Ⅳ) FUIR (Ⅳ

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Aujourd'hui, premier mercredi de juin.
Le jour fatidique où la date avait été fixée...

Aujourd'hui, Yamaguchi, c'était le jour où tu quitterais définitivement notre monde.
Aujourd'hui, c'était le jour de ton enterrement...

Sûrement beaucoup de gens se seraient attendu à me voir y aller, mais non.
Je n'avais simplement pas la force...
Il était encore trop tôt pour que je puisse te dire au revoir.

J'avais passé la majorité de la journée à regarder le plafond de ma chambre, les yeux dans le vide.

J'ai fini par vouloir fuir.
Les nerfs tendus, j'enfilai un survêt et des baskets, attrapa mon casque et sortit en courant.

Je slalomai au hasard entre les rues, la seule chose qu'il me fallait était m'éloigner de tout...
Ma tête était rongée d'idées noires, mon coeur pesait au fond de ma poitrine et les pensées se bousculaient de manière hallucinante.

Tout ce dont j'avais besoin était d'une pause, rien qu'un instant, même minime, même la moindre seconde...

Arrivant presque à bout de souffle après de longues heures à courir sans réfléchir, je fini par ralentir mon rythme, puis complètement m'arrêter.

Reprenant doucement ma respiration, je regardais l'endroit que m'entourait, et visiblement j'étais perdu...

Calme à nouveau, je finis par avancer en direction du parc à proximité.
Les pieds traînants, les yeux humides, je savais ce que je voulais à présent.

Bien sûr, je voulais y aller. Je voulais te voir une dernière fois, te dire au revoir avant que ça soit plus que trop tard.

Mais je doutais réellement du fait que j'en sois capable...
C'était encore bien trop tôt à accepter, et je continuais pathéthiquement à me convaincre que rien n'était vrai...

Oui, c'était simplement impossible.
Perdre ce qui m'était de plus précieux au monde était impossible.
Ça l'était, n'est-ce pas...?

À présent que tu étais parti, je me sentais tellement, monstrueusement, mortellement vide, dénudé, et si seul...

À me noyer de nouveau dans mes lamentations, je n'avais même pas remarqué à partir de quel moment j'avais commencé à pleurer, une centième fois de plus et indéfiniment.

Me donnant mentalement une bonne grosse gifle, je serrais les poings et les dents, prenant une grande bouffée d'air.

Finalement décidé à y aller, plus sur un coup de tête que par pure envie, je repris ma course, avançant en direction du seul lieu auquel j'avais à me rendre.

Il y a avait un certain nombre de voitures garées le long des grilles, séparées en deux colonnes par le portail grand ouvert. À l'intérieur se serraient plusieurs personnes, chacune vêtues des couleurs sombres dédiées à l'événement.

Je reconnaissais les cheveux grisonants de Sugawara, le chignon de Azumane et les larges épaules de Sawamura, tous trois accompagnés par la jolie chevelure ébène de Shimizu, alors qu'un mouvement de foule les faisaient se diriger vers moi, sans pour autant me remarquer.

En fin de compte, n'était-ce pas plutôt lâche de ma part, d'avoir refusé de venir, alors que eux mêmes, nouvellement diplômés s'étaient donnés la peine de te tenir compagnie...?

Visiblement, la cérémonie venait de se terminer. Un à un, les invités traversaient les grilles, rendant au cimetière son calme morbide. Alors que mon regard croisait avec peine celui de mes anciens coéquipiers, je me suis tué en direction de là où venait le groupe.

Arrivant à tes pieds, dans ce tombeau fraîchement refermé, j'écrasai mes poings contre la pierre froide. Je ne sais pas si je les avais criés, mais j'espérais tout de même que d'une manière ou d'une autre, tu entendes ces mots.

"Je t'aime, abruti de Tadashi !"

Et bordel, qu'est-ce que je m'en voulais. J'aurais dû te les adresser quand tu étais encore en vie...

Ton corps contre mon cœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant