PROLOGUE. Samedi 1er juin 2019

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                  Ses paupières se ferment dans un effort inconscient pour faire appel à tous ses souvenirs. Il se souvient des éclats de rire de son petit frère, du goût des gâteaux de sa grand-mère, du vieil amour de ses parents, des tickets de cinéma partagés avec ses amis. En se projetant cette fois dans le futur, il se voit construire sa propre tombe lui-même. Devant elle, une pierre tombale indiquant son nom, Ian Effley, sa date de naissance, mais aussi celle de sa mort, à vingt et un ans. Il s’imagine ses propres funérailles, les réactions des promeneurs en voyant le cimetière, les fleurs étouffant le ciment de son espace.

En se regardant dans le miroir, il semble ne plus se reconnaître. Il n’est plus que cadavre, un mort vivant dont les jours sont comptés. Ses cheveux chutent les uns après les autres, des plaques blanches se forment autour de ses lèvres, ses yeux lui sortent de leurs globes. Les médecins lui a dit que tout cela ne lui arriverait jamais et pourtant on en est là.  Tout a échoué, y compris sa vie. Ce n’est pas du tout la fin dont il s’est imaginé pour lui.

Son reflet n’est plus que tas de ferraille. En ôtant sa robe de chambre, il découvre l’état de son corps. Il est devenu aussi maigre que son visage. Il y a encore quelques mois, il vivait les meilleurs moments de sa vie. Il y a encore quelques mois, il chérissait tout de son être. Maintenant, il se déteste au plus haut point. Ainsi, il abat un coup de poing furieux dans le miroir, tellement fort au point de le briser. Sa main saigne d’un sang rouge vif. Un sang qui ne se réduit plus qu’à l’infection et l’horreur.

Son téléphone vibre sur la commode près du lit. L’écran affiche le nom de son meilleur ami, Pavel. Un appel entrant parmi d’autres qu’il a laissera sans réponse. Il reste immobile à fixer l’écran jusqu’à ce qu’il se mette en veille. Il sait bien ce que Pavel allait lui dire. Tenir bon, lutter, garder la tête haute. Les mêmes refrains des chansons  relatant une ado qui vient d’expérimenter sa première rupture. Profonds mais totalement inutiles dans sa situation actuelle.

Son téléphone vibre de nouveau, mais très brièvement.

Où es-tu, j’ai besoin de te voir.  (Papa)

Maintenant c’est son père qui lui envoie un texto. C’est nouveau, depuis quand il lui envoie un texto ? Sûrement, tout ceci n’est que l’effet de la pitié. Tout le monde vit avec inquiétude son manque d’entrain. Sa vie entière va être référencée dans les archives universitaires et hospitalières.  Tout le monde va être au courant.  Une raison de plus de tout en finir.  

MOURIR SANS DIRE ADIEUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant