1.1. Vodka Blues

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Un verre, un second puis un troisième

Et des dizaines d'autres

Encore

Mais dis-moi, cela change-t-il quelque chose ?

Ou bien as-tu encore plus le spleen ?


L'eau de la baignoire avait refroidi depuis longtemps. Les faibles rayons du soleil éclairaient la surface liquide. Ryland étendit ses jambes et les posa sur le rebord. La tête renversée en arrière, une clope pendant sur le bout des lèvres, il se consumait lentement les poumons. La fumée âcre emplissait la pièce. L'atmosphère en était devenue opaque et embaumée d'une piquante odeur de nicotine.

Ses yeux se posèrent sur les fissures striant le plafond gris. Il soupira et s'agita. L'eau clapota et de petites vaguelettes vinrent s'écraser contre la faïence immaculée. Il ferma les paupières.

Le silence tapissait la pièce, drap de velours. Rien ne perçait. Il n'y avait plus que sa respiration claquant contre les parois de plâtre et le battement de son cœur. Il tira une taffe. Un mince sourire étira ses lèvres.

— Ryland !

La lumière lui brûla la rétine.

— Ça fait trois plombes que t'es là-dedans ! Tu fais chier ! J'ai besoin de la salle de bain, je vais être en retard chez Agathe !

Maelle tambourina à la porte et les murs vibrèrent sous ses coups. Le jeune homme grogna.

— Tu n'as qu'à prendre celle du bas !

— Mes affaires sont ici ! Magne-toi !

Il grinça des dents et écrasa d'un geste sec sa cigarette. Il s'extirpa de la baignoire. Les gouttes perlèrent et l'eau macula le carrelage noir et blanc. Ses orteils se crispèrent sur le sol glacé. Il s'essuya et s'habilla avec lenteur. Les minutes s'allongèrent et s'agrandirent. Il ouvrit en grand la fenêtre. Le vent s'engouffra par l'ouverture et les serviettes tanguèrent sous la brise. La fumée se dispersa. La salle de bain reprit son allure aseptisée. Seule la femme du tableau accroché au mur continuait de faire risette.

Maelle faisait les cents pas dans le couloir lorsqu'il sortit. Elle lui lança un regard meurtrier. Touché par une dizaine de balles, il tressaillit à peine. Le nez de la jeune fille se plissa quand elle pénétra dans la salle d'eau. Elle eut une grimace.

— Tu as fumé ?

Pour toute réponse, la bouche du garçon se courba de plus belle. L'adolescente crut qu'elle allait l'étrangler. Juste pour voir ce petit sourire en coin s'effacer comme on gommerait un misérable trait de crayon. Seulement, elle n'en fit rien. Elle se retint. Elle savait que cela n'y changerait pas grand chose. Il était simplement dans un de ses mauvais jours. Il portait l'un de ses foutus masques qu'il arborait dès que les choses allaient trop mal.

Ce n'était qu'une carapace. Une futile carapace.

Elle claqua la porte. Il se détourna, dévala les escaliers et atterrit dans la cuisine. Annie était penchée sur le plan de travail et tranchait avec minutie des légumes. Sa tante haussa les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé encore ? demanda-t-elle.

— Rien.

La lame du couteau claqua contre la planche à découper.

— C'est elle qui me prend la tête.

La femme posa sur lui un regard dubitatif.

— Je doute que tu fasses en sorte d'éviter ça, déclara-t-elle. Je comprends que ce soit compliqué en ce moment et que la situation avec ta mère soit difficile mais...

Ce soir, les astres seront bleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant