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Girl conversation (2)

Danaé

Encore une journée sans fin. Sans passion, sous la houlette du contrôle, de la retenue et de mon éternelle compagne la solitude.
Comme j’aimerais être ailleurs… Sur la scène par exemple, là où tous les projecteurs sont braqués sur moi, me donnant illusion d’être la plus aimée du monde. Le mensonge de la part d’inconnus est supportable. L’indifférence de l’entourage est immangeable, pour ne pas dire qu’il s’agit du pire plat offert à ce banquet qu’est la vie. Infect, voilà ce dont il en retourne.

La nature a horreur du vide, c’est bien connu. Eh bah, je suis comme elle, incapable de ne pas en faire partir, malgré tous les efforts consentis. Malgré le fait que j’essaie, et essaie, chaque jour un peu plus que la veille, de ne faire plus qu’une seule et même matière avec le néant. Un échec total que s’empressent de venir combler tous mes monstres. Il y a longtemps qu’ils ont quitté le bas de mon lit. Coriaces, ils n’ont même plus peur de la lumière, alors je ne sais même pas quoi dire à maman, ni à personne d’autres d’ailleurs pour qu’une aide me soit apportée. Ça fait d’ailleurs si longtemps que je suis hantée, que je ne sais plus faire la différence. Je sais même plus à quoi je ressemble loin de mes maux. Suis-je même malade ?

Mes yeux constamment remplis de larmes me disent que oui. Mon nez bouché au-dessus de ma gorge serrée la nuit, me le confirment oui. Je suis malade du cœur. Il souffre de carence. Il suffoque de manque. L’erg est glacial, mais pas apaisant pour autant, alors il brûle. L’amour m’a quitté. L’amour m’a blessé. À ma porte l’amour refuse de s’arrêter. Alors oui, je suis malade. Pénurie d’amour, maladie difficile à soigner. Ça fait si longtemps, le trou doit-être géant maintenant. Il doit être trop tard pour le remblayer à présent. Est-ce pour cela que mon éternité est un tourment ? Est-ce pour cette raison que rien n’est jamais suffisant ? Est-ce la raison pour laquelle j’en fais trop et tout le temps ?

Je ne trouve pas de réponses. Née sous cette étoile trouble, je suis condamnée à ne jamais trouver la guérison. S’il est prescrit à tout être humain un destin, je crois que le mien je l’ai connu au premier regard : le sol sous mes pas, le vide me prenant dans ses bras, et pas ma maman. On a bien voulu le changer, mais à peine j’ai eu le temps de trouver l’amour dans le sourire de ma mère adoptive Geslène, qu’elle m’a été enlevée, la solitude m’a rappelée. Bien sûr il y a Armony, seulement elle a son mari, Dwight, Hervey, Faye et Holy aussi, quand le creux à combler dans mon cœur est immense. Si grand que même la foule de fans ne suffit pas à le combler. Si absorbant qu’il fait fuir tous ceux qui s’en approche dans l’individualité.

Pour preuve, Hervey m’a remplacé, Mark m’a sous classée et Neil m’a simplement effacée. Rien ni personne ne suffit, personne ne reste. Je suis maudite, maudite, maudite.
Et encore et toujours, je suis allée vers lui. Aujourd’hui comme hier, je me suis dirigée vers le vide, j’ai tourné, je l’ai embrassé. Seule la moitié de la journée, je me suis rabattue sur ce que j’ai de mieux, mon art.

Dwight m’a dit un jour qu’il me fallait donner au public du vrai pour le toucher, alors depuis je diffuse du vide, explose ma rage dans chaque pas de danse, désespérant de ne jamais lui donner de coup assez puissant pour le faire reculer. Lorsque je suis sur scène, ou me le figure, l’espace d’une seconde je règne, tel que je l’ai toujours espéré. C’est le seul endroit où je sais quoi faire pour perdurer. Là-bas, je n’ai qu’à me tenir debout. Toujours répondre présente. Tomber et me relever à la seconde. M’agiter, vibrer, repousser le vide vers le reste du monde. Chanter ma tristesse, mes amours perdus, murmurer mes défaites et hurler mes faux espoirs sur les cris d’approbation. M’entendre dans leurs voix, autant qu’ils se reconnaissent dans mes mots et maux. L’espace d’une seconde, j’ai l’impression que je ne suis pas seule. Normal, je ne les connais pas, il est facile de m’incarner en eux lorsque dans mon esprit ils n’ont pas vraiment de formes, de visages, ni de noms.