Une envie d'écrire

Vi Britannia -

    Deux heures et trois minutes.

   Les chiffres bleus se détachaient nettement sur le bracelet noir qui entourait son poignet. Aussi nettement que les lumières des imposants building se détachaient dans les ténèbres de la nuit, lances de verres déchirant les cieux obscures.

   Bien qu'éclairée par des centaines de lumières artificielles, la ville autour d'eux était plongée dans un calme nocturne déconcertant. Le silence était lourd, uniquement troublé par le son des fourgons qui circulaient au sein des avenues dépeuplés. Conformément aux ordres impériaux, le couvre feux était aussi durement respecté par les habitants que la désobéissance était réprimée par les soldats. Lourdement armés, ils patrouillaient en escouades dans les rues, sur les routes désertes. Leurs yeux étaient sur chaque mur, dans chaque rue, sur chaque toit. Si un seul de ces soldats les surprenaient et donnait l'alerte, ce serait toutes les forces armées de la ville qui convergeraient vers eux... Et ouvriraient le feux sans sommation.

   Ils n'auraient alors aucun échappatoire.

   Pourtant, ce n'était pas cette menace qui passait sur leurs têtes qui faisait s'accélérer les battements de son cœur, qui faisait bouillir son sang. Elle avait l'impression que sa cage thoracique était trop étroite, qu'elle allait exploser. La panique et l'urgence formant un cocktail toxique qui liquéfiait ses organes. Son attention toute entière était tournée vers un building de verre et d'acier qui fendait les cieux, imposant dans sa souveraineté. Haut de plusieurs centaines d'étages, l'étendard disproportionné de Britannia drapait sa façade en un avertissement mortel.

     - On y arrivera jamais, Sib, souffla Bishop entre ses dents, dos contre le murée qui leurs servaient de rempart temporaire.

     - Rien ne t'oblige à me suivre, lui lançait-elle en délestant son sac à dos alors que leurs compagnons les rejoignaient sans un bruit, ombres parmi les ombres.

   Sans quitter des yeux la façade illuminé du building, Sibylle ouvrit la poche latérale et sortit la lunette de visée qu'elle conservait en permanence sur elle. Son cœur battait avec trop de force contre ses côtes. Le sang ce bousculant dans ses veines. Son corps entier paraissait prêt à imploser sous la pression alors que les mots de son compagnon ne sassaient de raisonner à ses oreilles. 

   On y arrivera jamais. On y arrivera jamais. On y arrivera jamais. On y arrivera jamais. On y arrivera jamais.

   L'urgence et la panique ruaient dans ses veines, menaçaient de s'emparer de son esprit.

   Fermant ses paupières une seconde, Sibylle fit appelle à son entrainement. Toute sa vie avait été rythmé par la brutale discipline et le froid contrôle. Elle ne permettrait pas à ses émotions nouvelles de prendre l'ascendant cette nuit là, pas alors que les enjeux étaient si grands. Se remémorant les exercices qu'on lui avait inculqués depuis le plus jeune âge, la jeune femme s'efforça à dresser un mur de glace entre ses émotions et le reste de sa psyché, étouffant brutalement le bruit de ses pensés chaotiques. Le calme glacé qui l'envahit la seconde suivante était d'une familiarité déconcertante, et pourtant bienvenue tandis qu'elle rouvrait les yeux.

   Les idées claires pour la première fois depuis qu'ils avaient quittés le camp au couché du soleil, Sibylle se lança dans un nouvel examen du bâtiment, sachant que le temps leurs étaient compté. S'ils devaient trouver une solution pour entrer, cela devait être maintenant. Avant qu'il ne soit trop tard. Plaçant la lunette contre son œil, la jeune femme étudia de plus près les défenses que leur petite escouade aurait à percer. 

   Elle survolait d'un regard assurer les nombreux gardes qui se trouvaient à l'extérieur lorsqu'elle sentie Zillah se glisser silencieusement sur sa droite. Des picotements traversèrent sa peau là où leur corps se touchaient, le renforcement de ses protections ne pouvant empêcher la chaleur de la jeune femme de se propager à son propre corps.