Chapitre un

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Être le cygne, ça voulait dire beaucoup. Ça compliquait tout. Être le cygne c'était d'abord un rêve. C'était un idéal. Mais c'était aussi du stress. De l'appréhension. Du courage. De l'affirmation. Il fallait être deux. Il fallait être différentes. Aussi, il fallait faire face à l'adversité, à celles qui n'avaient pas été choisies. Être le cygne, ça n'était pas rien.

Son souffle était erratique, son front suait, son corps criait. Les doigts du pianiste s'activaient sur l'instrument, sans relâche. Des mouvements tantôt brusques, tantôt délicats. De son corps, Mirajane suivait les humeurs de la mélodie. Les aiguilles de l'horloge indiquaient un début de soirée épuisant.

Les mouvements s'enchaînaient, ses muscles s'articulaient, se déformaient selon la chorégraphie. Ses pointes pâles emprisonnaient ses pieds blancs. Enfermés dans le tissu, ils ne pouvaient que s'envoler dans l'air chaud de la pièce; au gré des notes.

– On arrête !

La voix du chorégraphe blond sonna forte et mit brusquement fin à tout. La musique s'arrêta. Mirajane se stoppa. Et les éclairages s'éteignirent.

– C'est tout pour aujourd'hui ! Cria-t-il à l'intention du personnel. Mira, viens voir.

La danseuse s'approcha de son supérieur, le dos droit, le corps enfermé dans son justaucorps. Elle était essoufflée. Elle pensa aux regards de ses collègues. Envieux, sûrement trop critiques. L'homme posa sa main sur son épaule, fermement. Si bien que ça la fit presque sursauter.

– Ton cygne blanc est parfait, OK ? Mais le reste ne suit pas. Je veux voir du désespoir, de la vengeance, de la passion ! Je veux te voir cruelle, méchante, détruite. Capiche ?

Aïe. La critique tuait. Mais la critique faisait progresser. Mirajane hocha la tête, impuissante. Elle comprenait. Elle savait qui lui manquait cette fougue, cette rage d'être en dansant.

– On voit ça demain. Repose-toi.

Elle salua le personnel avant de se retirer dans les vestiaires. Elle s'y sentit plus à l'aise. Moins observée. D'un geste brusque, elle enleva ses pointes. Elle avait un goût amer dans la bouche. Le goût de la défaite. De la non-réussite. De la déception. Ses orteils saignaient, ses pieds étaient déformés. Elle se questionna. Avaient-ils toujours été aussi laids ? Aussi cabossés ? Aussi inhumains ?

– Tu tiens le coup ?

C'était Jenny qui lui avait posé la question. Jenny était une jolie danseuse. Elle, elle avait la fougue. Mais elle, elle n'avait pas été choisie pour le rôle principal du Lac des Cygnes.

– Sting n'est pas tendre avec toi.

Sa remarque était une constatation. Un brin douloureuse pour Mira. Le cygne pensa au chorégraphe et à ses phrases sans pitié.

– Il cherche la perfection.

Mira sourit en prononçant ces mots. Parce que Mirajane, elle souriait tout le temps. Parce que c'était elle, la gentille de l'histoire.



Quelques minutes et plusieurs stations de métro plus tard, la danseuse entra dans le bar « Fairy ». Le lieu était bondé. Quand elle arriva, tout le monde la salua. Son sourire habituel placardé au visage, elle usa de sa voix joviale et gentillette pour y répondre. On l'appelait l'Ange.

Pureté, bonté, beauté.

Coincée dans un personnage dont elle n'arrivait plus à se détacher, elle continuait d'accomplir son rôle, le sourire aux lèvres et la main sur le cœur.

Elle s'assit sur un tabouret et s'attabla au bar. Elle avait envie de voir sa petite soeur. Si jolie. Si gentille. Si parfaite. Elle était derrière le bar, entrain de servir quelques boissons.

– Ta journée s'est bien passée ?

Lisanna était une bénédiction. C'était un ange. Un vrai. Son sourire, c'était une thérapie. Et ses yeux bleus, c'était l'innocence.

– À merveille. La tienne ?

Il fallait croire que le mensonge ne tuait pas. Non, c'était même devenu un moyen pour s'assurer du bien-être des autres.

– Très remplie !

Le rire de sa petite sœur la secoua. Il était beau son rire, et surtout, il était sincère. Elle repensa à son rôle. À ses difficultés.

Une masse s'assit lourdement sur le tabouret voisin. C'était Luxus. Luxus Drear. Il était beau Luxus, mais qu'est-ce qu'il était con.

– Une bière.

Sa voix rauque fit frémir Mirajane. Elle n'aimait plus Luxus. Depuis longtemps. Il n'était pas poli, pas agréable, pas souriant. Il était son contraire.

– Et s'il te plaît, c'est pour les cruches ?

Lisanna ne se laissait pas faire, sauf qu'elle, elle adorait Luxus. Mirajane pensait à son Cygne. Lourde, sa peine pesait une tonne. Léger, son masque souriant lui allait comme un gant.

– T'en as pas marre de jouer la comédie ?

La voix de Luxus lui était presque étrangère tant ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas adressé directement à elle. Ça la secoua.

– Pardon ?

Le brouhaha du bar couvrait presque leurs voix.

– Je reformule : ça t'arrive d'être sincère ?

Luxus était un con. Mais Mirajane était gentille. Alors elle sourit gentiment, fit mine de ne pas avoir entendu. De ne pas se faire déstabiliser par cet imbécile et ses réflexions insensées, inacceptables, ignobles et pas respectueuses du tout. Elle se retourna vers sa sœur, le cœur au bord des lèvres souriantes.

– Lisanna, je te laisse, je vais aider Kanna avec les livraisons.

Et sans un regard pour le blond, elle s'en alla.
Ne dit-on pas que l'ignorance est le meilleur des mépris ?

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HOLÀ
Bienvenue sur une petit fan fiction ! L'idée du cygne, du premier rôle et du mal-être du personnage principal est grandement inspirée du scénario du film « Black Swan » d'Aronofsky. (Une pépite que je vous conseille). Les dialogues et le reste sont de moi !

Cette mini-fic fera à peine 4 chapitres. Un chapitre sera posté chaque jour (ou même deux par jour vu qu'il sont tout petits).

Vous en avez pensé quoi ?

Des bisous,

Le cygne Où les histoires vivent. Découvrez maintenant