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— Tout ! je hurle soudain. TOUT dans ma vie va mal et toi, tu te plains de choses futiles ! Tu as une intelligence supérieure, de l'argent à ne plus savoir quoi en faire et on te fout la paix, personne ne t'embête ! Mais c'est sûr, c'est trop dur de vivre ça, mon pauvre. Eh bien, échangeons de vies ! Tu ne tiendrais même pas cinq minutes à ma place. Les cours auxquels je suis forcée d'assister sont longs, ennuyeux et inutiles, je n'ai plus d'amis depuis des mois et l'on m'insulte à longueur de journée ! Les railleries me suivent dans les couloirs du lycée et jamais ne cessent. Elles me détruisent intérieurement un peu plus chaque jour. Mes parents me mettent la pression quant aux études alors que je n'en ai rien à faire de ce foutu bac, je veux juste vivre, bordel ! Faire ce que je veux ! Mais je suis prisonnière ! Prisonnière des autres, de ce que l'on attend de moi, de cette fille que l'on voudrait que je sois. Et moi dans tout ça ? Je ne suis rien. Une pauvre ado même pas capable de diriger sa vie. Même pas capable de s'affirmer face aux autres !

— C'est parce que t'es si mal dans ta peau que tu fumes ? dit-il en se rapprochant de moi, le regard inquiet.

Je recule de quelques pas, en pinçant les lèvres. Il est, sans le savoir, en train de toucher une à une chaque corde sensible.

— Dégage, je murmure lorsqu'il arrive à ma hauteur.

— Tu peux me le dire, tu sais.

Il fait encore un pas en avant pour prendre mes mains dans les siennes, tel qu'un ami le ferait. Je les retire d'un geste brusque.

— Dégage ! je répète. Je ne veux pas te parler ! Je ne veux parler à personne. J'en ai marre...

Ma voix se brise, des larmes commencent à brouiller ma vue et, avant que je n'aie pu les refouler, j'éclate en sanglots. De les avoir trop longtemps retenues, je suis maintenant incapable de m'arrêter de pleurer. Un océan de désespoir me submerge soudain et je sens que je ne contrôle plus rien. Alors, dans un élan de détresse, je me rapproche de l'adolescent et laisse reposer ma tête sur son épaule. Je ne peux pas tomber plus bas dans tous les cas.

— Je n'en peux plus de ma vie, de tous ces gens au lycée, qui me haïssent et m'insultent... tout ça parce que j'ai un jour eu la mauvaise idée d'avouer à celle que je croyais être ma meilleure amie, que j'aime les femmes ! je chuchote, de façon presque inaudible.

J'étouffe un nouveau sanglot et me redresse. Je distingue à peine son visage mais son regard brille d'une compassion dont je n'ai pas l'habitude.

— Il n'y a pas de problème à être homosexuelle, finit-il par dire.

J'essuie mes joues d'un revers de manche.

— Ce sont les autres qui en font un problème. Pour ma part, je ne fais qu'aimer une personne humaine. En quoi est-ce si différent des hétéros ?

— Les gens ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas, de ce qu'ils jugent comme étant anormal par rapport à l'idée qu'ils se font de la normalité. Mais ce n'est pas vraiment de leur faute. Nous sommes tous un peu comme ça, pour des choses différentes.

— Mais s'ils ont peur, ça les regarde ! Je n'ai pas à subir leurs moqueries chaque jour ! L'amour, c'est simplement aimer quelqu'un, quelque soit son sexe ou le genre qu'il s'attribue. Nous restons des personnes, peu importe qui nous aimons. Alors il ne devrait pas y avoir de haine entre les différentes orientations sexuelles !

— Je suis d'accord, mais si tu ne peux contrôler les agissements des autres pour le moment, tu peux agir sur ce que ça te fait à toi.

— C'est-à-dire ? je demande, en reniflant bruyamment.

Il fourre ses mains dans ses poches.

— Si ce qu'ils disent t'atteint, c'est que tu as toi-même un problème avec ça. Peut-être que tu n'acceptes pas complètement ta sexualité, que tu as du mal avec le fait de te sentir différente de la majorité, ou bien que tu as peur de ce que peuvent en penser les autres.

La vie qui nous consumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant