4- You've got a friend in me

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J'avançai dans la rangée, doucement, pour ne pas aggraver ma situation. Je tirai ma chaise, qui bien entendu faisait un bruit d'enfer. Plusieurs paires d'yeux me dévisagèrent, mais bizarrement Molly leur rendit leurs regards noirs et ils se retournèrent aussitôt, probablement effrayés. J'étais moi-même terrifié, au point que si je ne m'efforçais pas de le cacher du mieux que je pouvais, je me serais sans aucun doute déjà évanoui.

Je m'assis, en posant mes mains bien à plat sur la table pour éviter de révéler le moindre tremblement, puis sortis mes affaires et commençai à prendre des notes. Du moins, j'essayai de suivre, car la présence de Molly à mes côtés m'angoissait au plus haut point.

"- Tu feras attention, Rob, tu trembles.

- Robin.

- Comment?

- Mon nom. C'est Robin."

Elle se tourna vers moi en dévoilant une rangée de dents parfaitement blanchies et alignées, avant de répondre, d'un ton provocateur:

"C'est bien ce que je disais. Rob."

Elle va te tuer Robin. Elle pourrait bien te tuer maintenant, avec ses griffes acérées, et elle serait même capable de payer tes obsèques rien que pour écrire "Rob" sur ta tombe.

"- Tu sais, j'ai bien vu ton petit jeu avec John.

- De quoi tu parles? Quel petit jeu?

- Arrête de faire l'innocent, Rob. J'ai vu comme tu le regardais. Il te plaît, n'est-ce pas?"

Je laissai tomber mon stylo, et la fixai sans comprendre. Où voulait-elle en venir? Elle me jeta un bref regard, en feignant l'innocence, puis reprit son petit numéro d'élève modèle.

"Dommage pour toi, tu n'es vraiment pas son genre."

Elle avait l'air satisfaite. Elle continuait de prendre des notes, comme si sa phrase ne venait pas de réduire mes espoirs à néant. John était hétéro, donc? Je croyais pourtant avoir ressenti une affinité entre nous. Quelque chose de fort. Je m'étais peut-être trompé, après tout. Et puis, j'aurais pu rêver de n'importe qui d'autre, je n'étais pas forcé de faire une fixette sur lui.

Passée la première heure du cours, la professeure nous annonça qu'elle nous laissait une pause de cinq minutes, le temps de faire des photocopies ou quelque chose du genre. Je n'y avais pas vraiment prêté attention, je profitai seulement de l'occasion pour aller chercher la seule chose capable de me réconforter. Un bon gros café. Cappuccino noisette. Gâché par Molly, évidemment. Elle s'avança vers moi, tel un serpent qui essaie de cerner sa proie.

"- Sois pas si déçu, Rob. Tu sais, je préfère te prévenir avant que tu ne t'attaches de trop. Je fais ça pour toi, pour que tu passes à autre chose avant de souffrir.

- Oh, donc tu voudrais me faire croire que tu es la gentille ? Que tu agis pour le bien commun?

- Je suis loin d'être gentille. Cependant, tu me fais de la peine, avec ta mine de chien battu."

Elle accompagna sa réplique d'une moue boudeuse, et repartit dans la salle avec son air supérieur, en faisant claquer ses talons sur le carrelage.

Définitivement pas gentille, donc. Mais peut-être pas si mal intentionnée? Cela restait à déterminer.

L'heure suivante défila à toute vitesse. Pour être honnête, je n'avais pas vraiment retenu quoi que ce soit en terme de traduction, j'étais plus occupé à réfléchir. Mon cerveau avait tellement émis de pensées différentes que j'avais peur qu'il soit en surchauffe. A la fin de l'heure, j'avais une énorme migraine, et je sortis de la salle en trombe, avec la seule envie de sécher le reste de la journée. Mon programme était simple : m'acheter un pot de glace au chocolat puis rentrer le manger devant un tas de comédies romantiques, et m'apitoyer sur mon sort. Tout cela en imaginant comment ma vie aurait pu être merveilleuse si cette petite peste n'avait pas ruiné mes rêves. Oh et bien sûr, pleurer. Beaucoup.

Je me dirigeai donc vers le supermarché le plus proche. Il y régnait une douce odeur de pain d'épices, et les hauts parleurs diffusaient la chanson Stand by me. Evidemment. Je décidai qu'il fallait mieux que je rentre au plus vite, avant de fondre en larmes à cause d'une idylle qui n'avait, soit dit en passant,  jamais existé. Je couru presque jusqu'au rayon surgelés, quand, du coin de l'il, j'aperçus un mouvement à ma droite. Mary venait d'émerger du rayon voisin, avec son petit panier de courses à la main. Son visage s'illumina quand elle me reconnut.

"- Robin! Je me demandais ce qui t'étais arrivé, mais apparemment tu as survécu à la traduction! Comment ça s'est passé?

- Si bien que je m'en vais noyer mon chagrin dans le chocolat, vois-tu!

Je lui adressai un petit sourire, puis je me dis que je devais vraiment avoir une mine affreuse, car son expression changea. On aurait dit qu'elle essayait de sonder mon esprit, avec ses yeux plissés et sa tête légèrement penchée sur le côté.

- Bien, je ne veux pas te forcer à me révéler tes problèmes, mais en tant qu'amie, il est de mon devoir de te remonter le moral! Il y a une fête, ce soir, dans ma résidence. Je n'avais pas prévu d'y aller mais tu pourrais m'y accompagner! Qu'est-ce que tu en dis?

- Si j'ai le temps de manger ma glace avant, alors pourquoi pas?"

Soyons honnêtes, j'avais accepté seulement pour pouvoir boire et oublier mon chagrin. Deuxièmement, Mary était mon amie? C'est vrai que je n'avais jamais été très sociable, mais j'étais loin d'imaginer que ce serait aussi simple. Bien, j'avais au moins une amie à présent. Et une soirée arrosée en approche.

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