Après l'épisode terrifiant du Roi Lion, je refusai pendant plusieurs semaines de regarder tout dessin animé ou de lire la moindre histoire, ce qui inquiéta rapidement mes parents : en temps normal j'adorais me plonger dans un livre ; c'était un moment délicieux le soir lorsque je me glissais dans mon lit. Mon père et ma mère interprétèrent ce changement de comportement comme ayant un lien vers mes crises de larmes. Je ne pouvais malheureusement pas les rassurer sans tout leur expliquer, ce que je me refusai à faire.Le pire dans tout ça était que la lecture représentait justement un moyen de m'évader, et ainsi de lutter contre ma mélancolie nocturne. J'étais donc en train de favoriser l'un pour éviter l'autre, ce qui n'était évidemment pas une solution très satisfaisante. Je finis donc par me raisonner, et décidai que lire était trop important pour mon équilibre personnel, d'autant que je ne me voyais pas ne plus ouvrir un livre de toute ma vie.
Un soir, je repris donc la lecture de ma saga préférée de l'époque, la Guerre des Clans, de Erin Hunter. On y suit l'histoire de plusieurs clans de chats qui luttent pour des territoires, s'allient, se déchirent ; un Game Of Thrones pour félins. C'est merveilleusement bien rédigé, cela se lit très facilement, et l'auteur a écrit tellement de tomes et de cycles qu'on en a pour des années avant d'en voir le bout.
Je repris le livre que j'avais commencé au tout début, n'ayant plus trop de souvenirs de l'histoire en cours, après ces semaines d'abstinence littéraire. Je lus les premières pages avec crainte, guettant les premiers signes de glisse. Je parvins à finir un premier chapitre sans que rien ne se passe, puis un second, et ainsi de suite jusqu'à ce que je décide d'éteindre la lumière et de m'endormir, rassurée. Les soirs suivants se déroulèrent de la même façon, si fait qu'au bout d'une semaine j'en oubliai presque le risque, et retrouvai le plaisir sans égal de dévorer un bon bouquin. Plusieurs semaines passèrent sans incident, et je repris même les dessins animés du samedi matin, au grand soulagement de mes parents. C'est d'ailleurs la première et dernière fois où ils furent rassurés de me voir scotchée à un écran.
Un soir cependant, alors que j'étais plongée dans un passage particulièrement passionnant de mon roman, je sentis à nouveau ce tiraillement de l'intérieur, que je reconnus immédiatement. Paniquée, je me levai de mon lit et courus dans la salle de bain m'asperger le visage avec de l'eau. L'impression de glisse reflua et je restai plusieurs minutes seule dans la salle de bains, tremblante devant mon miroir, à guetter un éventuel retour ; mais rien ne se produisit, et je retournai me coucher.
Je parvins ainsi à contrer plusieurs fois le phénomène, mais ceux-ci devinrent de plus en plus fréquents. Une pensée naquit alors : et si je me laissais faire ? Ne serait-ce pas une expérience extraordinaire que de se retrouver dans le monde créé par Erin Hunter ? Après tout, que risquais-je ? Il n'y avait pas de lion ou de loup pour me dévorer, juste quelques chats ; c'était un terrain d'expérimentation idéal. J'attendis alors, soir après soir, et lorsque l'impression de glisse s'empara de moi, je me laissai porter, malgré la peur.
Comme les deux fois précédentes, il n'y eut pas de tunnel de lumière, de choc ou de transition aucune : j'étais désormais dans une forêt, il faisait nuit, l'herbe était humide sous mes pieds. Ce n'était pas exactement comme je l'avais imaginé, mais c'était assez proche. Cela me fait penser que j'ai oublié de vous décrire le monde dans lequel j'arrive lors de mes glisses.
La première fois, souvenez-vous, il s'agissait d'une histoire qu'on me racontait ; la seconde, c'était un dessin animé, et ici un livre que j'étais en train de lire. A chaque fois, j'avais la même apparence lorsque j'intégrais ces univers. Par exemple, je n'étais pas dessinée dans le Roi Lion ; et le monde ne ressemblait pas exactement à celui que j'avais imaginé dans les deux autres récits. Cela me faisait la même impression qu'on peut éprouver lorsqu'on a lu un livre et que qu'on regarde son adaptation en film : certains détails sont différents, les personnages ne ressemblent pas exactement à ceux qu'on avait imaginés.
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Romane
FantasiRomane est une jeune fille de 15 ans. Très jeune elle va découvrir qu'elle possède le pouvoir d'entrer à l'intérieur des histoires qu'on lui raconte, des films et dessins animés qu'elle regarde, des romans ou mangas qu'elle lit. Tout en apprenant...