L'Aube du Soupir

Chapitre 2

         Jusqu'à présent, c'est ce qu'il s'était passé. Au moment où j'écris ceci, nous sommes en route vers la montagne. Nous arrivons jusqu'à cette dernière sans encombre.

         À l'entrée du village, nous avons d'abord été arrêtés par un soldat qui, j'imagine, était chargé de la surveillance du lieu. Pour éviter tout danger, il me confisqua mon hallebarde avant de nous autoriser à passer.

         En entrant dans le village, les villageois surgirent tout autour de nous. Ces derniers avaient reconnu le destrier de mon père. En effet, je m'étais autrefois rendu dans ce village pour l'anniversaire de mes dix-sept ans. J'y étais venu chercher deux pots de lait de chèvre avec mon paternel. Ma sœur, elle, était restée au château en compagnie de ma mère.

         La plupart des habitants n'ont pas changé en l'espace de deux ans. J'étais très honoré de la manière dont ils nous ont accueillis à bras ouverts, mais je ne pus résister bien longtemps à mon impatience et j'entrepris de leur poser quelques questions.

         Où se trouve mon père ? Qui est cet homme sachant manier la magie noire ? Qu'est-il advenu de la citadelle ? Pourquoi le ciel conserve-t-il cette couleur rose ?

         Le silence s'installa. Une fille sortit de la foule et s'avança vers nous. Cette fille avait les cheveux blonds comme la paille, contrairement aux cheveux bruns de ma sœur. La fille aux boucles dorées et aux yeux de couleur noisette se présenta. Son nom est Isabelle et son père n'était autre que le roi.

         L'orpheline nous expliqua en détail le terrible drame qu'elle venait de vivre :

« Un garde était arrivé au château, paniqué, lors d'une matinée interminable. Il avertit mon père qu'un sorcier aux longs cheveux blancs avait fait son apparition dans une tempête de foudre au beau milieu de la citadelle et qu'il se dirigeait en ce moment-même vers le château. Père a alors transmis l'ordre de rassembler tous les plus valeureux chevaliers du pays à l'entrée du château de sorte à éliminer cette menace qui s'approchait de plus en plus. Malgré les mesures entreprises par mon père, le sorcier parvint tout de même à ses fins. Il assassina tous les chevaliers sans avoir même eu à déverser une simple goutte de sang. Mon père aussi fut tué. Ma mère m'emmena aux sous-sols du château et ouvrit un passage secret pour que nous puissions nous échapper du trépas que nous réservait le sorcier. Malheureusement, elle n'eût le temps de me suivre. Le sorcier se tenait déjà derrière elle et s'apprêtait à lui jeter un sort. Ma mère referma le passage où j'étais entrée puis détruisit d'un dernier geste le mécanisme d'ouverture. J'entendis la foudre s'abattre sur ma mère au moment même où la porte en pierre qui me séparait d'elle se referma d'un bruit retentissant.

J'étais seule. Seule dans le noir, entourée de toiles d'araignées et de carcasses de rats. Je courus à travers les couloirs sombres et répugnants qui se présentaient devant moi, jusqu'à atteindre l'extérieur où la chaleureuse étreinte du Soleil avait été remplacée par le souffle froid et nauséabond de la mort.

Je parcourus les landes du pays à dos de cheval jusqu'à arriver dans ce village. Je suis la seule survivante de ce massacre. ».

         La fille aux longs cheveux blonds nous a ensuite conduit, ma sœur et moi, à l'auberge du village. Nous entrâmes dedans et la gérante, en nous souriant, nous offrit une chambre gratuitement.

         Une grande fraternité régnait au sein de ce village montagnard. Même lors du pire malheur, les habitants se serraient les coudes de sorte à ce que personne ne soit dans le besoin. Je possède une grande admiration envers leur vénérable altruisme.

         L'horloge sonnait huit coups. Pour la première fois depuis notre départ, nous allons pouvoir fermer l'œil.