Prologue

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 À deux pas des appartements où l'on avait logé la reine le temps de son accouchement, Faberon, son mari le seigneur des lieux, s'arrachait les cheveux -qui déjà n'étaient plus bien nombreux- sous la pression d'une dévorante impatience piquée d'anxiété.
-Par Deonar! Cette femme est de la pire santé qui soit, comment est-il possible qu'elle ne soit toujours pas remise?
Demanda t-il une énième fois à l'adresse du soignant. Ce dernier, un homme maigrelet aux cheveux grisonnants, semblait également anxieux. Il soupira:
-Je crains qu'elle ne puisse point se remettre tout de suite, majesté. Il n'est pas rare que certaines femmes souffrent de leur accouchement, même quelques jours après. La reine a beaucoup payée les conséquences du sien mais elle devrait s'en remettre, nous lui avons prodigué les meilleurs soins.
Faberon grogna, visiblement ermétique aux barantin médical.
-Du vent! Elle fait un caprice voilà tout!
Il stoppa la ronde frénétique à laquelle il s'adonnait depuis plusieurs minutes.
-C'en est assez, je la veux dehors maintenant, le peuple de la capitale doit la voir avec notre fille.
Sur ces paroles enragées, il entra dans la chambre en se dégageant sans peine du geste vain de son interlocuteur pour le retenir.

La vision du roi se troubla de fureur lorsqu'il entra dans la pièce. Sur le lit à baldequin où la suzeraine reposait depuis trois jours, s'était répendue une large tâche d'un rouge si sombre qu'il tutoyait le noir. Le très beau visage de Mindaé d'Arcane était dénué de son ordinaire expressivité, aussi clos que ses yeux dans un sommeil dépourvu de songe.
Faberon fit voyager ses petits yeux presque enveloppés sous sa masse brumeuse de sourcils blonds, et les planta, comme on plante une lame dans la chaire, dans ceux d'un homme qui était appuyé sur le lit, à droite du corps sans vie. Cet homme, il le reconnu tout de suite. Landerick-Marl de Sonderan, le mage royal. Il était une ombre découpée dans la nuit, un chat sauvage, et à cet instant, au moment où le roi l'observait en se questionnant sur le sort qu'il lui réservait, il était un homme aux cheveux de jais et au regard vide. Ce regard, il se perdait sur la tâche grandissante qui s'écoulait de la poitrine sanguinolente de la reine.

La sombre silhouette du mage s'éleva sans qu'il la quitte des yeux. Tout cela se passait très vite, et le roi n'osait encore imaginer ce qui, de plus en plus, apparaissait dans son esprit comme l'horrible vérité. Hélas, il ne pu nier cette vérité plus lontemps, car un poignard rougit par le cruor se laissa entrevoir, furtif, sous la profonde manche de Landerick.

Cette image, toute visuelle que puisse être une image, résonna pareillement à un cri venu des enfers à l'oreille de Faberon, qui se precipita alors vers le sorcier, fou de rage.

-TRAITRE! ASSASSIN!

Il n'eut guère le temps ne serait-ce que de l'effleurer, l'homme se volatilisa en prononçant très bas ces mots d'une voix qui n'avait rien à enviez au cri infernal qui résonnait encore dans l'esprit du roi:

-C'est de ma volonté que cesseront de vivre tous les d'Arcane.

Pour unique relique de son crime, il laissa tomber la lame maculée de sang avant de disparaître. Tremblant de toutes les émotions spasmatiques et violentes qui le secouait, le roi ramassa l'objet et le serra si fort entre ses doigts rugueux qu'il se les lacéra.

Il entendit enfin les pleurs d'un bébé. Ces pleurs n'étaient point apparus soudainement, ils étaient continuels, ils étaient la furieuse mélodie qui rythmait la scène depuis sa naissance. D'un pas lent et sourd, il s'avança jusqu'au berceau de l'enfant en sanglots. Le glaive toujours en main, il regarda froidement la petite princesse. Cette dernière cessa brusquement de pleurer, étrangement sereine pour un bébé, elle plongea dans ceux du roi ses immenses yeux bleus pâles. Alors, en étudiant ces yeux fantômatiques, Faberon comprit. Il choisi de ne pas la tuer, mais à partir de cet instant, il ne cessa de la mépriser plus qu'on ne méprise l'ombre même de l'objet premier de notre mépris. Il baissa sa main qui tenait le couteau, et dit à haute et intélligible voix:

-C'est toi qui l'a tué, c'est toi qui a tué ta mère Meryl. Tu as décidée d'être une meurtrière rien qu'en venant au monde. Soit moi reconnaissante à jamais de te laisser vivre.

Pour la première fois depuis que le souverain était entré dans la chambre, le medecin abasourdi qui avait assisté à toute la scène, osa balbutier:

-M-mais...enfin monseigneur...C'est lui! C'est ce sorcier qui l'a tué, vous l'avez vu vous même il tenait le...

-C'est toi qui a tué ta mère Meryl.

Répéta plus fort Faberon en interrompant le soignant. Ce dernier se tu.

Il se tu durant dix-sept ans.



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⏰ Dernière mise à jour : Aug 07, 2020 ⏰

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