Chapitre 2

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Quelques jours s'étaient écoulés, toujours rythmés par cette solitude infernale, interminable, angoissante...

Pierre était maintenant résolu à accepter les conseils de son ami et à essayer de voir du monde, de faire de nouvelles rencontres bien qu'il doutait en avoir l'occasion et l'envie réelle. Et puis, il pensait inlassablement qu'à son âge, il n'attirerait plus autant les regards que dans sa folle jeunesse. Y avait-il des hommes célibataires qui comme lui cherchaient un autre homme ? C'est ainsi que, refoulant sa crainte de se faire passer pour un idiot, il avait décidé de quémander quelques informations auprès de Maxime.

— Là, tu vois, chef, c'est pas sorcier ! s'exclama joyeusement son collègue. Il te suffit d'entrer tous les renseignements nécessaires, de préciser tes préférences pour que l'application te propose les profils qui correspondent au tien et le tour est joué !

— Il faut que je mette ma tête sur ce truc ? demanda Pierre, bien que la réponse fut évidente.

— C'est quand même mieux ! Et puis surtout, ne colle pas la photo d'un Dieu grec à ta place, ça ne servirait à rien. En cas de rencard, on voit de suite que la personne s'est foutue de notre gueule.

— Je ne sais pas si ça pourrait vraiment attirer quelqu'un de voir mon visage...

— C'est sûr que si tu fais cette tête, nota Maxime avec un sourire. Faudrait peut-être penser à faire risette de temps en temps !

Le chef leva les yeux au plafond avant de forcer un sourire qui s'avérait plutôt être un rictus. Il n'était plus vraiment habitué. Il n'avait plus personne à qui en offrir quand il partait le matin et encore moins le soir lorsqu'il rentrait seul chez lui.

— En fait, le naturel, c'est mieux. Là, tu fais flipper ! ricana Maxime.

— Laisse couler. C'était une très mauvaise idée. En plus, qu'est-ce que je pourrais bien mettre dans la partie où il faut se décrire ? marmonna Pierre.

— Moi, je sais ! Ce serait un truc de ce style : « Ne vous fiez pas à ces lèvres incapables de sourire. Même si mes collaborateurs me surnomment Grincheux, je suis au fond un cœur tendre, romantique à souhait et qui a besoin d'un peu de chaleur humaine pour finir sa vie »...

— Attends... Vous m'appelez vraiment Grincheux ? s'offusqua le cuisinier. C'est pas cool !

— Ah, euh... Oups ? Non, mais en fait c'est affectueux. On t'adore, chef ! C'est vrai, t'es un vieux râleur sauf qu'on sait parfaitement qu'en réalité, t'es une grosse guimauve !

— Tu te rattrapes tout en t'enfonçant, Maxime. Me traiter de vieux râleur ne va pas t'aider.

Néanmoins, un véritable sourire, presque imperceptible, avait pris vie sur les lèvres du chef cuisinier. Maxime était jeune, il aurait pu être le fils de Pierre s'il en avait eu un, mais c'était aussi, avec Rémy qui n'était pas encore là, une des personnes avec qui il s'entendait le mieux sur son lieu de travail. 16Le jeune homme était débordant de vitalité, blagueur et sa bonne humeur motivait les troupes plus que l'éternelle moue boudeuse du cuistot.

— Tu sais que tu es mon chef favori ?

— Ouais, c'est ça. Espèce de lèche-cul ! s'amusa tout de même Pierre.

— Sans vouloir t'offenser, ton cul n'est pas du genre de ceux qu'il m'intéresserait de lécher.

Un gloussement timide les fit lever la tête, tuant dans l'œuf l'éclat de rire que Pierre s'apprêtait à laisser s'échapper. Pour la première fois depuis des mois, il se mit à rougir, embarrassé que quelqu'un ait pu entendre leur conversation.

Décrocher Son Étoile [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant