XI - Méfie-toi de tous.

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Les cours. Tout ce qui garantissait à Neda de la sécurité. Elle était prête à suivre bien sagement tous les cours du reste de sa scolarité, sans bavarder, se retourner, se déconcentrer ou déconcentrer les autres, dessiner les profs, râler, bouger. Elle était prête à rester focalisée coûte que coûte sur les cours tant que ça la protégeait des railleries.

Dès qu’elle sortirait de la salle, elle serait au centre de l’attention. Elle ne voulait pas avoir à savoir ce qu’on lui ferait subir cette fois. Mais la sonnerie avait retenti.

Elle se leva de sa chaise. Coeur lourd. Elle rangea ses affaires. Elle mit son sac sur son dos. Elle serra fort les poings pour intérioriser un maximum la panique qui la submergeait. Tout son être lui criait de rester là, à l’abri, dans cette salle. Mais elle sortit.

— Mais dîtes-moi, elle n’aurait pas grossi ? En même temps, elle n’a plus que la bouffe pour noyer sa culpabilité…

Neda avançait le plus vite possible, mais les couloirs bondés de monde ne lui permettaient pas de fuir.

— Mais ne critique pas, enfin ! Ca lui fait des belles fesses, de manger.

Elle donnait du coude pour avancer plus vite. On fulminait quand elle poussait les gens autour pour se frayer un passage. Elle avait la gorge serrée, elle manquait d’air. Les secondes ne passaient pas assez vite du tout pour une situation aussi oppressante.

Elle vivait tout au ralenti. Les pas des élèves contre le carrelage faisaient un bruit assourdissant. Les éclats de rire lui venaient comme une menace. Elle était paniquée, elle ne savait pas où donner de la tête. Etait-ce elle qui faisait rire les gens autour ?

Neda quitta enfin la marche unanime des élèves pour se réfugier dans un toilette. Elle allait toujours dans le même. Le dernier, tout au fond de la pièce. Celui qui n’avait pas de lumière et dans lequel personne n’allait. Neda aimait savoir que rien n’y était éclairé. Elle se sentait protégée, dans l’obscurité. Elle pouvait pleurer sans que personne ne la voit.

Elle pleura alors. Mais cette fois, elle pleurait trop fort. Elle n’arrivait plus à étouffer ses propres sanglots. Ses deux mains sur sa bouche n’arrivaient plus à contenir les cris de son coeur dans sa gorge.

— Il y a quelqu’un ?

Neda se tut du mieux qu’elle pouvait.

— Je sais que quelqu’un ne va pas bien. Je t’ai entendu. Sors, je peux t’aider.

— Laisse-moi.

— Neda ?

Les muscles de la brune se crispèrent. Elle n’avait pas fait attention au timbre de la personne qui parlait à une porte de toilettes de lycée.

— Oh non pitié, laisse-moi.

Laura soupira.

— Je comprends que tu ne veuilles pas me voir. Moi non plus, je n’ai pas envie de te parler. Mais je serais horrible de te laisser pleurer toute seule dans ces toilettes. Sors, explique-moi ce qui ne va pas.

Neda soupira sans chercher à être discrète. Elle essuya ses yeux d’une manche de son sweat, puis elle sortit. Pour se donner un peu de constance, elle croisa ses bras contre sa poitrine, un sourcil levé, le regard hautain.

— Et maintenant, tu compte faire quoi ? M’écouter déballer ma vie et pleurer avec moi ? railla-t-elle.

— Tu es une très mauvaise actrice. Neda, je le vois quand tu es mal. Tu n’arrives pas à remonter ton sourire, tes lèvres restent crispées.

— Qu’est-ce que ça peut te faire, que j’aille mal…? grogna-t-elle entre ses dents, haineuse. Tu m’as sortie de ta vie, à ce que je sache. Les millions d’amis en cartons qui te suivent comme des toutous t’ont lâchés ? Le fait que je sois rejetée des autres ne veut pas dire que j’ai besoin d’une quelconque présence, et encore moins si c’est juste pour servir de bouche-t…

TOUS LES EXQUIS DÉSASTRES DE CE BEL ENFEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant