TOUS LES EXQUIS DÉSASTRES DE CE BEL ENFER

XVIII - Coeur tendre.

Laura sourit. La dernière fois que quelqu’un l’avait fait sourire de la sorte remontait à plusieurs mois, lorsque Neda…

« Arrête de penser à elle. »

Ca remontait à plusieurs mois. Et à cet instant, Laura eut l’espoir que la fin de son supplice se rapprochait. Que Clémence puisse être une bonne personne, une femme faite pour elle. L’effet qu’elle lui faisait à présent n’était pas amical… loin de là. La belle brune commençait à espérer plus, et l’idée d’un renouveau lui faisait beaucoup de bien.

Mais parfois, le renouveau doit attendre. Le regard de Clémence glissa derrière elle, et son beau visage perdit de sa gaieté. Laura se retourna, et lorsqu’elle vit Neda se diriger vers elle, son coeur se serra. La nouvelle venue se stoppa devant elle. Elle releva le visage. Un visage pâle et fatigué. Elle était cernée et ses yeux rouges traduisaient eux aussi un manque de sommeil conséquent. La reine sans coeur éprise à son propre jeu, face aux conséquences de ses péchés.

— Laura ? Je voudrais te parler.

— Je vais vous laisser, fit Clémence.

— Non, reste, Clem. Très bien Neda, j’accepte que tu me parles. Mais pas en tête à tête.

Contre toute attente, l’indomptable adolescente hocha de la tête, d’un geste mou, résiné.

— Ecoute, je… Je viens te voir parce que tu as souffert, ou peut-être que tu souffres encore si tu es vraiment très longue à te remettre de… euh non, c’est pas ce qu je voulais dire. Bref.

Laura croisa les bras, attentive. Etait-ce son imagination ou elle tentait de lui faire des excuses ? Ca y ressemblait : Neda était mal à l’aise, le regard vers le sol, elle dansait d’un pied sur l’autre.

— Ce que je voulais dire c’est que tu ne vas peut-être pas très bien. Et c’est pas bien que tu sois pas bien. Et ton état actuel est provoqué par quelqu’un, et… c’est à cause de moi. Et donc, je me rends compte que ce que je t’ai dis n’était pas très malin, et euh… Je… je suis… venue pour dire euh, ça.

— Je ne suis pas sûre de comprendre, Neda. Tu peux me dire ça de manière plus claire ?

— Tu sais quoi ? Je vais partir. Oublie tout ça, je perds la tête et je ne sais plus ce que je raconte.

Laura eut envie de sourire. La fierté de Neda lui compliquait vraiment les choses. C’était mignon. Mais elle se remémora tout le mal qu’elle lui avait infligé et son amusement se dissipa. Non, ce n’était pas mignon. — Mais tu sais, tu en mets, du temps, à t’en remettre. Je sais que je suis attachante mais quand mê...

Les yeux incendiaires de Laura la firent taire avant qu’elle ne termine. Neda n’avait toujours pas sa langue dans sa poche, même dans les situations délicates. Elle tourna les talons et partit sans rien ajouter. La belle brune la regarda s’éloigner se rendit compte, encore une fois, que personne n’arriverait à la changer. Une partie d’elle fut rassurée par ce constat : son extravagance faisait beaucoup dans son charme, bien qu’elle l’empêtrait dans des situations impossibles.

Laura en vint à se demander si Neda était passée à autre-chose, si elle avait perdu de ses sentiments pour Théo. La carapace qu’elle s’était construite ne permettait aux autres d’avoir une quelconque hypothèse à ce propos. Par ailleurs, tenait-elle encore à Jade ? S’en voulait-elle pour ce qu’elle avait infligé à Charlie ? Et aurait-elle souhaité agir autrement avec elle ?

Elle savait qu’elle se posait trop de questions. Ce n’était pas bon pour elle : ça prouvait qu’elle n’arrivait pas encore à passer à autre-chose. Mais dans ce cas… pourquoi Clémence lui faisait cet effet ? N’était-ce pas une preuve qu’elle pouvait tourner la page ?