7. Paul, Lilas et Chloé, ou comment se faire des amis

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   Le silence fut assourdissant. Je me retrouvais fixé par trois paires d'yeux, et je peux vous assurer que, si à l'instant précédent je ne désirais rien d'autre que les connaître, j'étais désormais tout à fait disposé à faire volte-face et partir à toutes jambes. Mais pour mon plus grand bonheur, cette impression d'être derrière la vitre d'un aquarium tomba rapidement en morceaux, lorsque la première des deux filles - la rousse, qui m'avait vu en premier - m'offrit un immense sourire et s'exclama en retour :

   — Salut !

Je lui rendus son sourire, soulagé. Comme si son intervention avait brusquement réveillé les deux autres, le garçon sauta sur ses pieds et se planta devant moi, plein d'entrain et la main tendue :

   — Salut, moi c'est Paul, je suppose que tu es nouveau ?

Sans me laisser le temps de répondre, et me secouant la main avec vigueur, il enchaîna sur le champ :

   — Voici Lilas et Chloé, je suppose que tu as pu voir les autres élèves en bas ? En tous cas, tu ne tarderas pas à les connaître ! Ils sont tous très sympathiques. Sauf quelques uns, mais tu t'en rendras compte très vite... Si tu veux, on pourra te faire visiter le bâtiment ! Tu prendras sans doute le petit-déjeuner avec nous ? Est-ce que tu sais déjà les cours auxquels tu assisterai ? Pour notre...

   — Laisse-le respirer, Paul, intervint l'autre fille, la brune, d'un ton autoritaire.

Elle s'était déjà levée et s'approchait de moi.

   — Excuse-le ; on n'accueille pas de nouveaux élèves tous les jours, et Paul adore rencontrer de nouvelles personnes. Je suis Chloé, ajouta-t-elle. Je suppose que tu es Tim.

Ce n'était même pas une question.

   — Mais comment est-ce que tu... ?

Avant que je n'eus pus poser ma question, elle m'avait déjà indiqué un point derrière moi, la main tendue. Incertain, je me retournais, et j'eus la surprise de constater mon nom gravé en belles lettres, sur une plaque dorée qui surmontait un rideau blanc de l'autre côté de l'allée centrale.

   Lilas, par élimination, la fille au grand sourire et aux tâches de rousseur, s'écria en battant des mains :

   — Oh, chouette ! On peut la voir avec toi ?

Un peu déboussolé par toutes les informations que j'avais précédemment reçues, j'aquiesçai automatiquement.

   L'ouverture du rideau de ma future chambre venait de prendre une dimension dramatique supplémentaire. Aussi m'efforçai-je de le tirer avec toute la dignité qu'il requérait.

   Après l'engouement manifesté par Lilas, je m'attendais tout au moins à une pièce merveilleuse, aux dimensions mirobolantes et richesses mirifiques ; peut-être toute en or ou qui comportait une piscine limpide ! Mais certainement pas à une cellule grise et vide, au plancher de carrelage usé et où il n'y avait qu'une chaise et un pauvre lit de camp. Il y avait aussi une table blanche, adossée au mur troué d'une fenêtre à la vitre sale. Tout ce qu'il y avait de plus morose. Un flash éclaira la scène. Paul avait sortit un appareil et venait de capturer la pièce, si peu d'intérêt présentait-elle.

   Chloé vint se placer à côté de moi et, comme si elle avait lu mon désarroi, commença :

   — Dès qu'un nouvel élève arrive, une oasis – on appelle nos chambres des oasis – qui était inhabitée affiche le nom du nouvel élève et...

   — Attends, l'interrompis-je, tu veux dire qu'on installe mon nom !?

   — Non, tu n'as pas rêvé et je sais ce que j'ai dit ; l'oasis affiche elle-même ton nom.

Elle fit une pause.

   — Si tu n'as plus d'interruptions... Je disais. La case prend ton nom, et elle devient au plus basique état. Je suis d'accord, c'est un peu triste. Mais, si tu regardes bien... – elle m'indiqua une zone où le sol semblait onduler –, tu verras qu'elle même n'est pas très heureuse de sa forme actuelle !

Sans me laisser le temps de m'étonner, elle enchaîna.

   — Mais ensuite, au fur et à mesure que tu y passes du temps, elle s'adapte à toi, à ce que tu aimes. Tu verras les nôtres, elle n'ont plus rien à voir. C'est pour ça que Paul l'a prise en photo ; il essaie de noter tous les changements...

Elle eut un petit rire.

   — Il s'imagine pouvoir percer le secret des dortoirs... Il espère trouver l'explication de ces changements, mais pour tout te dire Lilas et moi sommes persuadées que c'est... – sa voix devint un chuchotement – magique ! Mais bon, c'est Paul... Il aime bien tout classer, tout comprendre.

   — Donc, si je comprends bien, répétais-je lentement, ma chambre, enfin, mon oasis... Obéit à ce que je veux ?

   — C'est exactement ça.

   J'observai avec curiosité l'espace vide. Si j'en croyais Chloé, aussi extraordinaire que cela puisse paraître, dans quelques semaines mon "oasis" n'aurait plus rien à voir avec celle que je contemplais actuellement. Je ne parvenais pas à réaliser comment un tel phénomène pourrait se produire, ni a quoi pourrait ressembler le reflet de mes pensées... Et est-ce que je verrais les changements de produire ? Ou bien tout se fera tellement subtilement que je me retrouverais un beau matin dans une chambre qui n'aura plus rien à voir sans même avoir vu les changements ? A quoi ressemblaient les oasis de mes camarades ? Et si j'entrais dans l'une d'entre elles... Ce ne serait pas comme entrer dans leurs pensées ?

Lilas coupa le fil de mes pensées.

   — Bon, j'ai faim moi ! On va manger ?

A peine eût-elle prononcé cette phrase que les deux filles disparurent – et j'exagère a peine. Comme si ses mots avaient eu l'effet d'une formule magique ! Lilas et Chloé s'étaient ruées vers la porte, manquant presque tomber, et on avait entendu le bruit de leur cavalcade dans les escaliers. Paul soupira, plus amusé qu'exaspéré.

   — Ce sont de vraies flèches... Elles font toujours la course à qui commencera son repas la première. Personnellement, je trouve ça stupide.

Nous leur emboîtames le pas, plus raisonnablement – même si je me promis de faire la course avec elles dès que possible –, et Paul en profita pour m'initier à l'histoire du collège. En me retournant une dernière fois vers les rideaux de ma chambre, je fronçai les sourcils.

J'aurais pu jurer qu'ils venaient de devenir rouge.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 25, 2021 ⏰

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Le collège aux marronniersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant