Prologue

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Kako

Elle me manque, même si je ne l'ai jamais réellement connue. Ma mère me manque. Je comprends tout, désormais, et je suis immensément triste pour l'existence qu'elle a eue. Triste, pour la jeune fille qui a vu tous ses rêves lui être arrachés. J'aurais tellement voulu la rendre heureuse, aujourd'hui.
Cependant, elle doit sans doute l'être à cet instant. Entre les mains de Dieu et loin des miennes. Mais qui sait ? Peut-être qu'un jour, nous nous reverrons ? À ce moment-là, je m'installerai dans un coin avec elle, et je lui conterai toute ma vie, même si de là où elle se tient, elle doit sûrement garder un œil sur moi. J'aime à croire que c'est le cas.

Néanmoins, à ce jour, c'est pour une autre personne que je nourris tant de regrets ; Éléna. Après ma mère, je déplore désormais la fille que je sais être la femme de ma vie. Cependant, je ne peux rien faire. Je me dois de la laisser s'éloigner de moi. Il le faut. Elle a déjà assez vu et vécu d'horreurs. Après tout ce qui vient de se passer, je ne veux pas qu'elle reste auprès de moi aux risques de mettre, à nouveau, sa vie en péril.
Les galères avec le club semblent derrière nous. Néanmoins, notre style de vie est dangereux et personne n’est à l'abri du danger. Ce n'est pas comme si nous voulions l'éviter, nous aimons ça. Nous aimons prendre des risques, régler des conflits, établir des plans stratégiques, nous cogner dans un ring ou dans la rue... Nous sommes tous des têtes cramées d'enfoirés de bikers et fiers de l'être.
Nos couleurs couvrent notre peau, mais pas seulement, elles se sont également insinuées en nous, jusqu'à notre âme. Une fois que nous y avons mis les pieds, nous n'en ressortons plus. Pas parce que fuir c'est mourir en se foutant le club à dos, mais parce que c'est là, ancré au plus profond de notre cœur et que notre devise résonne en nous à chacun de ses battements : « Hell's un jour, Hell's toujours ».

Aujourd'hui, même en regardant le bateau qui éloigne ma Léna de moi, je ne peux me résoudre à détester mes choix et haïr mon club. Ce sont les aléas de la vie, et dernièrement, ils m'ont fait ouvrir les yeux. Je suis trop malsain pour elle. Je suis le gars qu'aucun parent ne souhaite pour sa fille. Celui qu'ils craignent tous, qu'un jour la prunelle de leurs yeux puisse ramener chez eux. Et je suis d'accord avec ça. 
Bien que nos familles soient similaires, je ne peux rester dans sa vie. Je préfère la savoir loin de moi, et vivre une vie paisible grâce aux siens qui sauront comment la réconforter et lui rendre à nouveau le sourire. Je sais pertinemment que les premiers mois, tout comme moi, elle n'ira pas bien. Cependant, je compte sur le temps pour lui effacer sa peine et lui permettre de se reconstruire une nouvelle fois, mais loin de moi.
Ça me crève le cœur et j'ai envie d’hurler en me déchiquetant la peau à mains nues, mais je me fais une raison. Je comprends combien aimer est merveilleux — la plus belle des choses sur terre — mais j'apprends la dure leçon qu'est son revers de médaille : la douleur.
Au fur et à mesure que l'embarcation prend de la vitesse, en s'éloignant de la côte et ne me laissant voir qu'une vague silhouette crier sa peine, en tendant une main vers moi, je souffre un peu plus. Je me maudis de l'abandonner, même si ce n'est que pour lui offrir la chance de trouver, un jour, quelqu'un de meilleur que moi.
Cependant, c'est comme si elle emportait avec elle, mon cœur, mon âme, moi tout simplement. Sans elle, je n'existe pas, je ne suis que l'enveloppe d'un homme. Tout ce qu'il y a à l'intérieur est resté auprès d'elle. Mais je dois tout faire pour continuer à avancer. Mon chemin sur cette terre est loin d'être arrivé à son terme, alors je prends une grosse goulée d'air iodée de la brise marine, caressant mon visage, et me détourne en m'éloignant, à mon tour, de ce qui me rendait le plus heureux des hommes. 

Hell's bikers T.6 - Kako (Sous Contrat D'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant