erwan qui semblait bien décidé à traverser l'entièreté du château.

- Voici l'étage des dortoirs. Tu finiras par t'y retrouver.
- Bien sûr...

Encore quelques couloirs à traverser, et finalement, Erwan s'arrêta devant la chambre 205. Il sortit de sa poche une petite clé accrochée à une plaquette de bois sur laquelle était gravé les chiffres deux, zéro et cinq. Parce que depuis le début c'était lui qui avait les clés de sa chambre ? Super, voilà qui était très rassurant, il aurait pu faire un double des clés si ça avait été un psychopathe. Lorsqu'il ouvrit la porte, Thalia regarda à l'intérieur. Le sol était tapissé d'une moquette rose pâle, les murs semblaient plus modernes que le reste, la pierre beige était cachée derrière plusieurs meubles : un bureau, de grandes armoires. Thalia entra dans la pièce, et avança jusqu'à trouver un renfoncement dans le mur, qui semblait agrandir considérablement la pièce. Dans ce renfoncement, un grand lit rond à baldaquins, faits de tissus pâles voilés, donnait envie de sauter dedans immédiatement.

- Bienvenue dans ton humble chez toi.
- Attends, je vais vivre ici ?
- Bien sûr, pourquoi tu crois que je t'ai amenée jusque là ? Pour te montrer où les autres vivent ?

C'était vrai que sa question avait été stupide. Thalia se ravisa de s'enfoncer davantage, et peu de temps après, Erwan l'avait saluée pour la laisser s'installer. Elle prit surtout le temps d'observer chaque recoin de la chambre. Sur le bureau se trouvaient deux piles de livres assez épais, ainsi qu'un parchemin qu'elle déroula.

Botanique, lundi 8h30, suivi de Histoire d'Eskens, Combat rapproché, et enfin, la pause de midi. Après cela, Contrôle de la Magie et Astrologie. Et bien, en voilà une journée chargée.

Thalia envisagea donc de déballer son sac, et elle ouvrit la grande armoire. Dans celle-ci, une longue robe dorée digne d'une princesse de conte de Fée était accrochée à un cintre. Une petite enveloppe était accrochée, son nom écrit dessus à l'encre noire. Elle la décrocha de la robe, et la prit dans sa main pour l'ouvrir.

« A l'intention de nos étudiants,

Ce soir, à l'occasion de l'accueil des élèves venus de Terre, le Royaume des Eléments a l'immense honneur de vous inviter à son Bal de Bienvenue. Nous vous donnons rendez-vous à 20h au Palais Royal. Vous trouverez dans votre garde-robe de quoi vous vêtir pour l'occasion.

Cordialement,
Eban McOrwell, Directeur
»

Elle leva les yeux vers la robe. Bon. Elle aviserait ça plus tard, d'abord il fallait qu'elle range son sac dans cette chambre bien trop grande pour elle. Déballant ses affaires et les rangeant un peu au hasard, Thalia sentait le nombre de questions revenir dans son esprit à vitesse grand V. Elle s'assit sur son lit un instant. Récapitulons : un individu était venu chez elle tranquillement l'arracher à ses parents, ils avaient passé un portail magique, pour arriver dans une forêt où des ailes lui avaient poussé dans le dos et... Merde !

La jeune fille se releva précipitamment et courut jusqu'au miroir de l'armoire, il la reflétait des pieds à la tête, et dans son dos, elle pouvait bien y voir les fines membranes, il y en avait quatre : deux de chaque côté, au-dessus, grimpant jusqu'au haut de son visage, et l'autre se dirigeant vers le bas, jusqu'en bas de ses fesses, chacune des quatre membranes se terminant en une fine pointe.

- Peut-être que c'est un rêve. Ou que je deviens folle...

Elle se tourna vers la chambre. Non, pas de doute, tout ça était bien réel. Elle pouvait ressentir le froid des murs, la douceur du lit... Elle était sûre que tout ça existait bel et bien. Elle jeta un œil vers l'horloge. 18h ? Comment ça ? Lorsqu'elle avait quitté la Terre, la soirée était pourtant entamée. Elle prit dans sa poche son téléphone pour appeler Lisa et Beth, mais aucune barre de réseau à l'horizon. Peut importait où elle se trouvait dans sa chambre, elle ne parvenait pas à trouver la moindre petite barre. Jetant l'appareil sur le lit, Thalia maugréa des insultes vis-à-vis de l'école et de son réseau pourri digne d'une campagne perdue, et son regard tomba sur la magnifique robe qui se trouvait dans son armoire ouverte.

Eskens : Les BrèchesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant