Chapitre 3

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Quelle heure pouvait-il être lorsqu'un grand fracas suivi de rires la jeta immédiatement hors de son lit ? Brutalement arrachée au sommeil ses sens furent en alerte. Malgré la gravité du moment Charlie ne put réprimer un rire nerveux. Elle enfila sa robe de chambre et avança à pas feutrés dans le couloir. Les minutes passèrent, plus aucun bruit. Charlie avait fouillé la maison de fond en comble mais n'avait rien trouvé à part ce calme habituel ainsi que le tic tac de la vieille horloge.

Seulement Charlie avait négligée un détail, le verre de vin posé sagement sur la table du salon.

L'impression de sentir quelqu'un près d'elle la nuit ne la quittait pas. Et c'est souvent qu'elle passait des nuits blanches, des nuits d'angoisses. Plus le temps passait, plus elle semblait tomber dans une vésanie certaine. Et parfois, elle se surprenait même à soliloquer.

La solitude ne lui réussissait pas et souvent, elle inspectait les portes et fenêtres de la maison. Elle n'était jamais sereine depuis les récents évènements et restait souvent prostrée dans sa chambre à regarder les montagnes napées de brouillard à travers les carreaux.

Elle décida qu'une promenade dans le jardin la sortirait de son état léthargique et de ce fait enfila rapidement un petit gilet de laine. Elle s'arrêta un instant devant la porte du jardin et observa le paysage.

Devant elle s'étendaient les grands pins, joliment dorés par les rayons du soleil. Le silence l'enveloppait tendrement, seul le chant des oiseaux, venait rompre cette sérénité parfaite. De nombreux buissons bordaient les bois, fruit de l'enchevêtrement de plusieurs ronces et fougères. Non loin de là un tapis de jacinthes s'étalait tranquillement parmi les souches délabrées.

Charlie arriva soudain à la frontière du massif. Les couleurs des fleurs vibraient dans la lumière avec une telle intensité qu'elle ne put se contraindre à en cueillir quelques unes. Il y avait là énormément de muguet, marguerites et, étonnamment, aussi beaucoup de roses blanches, rouges...et même jaunes. Elles ondulaient paresseusement dans la chaleur, la corolle tournée vers le soleil pour se gaver le plus possible de lumière.

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Le soir tombant elle prit le chemin du retour. La maison se détachait dans l'obscurité, et paraissait presque menaçante. Elle l'observa de plus près et son sang se glaça. Là, une silhouette se découpait dans l'encadrement lumineux de la fenêtre.

Elle prit son élan et couru vers la bâtisse. Elle ouvrit la porte d'un coups de bras et gravit les marches deux par deux tout en se dirigeant vers sa chambre. Plusieurs fois elle faillit tomber.

Lorsqu'elle déboula dans la pièce il n'y avait personne, rien. Elle se retourna, dévala les marches en sens inverse et se rendit à l'extrémité du couloir. Là, elle le vit marcher devant elle. Elle l'appela mais il ne se retourna pas. Un doute s'était glissé dans son esprit, un soupçon tellement invraisemblable qu'elle ne parvenait pas encore à l'admettre.

Et puis comme ça, il s'estompa tel un morceau de brume. Il avait disparu. À peine l'idée troublante l'eut-elle effleurée, qu'elle l'écarta. Non. Charlie n'eut à présent plus aucun doute. Un fantôme s'éternisait dans la maison. Tous ces évènements mystérieux étaient dus à sa présence. Qu'il soit mort ou vivant, sa présence ne la rassurait pas.

Le journal trouvé dans la pièce autrefois dissimulée devait lui appartenir.

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Attablée dans la cuisine, Charlie se mit à pleurer. L'assiette de carbonara se brouilla devant elle et de chaudes larmes dévalèrent ses joues. Tandis qu'elle pleurait à gros sanglot elle joua de la fourchette pendant ce déluge salé. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas pleuré. Elle n'avait pas pour habitude de s'apitoyer sur son sort et c'était là une première.

Delta•Charlie•DeltaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant