Elle le regardait avec des yeux de feu, ses cheveux volaient au vent comme des flammèches éthérées. Il ne distinguait pas les contours de son corps, ne voyait pas son visage avec netteté, ni n'était capable de dire si elle était grande, petite, proche de lui ou lointaine. Tout était flou à l'exception de l'incandescence de ses pupilles ambrées et du souffle lancinant qu'elle expirait par la bouche. Il avait l'impression qu'elle l'attirait à lui, que ce bruit d'aspiration inhumain témoignait d'une force qu'on ne pouvait contrer. Seule une émotion intense guidait sa psyché, une émotion irréelle, dominée par une excitation sexuelle irrésistible qu'il ne parvenait pas à expliquer et qui engloutissait toute sa volonté.
Elle ouvrit plus grand la bouche, le son se fit plus aigu, il se laissa porter par cette litanie indescriptible, s'offrant aux vibrations qui s'emparaient de son libre arbitre. Il n'avait pas conscience de marcher, son âme glissait vers la femme aux yeux de lave. Son visage se précisa, il l'observa et fut médusé. Il contemplait le regard inimaginable d'un dieu.
Bien que l'aspect déstabilisant de ses traits lui inspirait une peur instinctive, il se surprit à penser qu'elle était le plus bel être qu'il ait jamais vu. De longs cheveux ambrés flottants autour de son crâne en un halo lunaire, le teint immaculé d'une statue, une bouche rouge sang, prête à dévorer la vie.
Elle écarta les bras en penchant la tête de côté, dévoilant un cou de porcelaine marbré de veines fluorescentes. Son souffle mua en un cri aigu hypnotisant. Ses yeux s'assombrirent telles deux pierres d'obsidienne avant de reprendre leur éclat de rubis, sa peau devint translucide et scintilla comme si des milliers d'étoiles brillaient entre ses organes.
Il ne put résister à l'envie de toucher son corps, et brûla de vivre l'union de leur chair. Ses mains glissèrent sur ses formes galbées, sentirent la texture parfaitement lisse de cette peau striée de veines violacées. Il caressa ses épaules, son dos, le creux de ses reins, ses seins et agrippa ses fesses avec appétit. Elles étaient bouillantes.
Il se rendit compte qu'il était nu et cela lui sembla normal. Elle aussi était nue. Ses pupilles flamboyantes irradiaient tels des soleils captifs de ses orbites, deux iris de magma qui l'aveuglaient et dont il ne pouvait détourner le regard.
Leurs corps s'enlacèrent. Il fut traversé par une puissante vibration venant de son bas ventre alors même qu'un vent glacial lui sifflait dans les oreilles. Leurs bouches se soudèrent sans qu'il ait pu agir ou résister. Il crut que son cœur allait cesser de battre, que tout son être avait disparu, qu'il n'était plus qu'une boule de chaleur piégée dans le temps gelé.
Il l'embrassait et l'embrassait encore, savourant le gout subtil de ses lèvres humides. Il ne pouvait se défaire de cette fusion des corps, s'enivrant des bruits de succion que leurs échanges de fluides provoquaient.
Sa bouche devint brûlante, les lèvres de la femme-dieu pareilles à des braises ardentes, il souffrait, sentait le feu consumer son visage dans une odeur de chair calcinée, mais sans qu'il ne comprenne comment cela fut possible, son excitation demeurait trop intense pour qu'il puisse s'extraire de ce brasier charnel. Alors il continua de l'embrasser, ressentant la douleur autant que l'orgasme naissant, tandis que les mains de la femme s'enfouissaient dans son cuir chevelu et lui massaient un moment l'arrière du crâne avant de l'enserrer avec vigueur.
Elle l'inonda de ses baisers de feu, pressant sa tête vers la sienne, l'immobilisant de ses doigts allongés qui grandissaient comme les branches d'une plante maléfique et se mirent bientôt à recouvrir ses oreilles, son cou, ses yeux. Des griffes de démon, des serres de harpie, qui se déployaient à une vitesse inquiétante et finirent par former comme une cage osseuse autour de sa tête.
Elle comprima ses seins contre son torse, ses mamelons le brûlèrent aussi violemment qu'un fer rouge. Elle plongea sa langue dans sa gorge, et elle s'étira également, comme un serpent se faufilant dans un terrier. Un bruit horrible monta à ses oreilles, pareil à un sifflement et au souffle rauque d'un félin, il sentit les doigts noirs et squelettiques pénétrer l'arrière de son crâne, percer son cuir chevelu, briser ses os. Sa tête lui fit mal, sa bouche le brûlait, il eut l'impression qu'un étau allait lui éclater la cervelle.
Il chercha à se libérer de cette emprise, mais c'était impossible, il n'avait plus aucune force ni aucune volonté, son corps était inerte, aussi impuissant qu'un morceau de viande sur le point d'être dévoré. Tout plaisir avait disparu, il ne ressentait que de la gêne, de la douleur, et de la peur. Il vit les yeux rouges briller à nouveau alors que la pression sur son crâne s'intensifiait, alors qu'il sentait les griffes pénétrer son cerveau.
Il suffoquait, incapable de respirer avec cette langue gigantesque qui se répandait en lui. Il voulut crier, mais aucun son ne sortit de sa bouche, il manquait d'air, il étouffait. Il tenta de la repousser, mais ses mains restèrent immobiles, soudées aux fesses blanches et torrides de la femme de feu. Des larmes coulèrent le long de ses joues, il essaya de secouer la tête pour se libérer de l'emprise démoniaque qui avait investi son corps, et soudain, il se sentit tomber d'une hauteur vertigineuse.
Michael ouvrit les yeux, tout était noir ou gris autour de lui, des ombres plus ou moins denses découpaient des formes abstraites dans sa chambre qu'aucune lumière sinon la faible clarté de la lune ne permettaient d'éclairer. À travers la fenêtre, les branches qui s'agitaient au-dehors ressemblaient à des griffes. Il entendit le vent siffler, un son long et étiré comme une complainte venant de l'abîme des temps.
Il avait le cœur haletant, le cauchemar encore très net à l'esprit, c'était horrible, il porta sa main à sa bouche, le souvenir de cette langue répugnante toujours prégnant. Il aspira une grande goulée d'air, comme pour se convaincre que tout cela n'avait rien de réel, et que son corps n'avait pas été souillé.
Il se sentait épuisé, il n'en pouvait plus d'être hanté par ces cauchemars incessants. Il fallait que ça s'arrête. Il resta un long moment immobile dans son lit à fixer son plafond dans la pénombre, espérant pouvoir se rendormir.

VOUS LISEZ
Entre deux mondes
VampirosMichael Hales rêve de découvrir New York. Lors de son travail de serveur au Dolphin Hotel, à Southampton, le port international de Londres en 1957, il ne cesse d'envier les marins qu'il croise, alors en escale entre deux embarquements. Il aimerait r...