II - Le bon choix

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Adrien regardait les faubourgs de Libourne défiler par la vitre du taxi sans réellement les voir. Il se demandait encore s'il avait fait le bon choix en se pliant à la demande de son père de venir le voir.

Marinette l'y avait largement encouragé. Contrairement à lui, elle ne semblait garder aucunement rancune à Gabriel de lui avoir mis des bâtons dans les roues au début de sa carrière. Elle disait même souvent, sur le ton de la plaisanterie, qu'il l'avait poussé à réellement réfléchir sur ce qu'elle voulait vraiment et l'avait amenée à faire les bons choix professionnels. Adrien savait cependant, par Chloé, que son père avait vraisemblablement usé négativement de son influence les premières années qui avait suivi le changement d'orientation de Marinette.

Cependant, l'entreprise qu'elle avait créée avec Chloé marchait très bien. Les deux femmes s'étaient constitué une clientèle diverse qui se faisait dessiner et tailler des vêtements sur mesure pour divers usages : costumes de scène, corps en dehors des normes rigides du prêt-à-porter, désir de se distinguer lors d'une cérémonie particulière. Chloé se chargeait de développer leur carnet d'adresses, traînant parfois Marinette à des réceptions diverses et variées. La fille de l'ancien maire de Paris faisait l'article, louait les talents de son associée. Marinette ensuite, bien renseignée sur le milieu dans lequel son client ou sa cliente potentielle évoluait, s'efforçait de proposer ce qui s'adaptait au mieux aux circonstances, à la morphologie et à la bourse de la personne qui la sollicitait.

Les deux femmes avaient chacune trouvé une fonction qui leur plaisait et qui leur permettait de dégager un salaire correct. Elles travaillaient avec une couturière qui, non seulement se chargeait des travaux les plus délicats, mais permettait aussi à Marinette de dégager du temps pour sa vie de famille.

Chloé était restée libre de toute attache sentimentale. Régulièrement, quand elle n'était pas invitée ailleurs ou ne se trouvait pas en compagnie d'un de ses nombreux petits amis, elle débarquait chez Adrien et Marinette ou chez Sabine et Tom pour s'inviter à dîner. Elle ne prévenait jamais à l'avance, comme si elle avait besoin de vérifier qu'on était toujours prêt à ajouter une chaise et une assiette pour elle.

Elle avait désormais de meilleures relations avec son père. André Bourgeois avait fini par laisser son siège municipal et se consacrait maintenant à ses palaces (il en avait acquis deux en plus du Grand Paris qui avait fait sa renommée). Chloé siégeait au conseil d'administration de l'entreprise hôtelière de son père et ils discutaient ensemble des stratégies à adopter. Par contre, elle avait peu de relations avec sa mère, même si elle ne manquait pas de confirmer, dans l'exercice de son activité professionnelle, qu'elle était bien apparentée à « l'impératrice de la mode ».

C'était Chloé qui avait convaincu Adrien de se soumettre à la demande de Gabriel. « Au moins, lui, il demande à te voir », avait-elle commenté. Venant de sa part, l'argument avait eu du poids. De son côté, Adrien se sentait redevable auprès d'Audrey Bourgeois qui avait permis à Marinette de faire de meilleures études qu'elle n'osait espérer et qui l'avait recommandée auprès de ses relations. Cependant, il ne pouvait que constater qu'elle était une mère déplorable. Elle ne semblait porter aucun intérêt à sa fille unique. Il mesurait combien cette indifférence était destructrice en analysant la manière dont Chloé tentait encore de la surmonter. Il devait bien reconnaître que le manque d'attention était un des rares reproches qu'il ne pouvait pas faire à son propre père.

Il était donc à 600 km de son domicile, à quelques minutes de revoir son père, alors que leur dernière entrevue s'était déroulée quelque dix-neuf ans auparavant. Et le pire, c'est qu'il avait l'impression d'être revenu adolescent, quand Nathalie lui faisait savoir que Gabriel désirait le voir et qu'il ne savait pas si c'était pour lui transmettre une bonne nouvelle ou l'informer d'une nouvelle restriction.

La demande d'un pèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant