Chapitre 15 : Par-delà la forêt

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Son incarnat au poing, Caraghon monta en selle en cherchant Tyeltaran parmi les autres cavaliers. Bien que l'aube rosisse à peine le ciel, le camp était déjà en activité, et les chasseurs prêts au départ.

Il finit par le repérer du côté des restes du feu de camp de la veille, visiblement occupé à régler les sangles de la selle de sa monture. Après un instant d'hésitation, Caraghon fit avancer sa jument dans sa direction.

Le prince leva les yeux et lui adressa un sourire par-dessus l'encolure de son palefroi. Son propre faucon était perché sur l'arçon de sa selle.

— Prêt ? demanda Caraghon.

— Un instant et je suis à vous, répondit Tyeltaran en se hâtant de serrer les dernières courroies.

Il ne portait qu'une fine tunique aux manches lacées, les avant-bras protégés de lanières de cuir, et ses bottes montantes aux genoux laissaient ses cuisses seulement couvertes d'un collant. Caraghon, qui par-dessus sa cotte s'était muni d'un épais manteau bordé de fourrure, se demanda comment le prince pouvait raisonnablement ne pas claquer des dents dans cette tenue.

— Vous vous êtes habillé comme si nous partions naviguer sur la mer du nord, ricana celui-ci en mettant pied à l'étrier. Regardez, il n'y a aucun nuage dans le ciel, cette matinée est limpide comme un jour d'été.

— Vous avez une drôle vision des matinées d'été, alors, rétorqua sèchement Caraghon.

Tyeltaran rit en faisant claquer ses rênes, et leurs montures se mirent en route côte à côte pour rejoindre le peloton qui se formait. Cette fois, seuls les chiens d'arrêt et les faucons accompagnaient les cavaliers.

— Comment va Kanska ? demanda Caraghon, cherchant celle-ci du regard.

— Bien. Sa blessure est sérieuse mais propre, elle s'en remettra si elle accepte de prendre le repos nécessaire.

— Ce qui est loin d'être gagné...

Tyeltaran sourit.

— Exactement. Au moins pour aujourd'hui, elle a accepté de rester dans sa tente, mais j'ignore si nous pourrons la retenir à l'oisiveté plus longtemps.

Puis ils cessèrent de parler tandis que l'équipage gagnait l'orée de la forêt, plus au nord que la veille. Contrairement à la meute de braques, les chiens d'arrêt se déplaçaient en silence devant les chasseurs en flairant l'air. Les cavaliers gardaient au poing leurs faucons encapuchonnés, prêts à les relâcher dès que les chiens auraient levé le gibier.

Tyeltaran toucha le bras de Caraghon pour attirer son attention, et sans un mot, lui désigna une direction du doigt. Tous les deux ralentirent l'allure et obliquèrent vers l'ouest, s'éloignant d'un trot mesuré qui s'accéléra peu à peu.

— Allons un peu plus avant au cœur des bois, c'est là que l'on trouve le meilleur gibier, proposa Tyeltaran.

Tenant les rênes d'une main, Caraghon se laissait guider avec confiance tandis qu'ils gagnaient le galop. La forêt, derrière eux, engloutissait l'équipage de chasse hors de leur vue et de leur ouïe. Seul le pas de leurs chevaux troublait le calme vivant de la forêt. Comme lors de leur dernière sortie, les faucons étaient excités par les chants d'oiseaux et probablement d'autres sons qu'eux seuls pouvaient percevoir ; Caraghon avait décapuchonné le sien et relâché sa prise sur les jets de ses pattes, prêt à le laisser filer dès qu'il sentirait une proie à proximité.

Puis, alors qu'ils s'élançaient sur les pentes d'une butte, ils parvinrent au bord d'un sentier clairement pratiqué par l'homme. Large de plusieurs pieds, les herbes et les racines en avaient été dégagées pour ne laisser qu'une bande de terre parsemée de graviers, marque d'un emprunt régulier.

Le Prince Lune - Tome 1 (/!\ Premier jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant