Chapitre 10

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-Vous êtes sorti vite ! Dis-je à Emmanuel qui se tient dans le hall.

-J'ai fais ce que j'avais à faire et je suis parti. J'ai vu ce que tu as fait.

-Vous savez...Joeffrey a raison. J'ai cru que je pouvais changer et devenir une bonne personne mais...C'est une illusion. J'ai cru que j'allais pouvoir changer du jour au lendemain et que ça pourrait potentiellement m'éviter de mourir mais en réalité je ne pense pas que je puisse changer. Je ne suis pas quelqu'un de bien vous savez.

Il garde le silence un instant puis me demande de le suivre. Nous sortons du foyer et marchons jusqu'à l'endroit de la dernière fois, celui où il m'avait passé son fameux paréo. A croire que ce lieu est devenu notre point de rendez-vous.

-D'après toi Jaël, est-ce qu'il est possible de voir pousser des pommes sur un poirier ?

Je fronce les sourcils avec incompréhension. Je ne vois aucun rapport avec ce que je lui ai dit juste avant de partir.

-Euh non je ne crois pas...Pourquoi vous faites des essais jardinage ?

Il rit.

-Non j'essaie de te faire comprendre quelque chose.

Je le regarde, perdue.

-Assieds-toi. Me dit-il.

Nous nous asseyons avant qu'il ne continue.

-Tu vois un poirier ne produit pas de pommes tout comme un pommier ne produit pas de poires. Quelqu'un de mauvais ne produit pas le bien et quelqu'un de bien ne produit pas de mauvaises choses. Dans chacun de tes actes tu décides de ce que tu produis.

-Oui mais...Même si j'essaie de faire des choses bonnes, je vois bien que ce n'est pas dans ma nature.

Il me regarde en souriant.

-Ce n'est pas facile de donner ce que l'on a pas reçu Jaël. Dit-il.

Cette phrase me touche particulièrement, comme s'il voyait au fond de mon cœur.

-Vous savez. Quand on est arrivé dans ce foyer, on a cherché à être aimé de Mr.Dev, on pensait...Qu'il serait comme un père pour nous mais...Il ne nous a jamais aimé et il ne nous a jamais appris à aimer. C'est pour ça que, même si j'essaie de faire des efforts avec Joeffrey, je n'arrive pas à l'aimer. On s'est toujours détestés.

-Je sais.

-Comment vous pourriez le savoir ?

-J'ai entendu la façon dont vous vous parliez.

-Vous savez, j'ai fait ce que vous m'aviez dit de faire la dernière fois. Il pleurait l'autre jour et je lui ai passé ma veste comme vous l'aviez fait pour moi. J'ai même dû casser mon téléphone pour qu'il me croit tellement ce n'est pas naturel de ma part. Aujourd'hui je regrette, jamais je n'aurais dû faire ça pour lui.

-Alors pourquoi tu l'as fait ?

-Je l'ai fait pour vous. J'avais une dette envers vous.

Il hoche la tête.

-Tu n'avais pas de dettes Jaël.

-Si ! C'est même vous qui me l'aviez demandé ! "Fais la même chose, lorsque quelqu'un d'autre pleurera." C'est vous qui m'aviez dit ça !

-Oui je t'ai dit ça parce que tu ne savais pas comment me remercier ! Mais ce n'était pas un ordre.

-Je ne vous suis pas...

-Quand tu as vu Joeffrey, qu'est-ce qui t'a poussé à aller vers lui ?

-Eh bien, je l'ai vu en train de pleurer et...Je me suis vu à sa place...Je me suis souvenue de ce que vous aviez fait pour moi, alors j'ai fait pareil.

-Tu vois, personne ne te forçais à faire ça pour lui, tu aurais pu tracer ta route, mais tu y es allée.

-Et je regrette ! Je vous l'ai dit c'était pour vous remercier, pas pour lui.

-Je pense plutôt que tu regrettes parce que tu t'attendais à une autre réaction de sa part.

-C'est pas faux... Disons que j'ai sacrifié mon portable pour qu'au final il continue de m'insulter...Mais bon je savais que c'était le risque.

-Donc en faisant ça tu savais qu'il ne te rendrait pas forcément la pareil ?

-Oui...En quelque sorte.

-Je ne pense pas que tu le détestes.

-Si, depuis le début. Je ne le supporte pas.

-Est-ce que tu te souviens de la fois où tu m'as rencontré ?

-Ah ça oui, on va dire que je ne suis pas prête de l'oublier !

-Au début, tu ne m'appréciais pas non plus.

-Non c'est vrai...

-Pourtant je suis là aujourd'hui.

-Je ne comprends pas où vous voulez en venir.

-Aimer quelqu'un, ça ne veut pas forcément dire recevoir quelque chose en retour ! Aimer c'est toujours chercher à faire ce qu'il y a de mieux pour l'autre sans chercher son propre intérêt.

Je ne peux pas m'empêcher de rigoler.

-Excusez-moi c'est juste que...Si je fais ça je me ferais clairement marcher dessus au foyer !

-Tu n'as pas senti que quelque chose avait changé en agissant comme tu l'as fait avec Joeffrey ?

-Non, il me déteste toujours autant !

-Vraiment ?

-Bon c'est vrai que le soir où je l'ai aidé, il m'a remercié pour la veste...Peut-être que ça l'a touché.

-C'est dur pour certaines personnes, de se laisser aimer quand elles ont l'habitude d'être haïes. Et tu le sais.

-Oui je suis bien placée pour le comprendre...C'est vrai qu'à sa place, j'aurais sûrement agis pareil, je me serais méfiée de lui.

Je reste un instant pensive.

-Vous pensez qu'il y a encore une chance pour que les choses changent au foyer ? Peut-être que si on changeait, notre peine pourrait être repoussée ou même annulée ? Vous pensez que c'est possible ?

-Tout est possible.

-Mais qu'est-ce que je dois faire pour aider les autres ? Je ne sais pas faire le bien. Je ne suis pas comme vous.

-C'est simple : demande toi ce que tu aimerais qu'on fasse pour toi.

-Mais oui c'est vrai ! Ok je ne vous promet rien mais je vais essayer !

Je souris et me relève brusquement, animée d'un nouvel espoir : peut-être qu'en changeant et en essayant de faire les choses bien, ma peine pourrait être repoussée. Je ne saisis pas encore toute l'étendue de ce rêve qui me paraît presque impossible mais pour le moment je préfère m'accrocher à cet espoir de tout mon cœur. Il ne me reste plus beaucoup de temps pour arranger les choses, je dois prouver que j'ai changé coûte que coûte. Je ne dois plus faire d'erreurs, comme ça Mr.Dev ne trouvera plus rien à me dire.

Je retourne au foyer après avoir dit au revoir à Emmanuel, le sourire aux lèvres en imaginant déjà la tête de Mr.Dev, quand il ne trouvera plus rien à me reprocher.

6 jours...

Affranchie Tome 1 : RachetéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant