Affranchie Tome 1 : Rachetée

Chapitre 1

Je m'appelle Jaël, j'ai 14 ans. Je suis orpheline depuis ma naissance et je vis dans un foyer, ou plutôt dans un centre pour jeune délinquant. Inutile de me demander ce que j'ai fait pour en arriver là, car je ne saurais pas vous répondre. Quoi que je fasse, je finis toujours par faire du mal aux gens. Je suis jugée coupable depuis longtemps, mais étant donné que je suis mineure, j'ai toujours échappée à la condamnation à mort. Enfin ça, c'était avant que le gouvernement ne décide de tout changer...

On s'imagine souvent que vivre dans un foyer, c'est comme vivre avec une grande famille, mais pour être honnête, ici c'est différent...Nous sommes nombreux à être dans la même situation et malgré le fait que l'on soit tous ensemble, chacun ici se sent seul. Certains sont arrivés ici en cours de route et d'autres sont, comme moi, ici depuis toujours. Nous avons grandi sans repère, sans parents et pratiquement sans amour.

Le chef du foyer se nomme Mr.Dev et on ne peut pas dire qu'il nous aime, c'est même tout le contraire...Il se cache bien mais au fond, il veut nous voir courir à notre perte. Il a déjà refusé de nombreuses demandes d'adoption sans raison valable. Il trouve toujours une excuse, quelque chose à redire ou un moyen de décourager ceux qui voudraient nous adopter. Si bien que même les parents les plus persévérants et les plus patients, ont fini par laisser tomber.

Jusqu'à maintenant, à part nous rappeler nos fautes, il ne pouvait rien faire de plus, mais maintenant que la loi sur la condamnation à mort s'applique désormais aux mineurs, il ne cesse de nous rappeler que notre fin est proche...

Je suis passée par plusieurs phases, avant de me résigner. J'ai tout essayé pour me racheter de mes fautes, j'ai enchaîné les travaux d'intérêts généraux, les œuvres caritatives et tout un tas d'autres bonnes œuvres mais ça n'a rien changé. Je suis condamnée et je doute que quelqu'un parvienne un jour à changer ça.

-Eh Jaël ! C'est toi qu'est de corvée vaisselle ! Me crie Joffrey depuis la fenêtre.

-Ouais j'arrive ! Je réponds en éteignant ma cigarette et en prenant soin de la cacher.

Je jette un dernier regard à l'horizon, le soleil est en train de se coucher. Je me lève et commence à me diriger vers le foyer. Les nuages sont rouges, je les contemple une dernière fois en cherchant malgré moi comme un signe.

Joffrey me tire de ma rêverie en me jetant une éponge, avant de partir. Je me mets péniblement à la tâche en regrettant de ne pas avoir pris mes écouteurs. Cela m'aurait éviter d'entendre les autres se déchirer.

Ce qui est le plus dur pour nous tous, c'est d'entendre sans cesse du mal, d'entendre sans cesse Mr.Dev nous répéter à quel point nous sommes mauvais et à quel point nous ne valons rien. Alors, même si l'on essaie de se convaincre du contraire, lorsqu'on entend ça depuis tout petit, inévitablement, on finit par y croire.

Mr.Dev est la seule figure parentale que nous ayons connu et il ne nous a jamais aimé, par conséquent, nous n'avons jamais appris à aimer. Lorsque vous n'avez pas l'amour et que vous pensez que votre vie ne vaut rien, il est difficile de devenir "quelqu'un de bien" et quelqu'un qui aime.

Je pars me coucher ce soir là avec une toux horrible. Je m'endors péniblement en me promettant de ne plus jamais réessayer de fumer.

Le lendemain matin, je me réveille péniblement et descend pour écouter le speech matinal de Mr.Dev.

-Dépêchez-vous de descendre ! Espèces de vauriens vous pensez que j'ai toute la journée ?!

Une fois tout le monde regroupé il déballe son flot de mauvaises nouvelles. Chacun passe le voir, chacun son tour. Je vois le sourire des autres s'effacer petit à petit. Alors que mon tour approche, j'entends Mr.Dev annoncer sans aucune diplomatie à l'un des nouveaux, qu'il a refusé les demandes d'adoptions qui ont été faite pour lui. Évidemment, il ne lui donne aucune explication, il se contente simplement de lui donner du travail à faire pour la journée. Le nouveau repart en pleurant.

Lorsque mon tour arrive je suis déjà prête psychologiquement.

-Jaël, je pourrais dire beaucoup de choses sur toi mais ça ne sera pas nécessaire, il ne te reste plus beaucoup de temps. Dit-il en me tendant un rapport.

Je le lis en diagonale : 15 jours. Il ne me reste que 15 jours à vivre...

-Tu peux t'en aller j'en ai fini avec toi. Et ce n'est pas la peine de pleurnicher. Tu n'as que ce que tu mérites !

-Quand est-ce que vous allez me dire ce que j'ai fait pour mériter ça ?!

-Tu es née voilà ce que tu as fait ! A quoi ça te servirait de vivre ?! Personne ne veut d'une fille comme toi ! Personne de t'adoptera et j'y veillerais personnellement !

Je m'éloigne en contenant mon envie de hurler. Cet homme nous hait ! Pourquoi est-ce que j'espère encore voir quelque chose de bon sortir de lui ?!

Je me mets à l'écart, tentant de retenir ma colère. Si malgré tous mes efforts je ne réussis pas à racheter ma vie, qui pourra le faire ?! Je chiffonne le papier et le jette. A quoi ça me sert de lire ça ? Je n'ai plus beaucoup de temps alors autant profiter de chaque seconde. D'ici j'entends les cris, les insultes qui fusent, des gens qui tentent de négocier et qui se font rire au nez par Mr.Dev. Ici on a tous l'impression de vivre, on se voile tous la face, on essaie tous de prouver aux autres qu'on est le plus fort, que la situation ne nous fait rien mais au fond nous sommes tous déjà morts. Au lieu de s'entraider c'est à celui qui écrasera le plus l'autre que nous jouons.

Encaisser est notre quotidien, survivre est le but de notre vie.