Retour sur Anima

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Ophélie sortit du miroir, sa mère était là et l'attendait d'un air renfrogné. Roulée en boule sur le lit d'Ophélie, l'écharpe ne semblait pas surprise de cette scène, elle resserra ses anneaux et se rendormit. Il commençait à faire jour, le soleil se levait à peine, ses rayons commençaient à illuminer la chambre où Ophélie a grandit, cette chambre qu'elle avait quitté à regret pour le suivre il y a maintenant 6 ans. Aujourd'hui, elle donnerait tout pour quitter de nouveau cette chambre et le retrouver. Hector, son petit frère avec qui elle partage sa chambre, n'était plus dans le lit du dessus. Lui, qui est pourtant toujours le dernier levé, était déjà debout.

Ophélie ne savait même plus combien de traversées de miroirs elle avait fait cette nuit, ni toutes les autres nuits précédentes. Passer les miroirs devenait pour elle un automatisme, toutes les nuits, toujours en silence, pour ne pas réveiller son frère, et pour qu'il n'alerte pas leurs parents, enfin, surtout leur mère. Ophélie leur avait promis d'arrêter toutes ces traversées incessantes, elle s'arrêtera bien un jour : le jour où elle le retrouvera. Les miroirs avaient beaux être cachés, enfermés, supprimés, Ophélie en trouvait toujours un pour tenter à chaque fois une dernière traversée.

Des dernières traversées, il y en avait eu des tas, plus personne ne l'a croyait quand elle disait cela. Au moindre miroir, à la moindre surface assez polie, Ophélie s'y jetait. Elle ne réfléchissait pas à un endroit en particulier où atterrir, elle s'y jetait en ne pensant qu'à lui. Elle allait de miroir en miroir, arrivait dans des miroirs qu'elle n'avait jamais vu auparavant, et allait de plus en plus loin. Son pouvoir d'avant, lui permettait qu'un passage entre deux miroirs qu'elle avait déjà vu et sur une courte distance, aujourd'hui, elle arrive à ressortir dans n'importe quel miroir existant, même à l'autre bout du monde. Et, faire ses traversées sans réfléchir, la faisait ressortir dans des miroirs aléatoires, mais jamais là où il se trouvait. C'était devenu sa seule raison de vivre, elle devait le retrouver, et s'il fallait passer dans tous les miroirs du monde, elle le ferait.

Sa mère garda les mains sur les hanches durant quelques minutes en regardant Ophélie se tordre pour sortir de ce miroir trop petit pour elle. Elle l'a regarda puis soupira d'un air triste:

- Le petit déjeuner est prêt, viens, tout le monde t'attends.

Ophélie baissa les yeux, incapable de regarder sa mère en face. Elle se rendait bien compte que cela faisait trop longtemps qu'elle passait de miroir en miroir sans jamais tomber sur le bon. Elle passait ses jours et ses nuits à essayer de le retrouver. Elle ne le retrouverait peut-être jamais, cette seule pensée lui noua la gorge. Sa famille n'avait rien dit, mais elle sentait bien dans leurs regards, leurs paroles douces et mielleuses, qu'eux, n'avaient plus d'espoirs. Ils évitaient tous le sujet, ne pas parler mariage, ni du Pole, ni de tout ce qui pourrait faire penser à lui. Ophélie, elle, ce n'était plus de l'espoir, elle devait le retrouver coute que coute, c'est tout ce qui lui importait. Elle repensait tous les jours, toutes les nuits, à ces bras qui sortent du miroir pour étreindre l'Autre avant de disparaitre et de refermer derrière lui l'unique passage. Ces bras là ne l'avait plus étreint depuis trop longtemps, et cela agrandissait un trou déjà énorme dans son estomac. Elle devait le retrouver !

Ophélie prit son écharpe avant que sa mère ne lui attrapa le bras et la traina à l'étage du dessous jusqu'à la table où le petit déjeuner était déjà servi. Elle pris une chaise en repoussant doucement Andouille qui s'était assoupit dessus, le gros chat roux alla s'installer plus loin sur un coin de canapé. Ophélie s'installa à la seule place libre, toute la famille était déjà installée. Elle savait que Hector ne l'interrogerait pas sur ses traversés nocturnes, M. Dis-Pourquoi ne lui posait plus jamais de questions, ce qui n'est pas le cas d'Agathe, ni de leur mère. Mais aujourd'hui aucunes questions, personne pour lui dire qu'il fallait qu'elle passe à autre chose, rien, juste un silence gêné. Ophélie sursauta au moment où sa mère laissa tomber près de son bol, un exemplaire de la gazette, elle avait troqué son regard maussade contre un regard un peu plus énervé. Ophélie avait à peine le temps de lire le gros titre que son père le lui prit rapidement des mains, et lut d'une voie forte un article sur la floraison des mimosas. Tout le monde savait qu'une nouvelle fois, le journal parlait d'une mystérieuse jeune femme, brune avec de long cheveux tressé en une grande natte, et de grandes lunettes rondes. Cette mystérieuse passe-miroir qui sortait de votre miroir, sans prévenir, à toute heure du jour ou de la nuit. Un homme témoignait, et racontait comment il s'était retrouvé nez à nez avec elle alors qu'il était dans son bain. Ophélie sentait le rouge monter à ses joues. Elle était désolée pour tous ses gens, mais devait passer de miroir en miroir, sans destination sans savoir où aller. C'était le seul moyen pour le retrouver.

Agathe, sa grande soeur, semblait bien pensive, quelque chose la tracassait. La famille entière semblait vouloir dire quelque chose, mais personne ne prit la parole. Cela ne dérangeait pas Ophélie qui pouvait prendre son repas en toute tranquillité, pour une fois. Le grand-oncle assit en bout de table lui jetait des coups d'oeil furtifs, il semblait stressé, ce qui ne lui ressemblait pas. Le petit déjeuner se termina en silence, mais Ophélie sentait bien que quelque chose se tramait. Depuis son retour sur Anima, sa famille la surprotégeait, elle avait beaucoup souffert, mais la traiter comme ils le faisaient ne l'aidait pas. Déjà, la perte de ses dix doigts, elle arrivait à se débrouiller avec sa paire de gants qu'elle avait animé, et puis, l'écharpe était là. Mais le plus douloureux était de ne plus parler de lui, comme s'il n'avait jamais existé, ça lui arrachait l'estomac. Un peu plus que cela, même.

Les retrouvailles du MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant