Chapitre 5 : Vis pour moi

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~Premier jet ~


Un mois s'est écoulé depuis que Henne a découvert mon cancer, et autant de jours qu'il travaille depuis la maison pour garder un œil sur moi. Les remords l'habitent, quant à moi, je m'adoucis. Il me reste si peu de temps à partager avec lui que je ne veux pas le gaspiller alors je profite au maximum de lui.

Nous avons annoncé mon état de santé à ma famille, ça a été un coup de massue pour mes parents. Depuis, l'ambiance est morbide, ils essaient de sourire et d'être décontractés en ma présence, mais sans trop y être. Je suis aux portes de la mort et pourtant, j'ai l'impression que ce sont eux qui s'y trouvent. Nous ne possédons qu'une vie, et qu'importe le temps qu'il me reste, je ne supporte pas qu'ils marchent sur des œufs parce que je vais mourir. Je voudrais que tout soit comme avant, que l'on se voie dans la joie et la bonne humeur, qu'ils m'insufflent la force de vivre et d'aller jusqu'au bout du chemin en ayant profité au maximum. Mais, pour l'heure, j'esquive les visites.

Leur visage empreint de tristesse, de détresse, de pitié, de compassion, et j'en passe me cassent le moral. Tout ce que je veux voir ce sont leurs sourires, entendre leurs rires, j'ai besoin de joie dans mes derniers mois de vie. J'ai envie de me rappeler mon bonheur avec eux quand le ciel m'accueillera, mais ils ne le comprennent pas.

Pour ma part, je n'ai pas d'autre choix que d'accepter mon sort, c'est une fatalité. C'est pour cette raison que j'ai refusé le traitement proposé par le docteur Richard. Je préfère vivre libre quitte à le faire avec mes douleurs. Néanmoins, la mort m'effraie, je me demande s'il y a vraiment une vie après elle, ou si le néant m'accueillera. La deuxième option m'angoisse particulièrement, au moins avec la première, je garde l'espoir de retrouver les personnes chères à mon cœur dans une autre aventure. Alors je m'accroche à ça comme un naufragé s'agripperait à une bouée de sauvetage. J'ai également peur pour mes proches, peur de les laisser, peur que mes parents ne se remettent pas de ma disparition, peur que Henne ne refasse pas sa vie après moi. La peine que je vais leur infliger sans le vouloir et sans avoir le choix me terrorise. 

Mon couple est redevenu celui qu'il était, j'aurais aimé qu'il ne se détériore pas, parce qu'au final, mon mari est revenu vers moi à cause de la maladie. C'est tout ce que je ne voulais pas, mais je ne peux me passer de la tendresse et de l'amour que m'envoie, Henne, puisque c'est ce qui me maintient debout et m'aide à ne pas flancher.

Allongée sur le canapé, ma tête sur la cuisse de Henne, je somnole tandis qu'il caresse doucement mes cheveux devant une série. La sonnette retentit et me fait sursauter, il se lève et cale un oreiller pour remplacer sa jambe avant d'aller ouvrir.

— Dis donc toi, on ne te voit plus ces derniers temps ni au bureau ni à mes soirées. J'ai bien cru que tu étais mort ! s'exclame la voix condescendante de Lydia.

— J'ai d'autres chats à fouetter, tranche sèchement, mon époux.

— Ah oui ? Comme rester chez toi, devant la télé, toute la journée ? Tu ne viens même plus à la maison. C'est ta femme qui t'en empêche ? ricane-t-elle amèrement.

Je me redresse et me lève du divan.

— Henne agit comme il le souhaite, mais j'apprécie le fait qu'il passe moins de temps avec toi, asséné-je, dans son dos.

Elle se tourne vers moi, les sourcils froncés, puis son expression se transforme en dégoût.

— Eh bien ! Tu as une sale mine. Quel laisser-aller, Sihane. Tu me donnes à nouveau raison lorsque je dis qu'il mérite une femme chic qui ne ferait pas tache à ses côtés, répond-elle en me désignant de la main.

— Une femme comme toi par exemple ? Dédaigneuse, irrévérencieuse qui ne voit pas plus loin que le compte en banque ? C'est ça que tu prétends ?

Ton paradis sera mon enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant