Prologue

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[Porphyrie : Affection caractérisée par la présence, dans l'organisme, de quantités massives de porphyrines. Elle se manifeste par des douleurs abdominales, par des troubles nerveux et psychiques et par des éruptions cutanées bulleuses sur les régions du corps exposées au soleil.]

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Un hurlement gronda dans le quartier comme si le tonnerre avait frappé, annonçant un violent orage. Les habitants ouvrirent leurs portes ou leurs fenêtres, et appelèrent leurs enfants, n'ayant pas même besoin de leur dire de rentrer immédiatement. Ces derniers ne se faisaient jamais prier, trop apeurés par l'horrible créature qui sévissait juste à côté de chez eux. Depuis quelques années maintenant, de nombreuses rumeurs circulaient, sur des disparitions inexpliquées, qui glaçaient le sang des enfants, s'imaginant déjà être mangé tout cru. Certains chouinaient même dans les jupes de leur mère, tant ils étaient effrayés par les cris provenant de la maison du vampire.

Le petit parc, qui autrefois était toujours bruyant, était lentement devenu silencieux et de moins en moins fréquenté. Le jardin de la demeure du buveur de sang y était mitoyen, et en plus des vociférations qui terrifiaient les enfants, d'énormes ronces rongeaient de plus en plus la séparation des deux, s'infiltrant dans l'enceinte du bac à sable. Il n'y avait pratiquement plus personne qui y mettait les pieds, n'osant s'approcher des roses bien odorantes.

Il était dit qu'à la moindre goutte de sang versée par une épine, la personne était condamnée à disparaître dans l'obscure résidence pour devenir le dîner de la descendante de Dracula. Depuis lors, les quelques rues de Changsin-dong mouraient à petit feu, les occupants se terrant face à la jeune femme avide de nourriture fraîche. Les murmures se faisaient, à l'inverse, de plus en plus fort, les habitants croyant fermement en cette légende fabriquée de toute part.

Lorsque le soleil n'était plus, la créature de la nuit sortait chasser, les crocs acérés, faisant de la première personne croisant son chemin, sa victime. Les rugissements cessaient alors, après une longue journée à les entendre, brisant le calme du quartier.

Dans la vieille habitation au perron abîmé par le temps, l'obscurité luttait contre la lumière du jour. Quelques faisceaux du soleil permettaient au monstre de voir, ses yeux tout de même bien habitués à la noirceur. Même la lumière d'une petite bougie était bien trop forte pour le vampire, qui ne supportait réellement aucun scintillement. Sa respiration était forte, ses pupilles d'un noir de jade, profondes certes, mais vides. Ses paupières se fermèrent légèrement, ses lèvres entrouvertes, tous ses membres tremblaient frénétiquement.

Elle se tordit de douleur sur sa chaise, son journal ouvert sur la table de ce qui semblait être un salon. Son stylo-plume s'échappa de sa main, roula sur la surface plane, jusqu'à tomber sur le sol. Par chance, la pointe resta intacte, mais le choc sur le baril fit s'écouler l'encre, qui créa une petite flaque. Le liquide commença à s'infiltrer dans le vieux bois du parquet, comme ses victimes qui se vidaient du peu de sang qu'ils leur restaient. Peut-être était-ce là, la véritable fin du vampire. Lui, qui devait être immortel, semblait bien affaiblit, brûlant dans un fervent feu.

Ses doigts se recroquevillèrent et son corps bascula sur le côté comme si toutes ses forces s'étaient évaporées de son être. Elle s'échoua sur le sol glacial, comme si son cercueil était là. La mort avait peut-être enfin sonné à sa porte, elle qui l'attendait plus impatiemment que quiconque.

Ses derniers mots étaient déjà couchés sur le papier, tâchés de douleur.

Je me rends compte que je ne me suis que rarement demandé comment j'allais mourir. Peut-être bien parce que je ne connais déjà que trop bien, la solitude dans laquelle je m'éteindrai. Je n'ai pas besoin d'en savoir plus, au fond, tout ce qui me manque concrètement, est la date précise de ma mort. Je pensais d'ailleurs que ma fin était présente hier, mais encore une fois, je m'étais trompée...

Aujourd'hui, j'ai encore ouvert les yeux, et je le souhaite du plus profond de mon cœur, que ce soit la dernière cette fois-ci.

Ma fin arrivera sûrement bien vite. Oui, elle est proche, je le sens. C'est comme si mon propre corps, me disait qu'il doit absolument mettre un terme à tout cela de lui-même. Mon dernier souffle ne doit pas être si loin, j'ai déjà assez souffert, il doit seulement attendre le dernier moment pour arriver.

Je ne veux pas lutter de toute façon, ou plutôt, je ne veux plus. C'est réellement comme de véritables coups de poignard, la lame se tordant dans ma chair pour m'achever. Je me dois de le supporter depuis trop longtemps et maintenant je veux quitter ce monde pour de bon. Finalement, ce qui me fait le plus mal n'est pas cette douleur chronique, mais bien le fait de me dire que la fin est là, et qu'encore une fois, je suis seule au monde.


Son corps se replia sur lui-même, ses bras enroulés autour de son ventre. Ses larmes glissèrent du coin de ses yeux, la douleur était trop forte, elle n'en pouvait plus. Un léger rayon UV caressa sa peau pour la brûler violemment et au même moment, sans savoir comment, un profond hurlement venant de ses poumons meurtris, brisa encore un peu plus son humanité.

C'était la fin, elle l'espérait, car c'étaient réellement ses dernières forces qu'elle venait d'épuiser. Il lui était impossible de bouger, laissant le soleil la marquer à jamais au fer rouge.

« Maman ? Tu as entendu ça ? demanda la lycéenne qui venait de sortir un carton de la camionnette.

Ce sont sûrement des enfants qui se chamaillent. Arrête de traîner maintenant et va déballer tes affaires dans ta chambre, il commence à se faire tard », répondit la femme en continuant ses aller-retour dans leur maison fraîchement acquise.

La jeune fille continua de regarder la vieille bâtisse pendant plusieurs secondes. Elle en était sûre, le cri qu'elle venait d'entendre venait de l'intérieur, alors qu'elle semblait à l'abandon. Le bois était grisonnant, comme si personne ne l'avait jamais entretenu, et les volets restant qui ne tenaient pratiquement plus aux charnières, étaient fermés, comme scellés entre eux.

Seulgi avait un mauvais pressentiment, comme si quelque chose ne tournait pas rond dans cette petite ville. Le quartier, qu'on leur avait décrit comme paisible était plus pesant qu'autre chose.

« Seulgi, je ne vais pas me répéter. »

Cette dernière soupira en inclinant doucement la tête en avant, avant de la secouer plusieurs fois de droite à gauche. Il fallait qu'elle se focalise sur autre chose, même si elle était toujours aussi troublée par le hurlement qui résonnait encore dans ses tympans.

La douleur qu'elle avait ressentie au travers de ce cri lui avait glacé le sang, pour le reste de la journée.

Sunburn [Seulrene] - Red velvetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant