Préface de J-J Wunenburger

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En ce début de siècle où s'entrechoquent les pensées les plus contradictoires, de progrès illimité et de décadence, d'optimisme et de pessimisme voire de catastrophisme, où rivalisent les modes de pensée occidentaux et orientaux, nous sommes plus que jamais en quête de pensées fortes, profondes, capables de nous éclairer sur ce que sont l'humanité, la nature, l'histoire, Dieu, leurs interactions et leur capacité à orienter notre liberté et notre vie. L'homme actuel se sent de plus de plus en quête d'identité et de sens, pris dans l'enclume entre ceux qui cherchent à le dissoudre dans le grand règne des vivants, cette biodiversité écologique que l'homme malmènerait et dont il devrait à la limite disparaître et ceux qui veulent l'augmenter, le transformer, le remplacer par des artefacts informatiques et robotiques(dans le transhumanisme). Nos contemporains redécouvrent pourtant les puissances d'inspiration des grandes traditions,Stoïciens, Spinoza, mystiques monothéistes, taoïsme, bouddhisme, confucianisme, la liste est longue. Mais ne passons-nous pas quelquefois à côté de trésors méconnus ? Patricia Lasserre a raison de nous inviter à redécouvrir le capital de pensée et d'expériences spirituelles de Jakob Böhme.

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Patricia Lasserre a raison de rappeler que cette théosophie permet de comprendre autrement l'homme que le dualisme et le réductionnisme, à l'instar d'un Paracelse, sans doute maître caché de Böhme, qui avait cherché lui aussi à comprendre les événements du corps et de l'âme comme des signes des harmonies ou dysharmonies cosmologiques, d'où l'importance des analogies, de la pluralité des niveaux du corps et des influences astrales dans les pathologies et thérapies. Corollairement, on retrouve chez Böhme cette idée ancienne que la Nature, loin d'être une totalité homogène et autarcique, fonctionnant selon des lois propres, est aussi un livre écrit en langage symbolique, dont on peut décrypter les lettres et les chiffres, comme le faisaient les pythagoriciens, les kabbalistes juifs et arabo-musulmans.Mais le mérite du livre est surtout d'introduire à l'originalité radicale et sidérante de la théosophie de Böhme, qui ébranla déjà les dogmes du protestantisme de son entourage, et plus largement toute la théologie rationnelle et exotérique du monothéisme : selon Böhme, en effet, Dieu n'"est" pas, n'est pas un être éternel, immuable, parfait et tout puissant, en dehors duquel prend place la création. Dieu initialement déité (Gottheit) indéterminée devient,advient dans un temps, qui est celui de la nature cosmique et de la gestation de chaque personne. Cette affirmation bouleversante ne débouche pourtant sur aucun panthéisme ni matérialisme tant craints par l'Eglise (comme l'illustrera plus tard la réception du spinozisme)ni sur une négation des catégories fondamentales du christianisme. Le Christ, la Vierge, la trinité sont bien reprises par Böhme mais pour y introduire une nouvelle vision qui les illumine plus qu'elles ne les détruit.En quoi Böhme ouvre-t-il donc par là des espaces vertigineux et sublimes pour la pensée ?

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Jacob Böhme, le divin parleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant