Chapitre 3

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Le service du soir avait été bien plus épuisant que le précédent. La cuisine était sans cesse en mouvement, ne laissant aucun répit à ses occupants. Toujours concentrés, rapides comme l'éclair, les employés coupaient, cuisaient, dressaient les assiettes... le tout dans un rythme endiablé qui ne faisait pas peur à Alexandre, plutôt euphorique quand cette première journée de travail toucha à sa fin.

Il n'avait en réalité pas fait grand-chose. Comme on le lui avait dit, il s'était contenté d'observer le fonctionnement bien rodé de l'équipe, avait aidé lorsqu'on lui avait demandé de le faire et il avait adoré chacune des secondes passées au restaurant. Se replonger dans le travail lui procurait un bien fou. Il s'était senti utile. Il n'avait plus au fond de lui cette désagréable sensation de ne servir à rien, de ne plus avoir de valeur. Ces quelques heures lui avaient permis de regagner un peu d'estime de lui-même, lui qui s'était senti nul et bon à rien quand il s'était retrouvé sans emploi et sans compagnon. Mais ce n'était pas le moment de retomber dans la déprime. Il était satisfait et heureux de ses débuts à L'étoile de Paris.

Pierre s'était contenté de le regarder de loin pour ne pas lui imposer la pression d'avoir le chef sur le dos dès le départ. Il se sentait confiant quant à l'avenir d'Alex ici. Même si ce dernier s'était montré légèrement empoté quand son supérieur se trouvait trop proche de lui, dans l'ensemble c'était une bonne décision de lui avoir donné sa chance. Pour l'instant. Il fallait voir ce que cela donnerait quand les choses sérieuses allaient débuter. Le lendemain, il aurait déjà plus de responsabilités.

— Alex ! héla Maxime. Ça te dirait de venir boire un verre avec nous pour décompresser et faire plus ample connaissance ?

Dans les vestiaires, en train de revêtir ses habits, le principal concerné s'étonna de cette demande. Positivement. Est-ce que ça voulait dire qu'il l'avait déjà adopté ? Alexandre était touché par l'invitation. Il savait que se faire de nouveaux amis parmi ses collègues était parfois difficile. Surtout lorsqu'on prenait un nouvel emploi. À vrai dire, seuls Maxime et Rémy s'étaient de suite montrés amicaux envers lui. Deux jeunes hommes proches de la trentaine qui avaient sûrement mieux à faire que de passer du temps et se montrer gentils et polis avec un cinquantenaire. Il avait très envie d'accepter, ils le méritaient après avoir été aussi agréables avec lui. Malheureusement, c'était impossible.

— Oh... C'est adorable de votre part, vraiment, mais je suis désolé. Je ne peux pas.

— Tu as quelqu'un qui t'attend à la maison ? demanda à son tour Rémy, qui ne loupa en rien Pierre qui s'était redressé pour écouter.

Cette question n'était pas sortie par hasard. Ils sauraient de suite avec son complice si leur mission Cupidon allait être prématurément avortée ou non. Alexandre appréciait le fait que Rémy n'ait pas dit « une femme qui t'attend ». Parce que c'était toujours ce à quoi les gens pensaient. Car pour la majorité, c'était sans doute plus logique qu'un homme rentre chez lui pour se fondre dans les bras de sa femme. Lui, il trouvait ça ridicule. Il n'y avait à son sens aucune logique, aucune norme en amour. Il s'était tué à le répéter. Combien de fois avait-il fait face à des yeux incrédules à l'époque où il avait annoncé que c'était plutôt un homme qui attendait bien sagement son retour ?

— Non... Personne ne m'attend, soupira-t-il. Je suis seul. C'est juste que...

Le problème était tout autre. Alexandre aurait voulu que ce soit le cas. Cependant, il ne pouvait pas avouer à ces petits jeunes souriants et pleins d'attentes qu'il n'avait absolument pas un centime en poche. Il avait bien trop honte.

— J'ai... En fait, je n'ai pas...

— Chef, tu viens ? interrogea Maxime en se tournant vers Pierre.

Décrocher Son Étoile [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant