2. Fight Club

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Lorsque la nuit s'avance

Entre chien et loup

A l'heure où les chats deviennent gris

Il n'y avait plus qu'eux

Leur âme et le bleu de l'obscurité

Orphée enfila son jean et boucla avec lenteur sa ceinture. Du bout du pouce, elle se frotta un œil et bailla. Elle replaça quelques mèches s'étant échappées de sa tresse et contempla un instant son reflet dans son miroir de poche. Elle détailla son nez droit et la courbe légère de ses lèvres, les paupières basses, les cils frôlant ses joues constellées de tâches de son. Elle soupira et ferma la porte de son casier.

Le vestiaire était vide et empli d'un silence opaque. Ne subsistaient des boxeurs que le furtif parfum des déodorants et celui, plus âcre, de la sueur.

— Orphée ?

Elle tourna vivement la tête. La silhouette athlétique de Céline se détachait dans le clair-obscur. Copropriétaire de la salle avec Paco, la femme la gérait lorsque ce dernier avait des indisponibilités. Ce qui était aujourd'hui le cas et expliquait aussi pourquoi la jeune fille trainait au vestiaire. L'ancien militaire, ami de jeunesse de sa mère, la ramenait généralement après les séances.

— J'y vais.

— D'accord, j'ai presque terminé, de toute façon.

— Prends ton temps. Ryland fait la fermeture ce soir. Tu n'auras qu'à lui demander les clés si tu ne veux pas attendre dans le froid.

Orphée acquiesça sans broncher.

— A mercredi, ma belle. Soit en forme.

Céline lui fit un petit signe de la main auquel elle répondit et s'éclipsa. La jeune fille attrapa sa veste posée sur l'un des bancs, l'enfila et noua son écharpe autour de son cou. Elle chopa ensuite son sac affaissé sur le sol, resta un moment immobile dans la semi-pénombre et quitta les lieux, les semelles de ses Converses claquant contre le carrelage.

Elle traversa la salle, slalomant entre les corps endormis des punching-balls, longea le ring et passa devant le bureau duquel s'échappait encore de la lumière. Puis elle poussa la lourde porte de fer.

Dehors, le vent et la pluie l'accueillirent de leurs baisers glacés. Les gouttes s'écrasèrent et explosèrent sur ses pommettes. Elle frissonna et claqua des dents. Elle embrassa du regard le parking désert, le menton tremblotant. Par touches dorées, les réverbères illuminaient faiblement le bitume gris et l'obscurité grandissante de la nuit. Il n'y avait pas âme qui vive. Seuls quelques sacs plastiques virevoltant sous les rafales brisaient le profond néant régnant sur l'endroit.

Elle s'ébroua. Elle fit quelques pas, s'agita dans une vaine tentative pour se réchauffer et finit par s'asseoir sur une vieille borne en béton. Elle se frotta vivement les cuisses et fourra ses mains dans les poches de son manteau. Elle enfouit le bas de son visage dans son épais foulard de laine.

Puis, elle attendit, les yeux mi-clos.

Ryland soupesa l'énorme paquet de croquettes et versa son contenu dans la gamelle métallique. Du haut de son perchoir, Amadeus le scrutait de ses orbes jaunes, la mine renfrognée. Le jeune homme haussa les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda-t-il.

Le chat nu le lorgna, morne. Il se leva, s'étira avec nonchalance et se rassit, les paupières plissées.

— Et ne me regarde pas comme ça. De nous deux c'est toi le plus moche, tu le sais.

Le museau du félin se fronça, l'air mauvais.

Ce soir, les astres seront bleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant