Fucking good morning

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Neil









Je déteste l’été. La lumière, la chaleur, la mouvance : la joie, tout cela est à chier. L’impression de voir des sourires partout, dans chaque molécule d’air, m’horripile encore plus que l’idée de cohabiter à nouveau avec cette traitresse.

Quel est l’enfoiré qui a laissé cette fichue fenêtre ouverte, bon sang ––rideaux tirés à l’appui ?

Comme trop souvent, j’aurais une fois de plus voulu être amnésique, pour ne pas être en mesure de me souvenir d’un des nombreux détails désobligeants de ma vie merdique. Mais bien évidemment, ça c’est demander la lune au ciel, la vraie. Mon cerveau ne tarde donc pas à se remettre à jour après ce simple clic. Telle une boite de Pandore, il rend mille pour un. Bordel, je n’avais pourtant posé qu’une question, et me voilà à présent, acculé par une flopée d’évènements en guise de réponses : Non seulement je suis l’enfoiré en question, mais j’ai aussi bu comme un trou la veille, forcé sur le tabac, pris en renfort le viagra pour ma mille et unième nuit orgiaque. Résultat des courses, je suis rentré presque en rampant comme un serpent aveugle, semant un champ de bataille ma chambre. Puis, comme je la trouvais suffocante, j’ai titubé jusqu’à la fenêtre pour m’aérer les poumons, mais pas que… Mon estomac est passé à la caisse lui aussi, j’ai de ce fait gerbé par-dessus l’ouverture.

Fait chier, beurk !

Je comprends mieux l’arrière-gout de pourriture qui persiste dans ma gorge et cette haleine de caniveaux dont, même le plus gourmand des charognards serait rebuté. Me voilà fixé pour de bon, la bière ce n’est pas ma came. Pas plus que les vierges effarouchées, sans expériences ni plans de vie.

Pourquoi faut-il toujours que je ramène tout à cette conne ?

Pff, je ne suis pas gentil à ce point, pour me contenter d’un qualificatif aussi léger, non. C’est une salope, une sale garce, une trainée, une.... Cette femme-là m’a tout donné d’elle, pour tout me reprendre ensuite, mon âme en bonus. Tu parles d’un intérêt colossal ! Elle m’a rendu aussi sec qu’un squelette, mais plus que ma chair, c’est de mon sang dont j’ai été vidé, après une brusque et méchante rupture de l’aorte. Je n’aurais pas un égo aussi gros que le soleil, que je m’avouerais enfin cette évidence : elle m’a tué et là tout de suite, je suis en décrépitude. Mais ça jamais ! Hors de question de me morfondre dans mon coin quand cette connasse continue de jouer les allumeuses sur les podiums partout dans le monde.

Putain, c’est décidément une journée de merde…

Comme si le puit dans mon cœur ne me siphonnait pas déjà suffisamment d’énergie, il fallait encore que je tombe sur ça. Le couple de l’année. Que dis-je ? Du siècle, et ce ne sont pas tous les discours moralisateurs de ma mère qui viendront dire le contraire. Pourtant malgré la douleur pulsatile dont la source loge dans ma cage thoracique, je ne peux m’empêcher de boguer sur l’image. Mon frère encore en train de bouder ––Dieu sait pourquoi––, et elle qui se fait toute petite à essayer de le rassurer, à coups de mimiques et caresses tendres. Ils sont si beaux ensemble, c’est fou. C’est surtout frustrant de voir à quel point une femme peut en aimer un autre, quand la vôtre s’est contenté d’être une michtonneuse de première.

Alors non, je ne le cache pas, j’ai le cœur gros et la gorge sous les roues, à chaque fois que je pense à toute la chance qu’a mon frère. Le mal est tel que je n’arrive même plus à le lui cacher : je l’envie au point de le haïr certains jours.

Oh merde !

Trop tard pour me cacher derrière le rideau, Holy et ses supers dons de vigilances m’ont déjà repéré. Elle le fait remarquer à Sinclair qui s’empresse de l’imiter en m’envoyant un salut aussi grand que leur joie commune, que la tristesse dans mon âme. Salut auquel je réponds sombrement en hochant la tête, avant de cacher ma honte derrière le rideau de velours que j’étais justement venu tirer, afin qu’il me soit épargné tout le bonheur des autres.

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