4. 24 décembre 2015

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Le fameux 24 décembre. Alors que les cloches sonnent minuit, et que le monde se met en veille un court millièmes de seconde, on se croirait à une parodie du Nouvel An.
Pourtant, le jour de Noël est spécial aussi. . .
C'est celui qu'on attend pour certains toute une année entière.
Celui qui met la pression au fameux Père-Noël.
Celui qui réunit les cœurs et brise un temps soit peu la haine. Au moins le temps de déballer les cadeaux. De froisser le papier coloré. De sourire ou parfois même un peu pleurer à la découverte des présents.

Mais cela, c'était réservé pour la nuit.
C'était pourtant en pleine journée, que la jeune adolescente blonde était avec un autre jeune homme.
En pleine ville, foule bien présente, atmosphère vivante. Alors que les retardataires se ruaient vers les dernières boutiques ouvertes, acheter les derniers biens pour en faire cadeau à leurs proches, les plus reposés s'enlacent ou se prennent la main. Un instant d'amour dans un brouhaha de bonheur. Un instant de bonheur dans toute cette vie grouillante.

Et Solène ne ferait pour rien au monde exception à cette règle qu'avait imposé la magie de Noël.
Souriante, un peu collante aussi, elle ne quitterait jamais les bras de son petit ami.

Un grand jeune homme, aux yeux verts, et aux cheveux bruns, un peu en batailles. Ce genre de garçon au style un peu négligé, capable de passer des jours habillé uniquement de joggings ou d'autres tenues spécialisées conforts.
Il s'appelait Mathieu.
Pas vraiment Bad-Boy, et pourtant pas du genre à se faire marcher sur les pieds. Il était protecteur, un véritable gentleman envers sa demoiselle.
Et ce jour du réveillon, ils étaient assis sur un muret. Pile devant la façade d'une boutique. Une boutique de jouets pour enfants, alors que les clients en sortaient et y rentraient encore.
Aussi étrange cela pouvait paraître, c'était ici qu'ils s'étaient mis ensembles. Ici le lieu d'un baiser inoubliable. Ici le lieu d'un rêve inespéré. Inenvisageable pour d'autres. C'était le 15 novembre 2015.

Ils s'étaient donné rendez-vous ici, devant ce muret qu'ils monopolisaient en ce 24 décembre 2015.
Elle était joliment apprêtée, jolie veste vintage au dessus d'un débardeur de la couleur exacte de ce ciel dégagé, et une jupe, noire. À peine froissée, aux plis discrets. Cette petite jupe pas trop courte, pas vraiment vulgaire, mais qui lui a valu un "tu es mignonne avec cette tenue. Et cette jupe te va très bien." De sa voix charmante et qui ne tarderait sans doute pas à muer. C'était à ce moment là. À ce moment là précisément. Qu'elle a enfin redécouvert celui qui monopolisait ses heures. Ses journées. Ses semaines entières. Ses pensées. Son sourire.
Mais contrairement à ce qu'il portait constamment, lui, était, pour une fois, en jean et en chemise. Sans oublier sa tignasse rebelle, et son sourire charmeur.
Loin du style scolaire et complètement mis de côté dans ses priorités. Aujourd'hui était un jour important. L'apparence se devait d'être à la hauteur.
C'était un 24 décembre 2015.
Une magnifique journée enveloppée d'un soleil des plus doux. Une légèreté dans l'air, des nuages laiteux, un nœud à l'estomac. Ils étaient anxieux de redécouvrir leur âme sœur.

Rencontrés au lycée le premier jour de la rentrée.
Ils s'étaient croisés dans les couloirs.
Puis ont appris qu'ils partageraient la même classe.
Les mêmes copains, les mêmes professeurs, même les plus fatiguants.
Puis ils ont fait connaissance.
C'était le premier jour. À la fin des cours, il était dix huit heures. Ils prenaient le même bus scolaire. Et elle a appris à le connaître au travers de quelques paroles échangées.
Ils ont rapidement découvert qu'ils vivaient à un pâté de maison l'un de l'autre. Le courant passait bien, et Solène n'avait aucune raison de s'en écarter. De ce jeune garçon un peu différent, moins brut, plus soucieux d'elle que les autres. Parce que son avis était un peu vite forgé ; les garçons sont un peu idiots.
Mais il ne lui en voulait pas.
Lui pensait les filles trop superficielles.

Un amas de stéréotypes. De clichés infondés si ce n'est avec les bêtises que faisaient voyager dans le monde entier le mentor des jeunes : internet. Et les réseaux sociaux.

Le trajet fut relativement rapide. Pourtant, ils vivaient à peu près à 50 minutes de bus de l'établissement scolaire.
Mais tellement d'informations ont été partagées. . . Leur âge, leur lieu d'habitation, ce qu'ils aimaient faire de leur temps libre, leurs couleurs de prédilection, le professeur qu'ils ont le moins apprécié, et celui qui, d'après leur propos, ne terminerait pas l'année avec tout son honneur.

Alors l'odeur de l'essence revint rapidement envahir ses narines et embrouiller son cerveau après la disparition du brun de son champ de vision.
Elle avait trouvé là un nouvel ami, précédemment assis face à elle. Dos à la route, elle n'avait absolument pas envisagé, tous les virages qui l'attendaient. Qui s'approchaient, sans la prévenir. Encore moins ceux qui allaient faire transcender sa vie. La laissant au moins goûter à l'amour, quelques mois plus tard à peine.
Alors elle a fini par descendre du car scolaire. Elle a mis le nez dehors, et le vent glacé lui a bien rappelé quel jour on était. Bercée par son innocence, et remettant sous son nez rougi son écharpe carmin, elle a marché. Un sourire collé aux lèvres. Hâtive de retrouver sa famille. Hâtive de leur parler de son nouvel ami. Et, elle ne le savait pas encore, son futur grand amour. Celui qu'elle écrira avec un grand A, et à l'aide de l'encre du coeur, quand elle plongera son regard dans le sien.

Et tous ces souvenirs l'enveloppant de leur douceur, la blonde rouvrit les yeux, pour se perdre dans ceux de son compagnon. Son tendre Matthieu. Ils étaient toujours sur ce petit muret. Ils n'avaient pas bougé d'un pouce. Lui non plus. Immobile, sûrement pensif. Il était sûrement en train de se remémorer tous ces doux moments. Elle l'observa longuement, le dévorant d'un regard affamé d'amour. Sa silhouette la fit sourire un peu plus encore. "Son corps de dieu" pouvait elle penser parfois. C'était un 24 décembre 2015. Un mois qu'ils étaient ensembles environ. Un peu plus en réalité. Ils étaient beaux. Ils valaient des regards déplacés dans la rue. Ou des jaloux aux prunelles trop fixes sur leur étreinte. Ils s'en fichaient. Ils étaient trop heureux pour s'en soucier. . . Quelle insouciance. Quelle pureté. Quelle douceur. Quel bel amour. . . Presque trop beau.

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